1999 ou la naissance internationale d'Agustín Pichot, le Petit Napoléon

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1999 ou la naissance internationale d'Agustín Pichot, le Petit Napoléon

Agustín Pichot.
Agustín Pichot.Profimedia
Jusqu'à 1999, l'Argentine restait un petit pays de rugby, qui misait sur quelques expatriés et beaucoup de courage. La donne a changé lors du barrage disputé contre l'Irlande à Lens. Ce soir-là, les Pumas renversent le Trèfle avec, à la manœuvre, un demi de mêlée futé et roublard : Agustín Pichot.

Michel Audiard avait beau être un dialoguiste lumineux, il ne devait pas s'y connaître des masses en rugby. Sinon, il aurait su que la maxime "quand les types de 130 kilos disent certaines choses, les types de 60 kilos les écoutent" ne s'applique pas à un demi de mêlée. Parce qu'un demi de mêlée, ça tchatche, ça cornaque, ça ferraille, ça n'a pas peur de se frotter aux gros. Et quand on est surnommé "le Petit Napoléon", cela signifie que ne pas dépasser le mètre 75 sous la toise n'empêche pas d'indiquer la marche à suivre à des bonhommes qui vous font deux fois.

Pichot, rare expatrié

Agustín Pichot a été l'un des symboles de la génération dorée argentine, celle qui faisait plier les packs adversaires avec sa célèbre bajadita, qui prenait de vitesse grâce à une charnière rusée et envoyait sur les extérieurs des ailiers véloces et puissants. Bien sûr, il y eut la 3ᵉ place en 2007 après deux victoires contre un XV de France à côté de ses groles, noyé par la pression. Mais avant cela, il y eut la genèse, écrite un soir d'octobre de la fin du XXe siècle en Artois. 

Pichot et les Pumas renversent les a priori en 1999, dans un temple du football français : Félix-Bollaert à Lens. Alors que l'Argentine n'a remporté qu'un seul succès, en 1987, en trois participations à la compétitions planétaire, elle accède aux barrages pour se frayer une place en 1/4 de finale. Dans cette équipe, seulement 5 joueurs sur 30 évoluent en Europe : Mauricio Reggiardo (Castres) et le capitaine Lisandro Arbizu (Brive) sont en France, tandis que Roberto Grau (Saracens), Eduardo Simone et Pichot (Bristol) en Angleterre. 

Après une défaite initiale contre le Pays de Galles, les Pumas battent les Samoa et le Japon. Au jeu des calculs d'apothicaire, l'Argentine termine 3ᵉ du groupe et arrache le dernier accessit pour les barrages. Alors que les Samoa se retrouvent à défier l'Écosse à Murrayfield, soit une belle définition du traquenard après avoir battu les Gallois, l'Albiceleste a au moins la chance de jouer l'Irlande de Keith Wood sur terrain neutre.

Jusqu'à la 24ᵉ minute, Gonzalo Quesada donne la réplique à David Humpheys (9-9). Et puis l'homme de l'Ulster prend le dessus : à la 44ᵉ minute, un drop met le Trèfle à l'abri, sans doute définitivement (21-9). Pourtant, Quesada ramène les siens à 6 unités (21-15, 54ᵉ) mais Humphreys remet trois points pour contraindre les Pumas à marquer trois fois. Il reste 20 minutes à jouer et 9 points d'avance. Quelques minutes passent, Quesada réduit l'écart (24-18). 

Pichot renverse la table en 2 minutes

Il reste de l'espoir mais l'Irlande frise le KO. Humphreys a vu son drop repoussé par le poteau et finalement aboutir à une mêlée à 5 mètres. C'est là que Pichot réalise son premier fait d'armes en Mondovision, là où sévit la ruse, la malice, la compréhension de l'instant. Le demi de mêlée n'a pas l'introduction mais c'est lui qui dicte le tempo. Il entre dans la tête de l'arbitre. Première mêlée : il parle. Deuxième mêlée : il parle. Troisième mêlée : coup franc pour l'Argentine. Le 9 aux cheveux longs joue vite et provoque une vague albiceleste qui déferle dans le camp vert. Son équipe remonte la moitié du terrain et hérite d'une mêlée au niveau de la ligne médiane.

Le Petit Napoléon organise son armée de grognards. Les Pumas lancent une 89, Pichot oriente dans le fermé, Super Mario Ledesma fait une percée, à croire que le talonneur est un flanker de toda la vida. Vingt mètres plus loin, Pichot est au soutien, joue au pied et pousse l'Irlande à concéder une mêlée à 5 mètres de leurs perches. L'Irlande est dans les cordes et doit remporter cet affrontement. Le pack des Pumas recule, le 9 s'active, extrait la balle et élargir grand côté. Trois passes plus tard, Diego Albanese est en bout de ligne à l'autre bout du terrain. C'est transformé en coin par Quesada.

L'Argentine prend le score pour la première fois de la rencontre. Quesada enquille une 7ᵉ pénalité à la 79ᵉ minute (28-24). À l'époque, pas de sirène et l'Irlande n'a qu'un essai à inscrire pour passer. Quesada frise le drop assassin puis Felipe Contepomi, entré en jeu, intercepte une passe, prend les boulevards extérieurs et termine en touche à 5 mètres de la ligne. Mais le Trèfle frémit encore et ne capitule pas. Deux fautes argentines ramènent le jeu dans le camp albiceleste. Touche, conquête, maul qui s'écroule à un mètre de l'en-but. Nouvelle pénalité. Pick and go. Nouvelle pénalité, jouée vite. Nouvelle pénalité. Puis une autre. L'essai de pénalité est tout proche. Mais sur la dernière tentative, les Pumas font craquer les Irlandais. Coup de sifflet final. 

Bras au ciel, les Argentins se congratulent et s'effondrent au sol, exténués autant qu'abasourdis par l'exploit inédit réalisé. Les portes d'un 1/4 de finale à Lansdowne Road se referment brutalement sur l'Irlande. Pour les Pumas en revanche, c'est l'entrée de grand monde. Contre l'équipe de France, le Petit Napoléon inscrira un essai et l'Albiceleste jouera crânement sa chance, mais toujours à contre-temps (47-26). Pour Pichot, ce premier exploit lui a permis de s'installer parmi les meilleurs à son poste au niveau mondial. Pendant encore une décennie, il sera l'une des figures les plus emblématiques du rugby sud-américain et un modèle pour tous les types de 60 kilos qui veulent se faire entendre. 

France gouvernement

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