Riccardo Riccò. Nom de code : le Cobra. Pour sa façon de pédaler torse bombé, prêt à mordre. Cycliste à la marge, pour le meilleur comme pour le pire, le natif de Sassuolo a souvent choisi l'ombre à la lumière. Et même pour ses plus grands tifosi, dont un certain Jonas Vingegaard, son parcours tortueux demeure une énigme absolue. Grande gueule, spectaculaire, rock'n roll : il a dépoussiéré le cyclisme à sa façon avant de se perdre complètement dans les méandres du dopage.
Une histoire de chaudière
Or toute sa carrière, de son passage chez les professionnels à sa suspension à vie en 2020, est marquée par le salage de soupe. Après avoir remporté une étape du Baby Giro et intégré l'équipe d'Italie espoirs pour les Mondiaux, Riccò rejoint l'équipe Grassi-Marco Pantani en 2004. Après avoir remporté la semaine cycliste lombarde, il est à deux doigts de passer professionnel à la Ceramina Panaria, l'ancêtre de la Green Project-Bardiani CSF-Faizanè. Problème : ses tests sanguins sont douteux et la fédération transalpine lui interdit de rallier l'équipe de 2e division mondiale qui a aussi eu de sacrés spécimens de fraudeurs dans ses rangs.
Parce qu'il n'y a pas de coïncidences, le Cobra signe dans une équipe espagnole, à la Saunier Duval. Une marque... de chaudières ! Pour sa première année, il remporte la 5e étape de la semaine internationale Coppi et Bartali ainsi que la Japan Cup. Il découvre le Tour et termine à une anonyme 96e palce.
En 2007, c'est l'explosion. Une étape du Tour de San Luis, deux étapes sur Tirreno-Adriatico et une nouvelle étape sur la semaine internationale Coppi et Bartali scande son début de saison. Sur Milan-San Remo, il place une accélération dans le Poggio et fait la bascule avec Philippe Gilbert avant de rendre les armes face à la meute des sprinteurs, Óscar Freire en tête, juste avant la flamme rouge. Forcément, la nouvelle sensation du cyclisme italien fait partie de la sélection de la Saunier Duval pour le Giro.
Roi des Tre Cime di Lavaredo
L'édition 2007 n'est pas la plus clean de l'histoire et c'est un doux euphémisme puisqu'elle remportée par Danilo di Luca. Depuis la 10e étape, la Saunier Duval est l'équipe en forme. Leonardo Piepoli a gagné la 10e étape au Santuario della Madonna della Guardia, terminé 2e du "cronoscalata". Son leader, Gilberto Simoni, a fini dans la roue de Di Luca à Briançons (12e étape) et de Stefano Garzelli (14e étape). Sur le "cronoscalata", Piepoli termine 2e à une seconde de Marzio Bruzeghin. Le 27 mai, pour la 15e étape, le Giro propose une belle journée dans les Dolomites avec le Passo San Pellegrino, le Passo Giau, le Passo Tre Croci et la montée finale aux Tre Cime di Lavaredo, soit un dénivelé de 5000 mètres.
À 100 bornes de l'arrivée, Riccò et Piepoli tentent un coup de force dans le Passo San Pellegrino. Dans la montée finale, les deux hommes s'arrachent. Le cadet devance l'aîné tandis qu'Eddy Mazzoleni, parti avec Paolo Savoldelli dans le Passo Giau, arrive à 1'29'', Di Luca à 2'56''. Simoni et Damiano Cunego arrivent peu après et Garzelli prend 17'30'' dans les carreaux. Riccò termine 6e du général pour son premier Grand Tour.
Sur le Tour de Lombardie qui clôture la saison, il est battu au sprint par Cunego. Le futur lui appartient.
Dauphin de Contador sur le Giro, phénomène déchu du Tour
L'année 2008 doit être l'avènement du coureur qui a constamment sur lui une photo de Pantani. Le Giro part de Sicile. Lors de la 2e étape, l'arrivée est jugée en haut d'une côte à Agrigente. Riccò fait partie des favoris. Irrésistible dans les derniers mètres, il gagne grâce à son punch dévastateur. Lors de la 8e étape, le Romagnol devance le champion du monde Paolo Bettini et Davide Rebellin à Tivoli. Il devient un adversaire plus que sérieux pour Alberto Contador. Au soir de la 15e étape, l'Espagnol s'empare de la Maglia Rosa mais Riccò, 3e au Passo Fedaia, n'est qu'à 33 secondes au général. Le lendemain, le Pistolero gagne 8 secondes sur le contre-la-montre à Plan de Corones. Quatre jours plus tard, au Monte Pora, l'Italien revient à 4 secondes. Les hommes finissent ensemble à Tirano. L'écart est minime mais Contador sait que le dimanche sera à son avantage : il devance Ricco' d'1'53'' et remporte le Giro.
Avec Piepoli, il double avec le Tour. Riccò frappe à Super Besse. À 300 mètres du sommet, le Romagnol attaque et devance Alejandro Valverde et Cadel Evans. La prochaine arrivée au sommet, à Hautacam, est faite pour lui. Mais le Cobra mord là où ne l'attend pas. Il prend un jour d'avance sur les prévisions. Après Peyresourde, il attaque dans l'Aspin et bascule seul dans la descente sur Bagnères-de-Bigorre : Riccò signe un chef d'oeuvre. Pour le 14 juillet, c'est Piepoli qui complète la démonstration de la Saunier Duval. La joie est de courte durée : trois jours plus tard, les deux Italiens sont contrôlés positifs à la CERA, une EPO nouvelle génération pas encore interdite par plusieurs fédérations et même par l'UCI elle-même. En revanche, elle est interdite sur le Tour. Moins de deux semaines plus tard, Riccò avoue tout et prend 20 mois de suspension.
Dopage fait maison
Une sortie de route ou une erreur de jeunesse ? Pas vraiment. Riccò retrouve la compétition en 2010 avec l'équipe Pro Continental Ceramica Flaminia. Le Cobra se remet à gagner : semaine cycliste lombarde, une étape du Tour du Trentin, le Tour d'Autriche. Après cette victoire, il quitte l'équipe qui l'a relancé et privilégie la Vacansoleil plutôt que la Quick Step. Peu avant la fin de saison, il remporte la Coppa Sabatini.
Le retour du banni est une réussite. Riccò s'est amendé et il reprend le cours de sa carrière. Mais la vie n'est pas une success story. Le 6 février 2011, il file à l'hôpital après un malaise à l'entraînement. Il souffre d'un calcul rénal. Il frôle la mort et est bien obligé de se confesser auprès du médecin. En fait, Riccardo s'est pris pour Federico Fusca : il s'est cuisiné une petite une auto-transfusion maison. Che crema, che spettacolo ! Les poches étaient stockées... dans son propre congélateur et réinjectées avec le concours de sa compagne, Vania Rossi, cyclocross woman également contrôlée positive à la CERA mais sauvée par un échantillon B négatif.
Viré de la Vacansoleil, Riccò est cloué au pilori par plusieurs anciens, dont Francesco Moser, ce qui ne manque pas de saveur quand on sait qu'il fut l'un des premiers à utiliser les auto-transfusions avec le Docteur Conconi alias le "Docteur Sang".
Même au bord du précipice, il trouve refuge à la Meridiana Kamen, une Conti croate dont le siège est en Italie. Tout un programme... Il est d'abord suspendu de compétition sur le territoire italien, puis au niveau international. Ensuite, il est condamné en correctionnelle en France à 2 mois avec sursis et 3000€ d'amende.
Il n'y a que les lâches qui freinent
Ça c'est l'antipasto. Le 19 avril 2012, le tribunal du sport italien met le compte à Riccò : 12 ans de suspension. Vous croyez que le Cobra s'est arrêté en si bon chemin ? En 2015, il se fait gauler sur un parking de Livourne en train d'acheter de l'EPO et de la testostérone à deux trafiquants. Cette fois-ci, il est suspendu à vie en décembre 2020.
Devenu glacier à Tenerife, le Cobra est revenu sur le devant de la scène pendant la pandémie. Dans un post Facebook qu'il a ensuite supprimé, il revendiquait son choix d'être anti-vaccin : "je vois qu’énormément de personnes qui disent que le vaccin doit être obligatoire. C’est une blague !? Je fais ce que je veux de mon corps et personne ne peut m’obliger à faire quelque chose qui pourrait avoir des effets négatifs sur mon corps. "Donc, faites-vous donc injecter je ne sais quelle merde, mais ne cassez pas les pieds aux personnes comme moi qui se sont bien informées et qui ne veulent pas se faire vacciner". Grandiose...
Riccò n'a jamais voulu utiliser les cocottes de frein. Incapable de corriger ses erreurs, il est désormais mis au ban de son sport. Une fin somme toute prévisible pour un cycliste qui n'a jamais voulu se conformer aux autres ni respecter les règles. Mais qui, 15 après ans sa plus grande saison, continue de marquer les esprits, à tous les niveaux.
