On n'hérite pas d'un surnom comme "The Beast" par hasard. Il y a forcément une histoire derrière, une légende. Pour Manon Fiorot, cette légende, c'est celle d'un stage où elle a découvert le MMA, elle qui était formée au karaté, au muay thaï, et au jiu-jitsu brésilien. Un stage durant lequel elle a mis KO toutes celles qui se présentaient devant elle. C'était il y a dix ans.
Le chemin parcouru est immense depuis. Certes, le gala de samedi soir n'est pas un évènement numéroté de l'UFC - qui sont les plus prestigieux et les plus médiatiques - mais elle en sera la tête d'affiche, elle la n°6 de la catégorie poids mouches, elle la Française qui démontre une nouvelle fois la place que tient désormais le MMA dans l'Hexagone - même si certains pessimistes viendront rappeler que c'est parce que le combat Vicente Luque vs Sean Brady n'a pu aboutir.
Mais qu'importe, l'évènement est de taille. Car face à elle, c'est une fierté locale qui se présentera. Erin Blanchfield, née et formée dans la New Jersey, n°4 de la catégorie, de dix ans plus jeune, elle aussi en pleine ascension, elle aussi spectaculaire, qui vient pour la même chose que la Française : une chance mondiale contre Alexa Grasso ou Valentina Shevchenko dans une catégorie des poids mouches extrêmement compétitive.
De quoi placer l'Américaine comme favorite du combat ? Sans doute. Pourtant, les deux combattantes sont invaincues depuis leur début à l'UFC (6-0 pour les deux) et n'ont subi qu'une seule défaite depuis le début de leur carrière en MMA. Toutes deux précédées d'une flatteuse réputation, légitimes candidates à une chance mondiale. Pourtant, chez les bookmakers, aucun doute : Erin Blanchfield est largement devant.
Pourquoi ? Sans doute parce que trois de ses six combats ne sont pas allés à son terme. Trois fois, elle a emporté le morceau grâce à son habileté dans le combat rapproché. Trois soumissions de grande qualité, sans avoir une seule technique fixe dans le domaine. Sa dernière victoire par soumission, contre Jessica Andrade, est un modèle du genre. Laisser passer l'orage d'une combattante meilleure strikeuse qu'elle, et à la première occasion, takedown + submission.
Un domaine que Manon Fiorot tente soigneusement d'éviter, elle qui n'a jamais gagné de la sorte durant sa carrière naissante. Strikeuse émérite, la Française combat brutalement, tentant d'imposer sa force mais s'appliquant surtout à ne pas aller au sol. C'était particulièrement criant lors de son dernier combat, même si on pouvait aisément comprendre la stratégie contre une combattante de haut vol, l'ancienne championne UFC des poids paille Rose Namajunas.
Un combat que la Française a fini par remporter sur décision unanime, ayant touché plus souvent sa rivale, mais à plusieurs reprises, elle a bien failli succomber aux tentatives de takedown de sa rivale. Mettant un point d'honneur à rester debout, le décompte des juges était en sa faveur, mais l'écart n'était pas non plus incroyable en terme de points.
Qui plus est, elle était à domicile pour ce combat en septembre dernier, l'Accor Arena étant bien évidemment acquise à sa cause. Ce ne sera pas le cas cette fois, et cela aura clairement son importance. Car en tant qu'outsider, elle n'aura pas le droit à la faute. Au premier takedown qui l'emmenera lutter au sol plus d'une minute, voire la moitié d'un round, elle sera derrière chez les juges, ce qui ne lui laissera pas d'autre choix que d'attaquer à tout va, et donc s'exposer à des contre.
Attaquer à tout va, pas de souci, Manon Fiorot sait faire. Sa taille, son allonge, sa technique de poings - pieds sont des armes de haut vol pour elle. Mais elle s'approche du très haut niveau de sa catégorie, et le droit à l'erreur s'en réduit considérablement. Car c'est une chance mondiale qui attend la lauréate de ce combat qui sent la poudre.
Jamais un Français ou une Française n'a soulevé une précieuse ceinture UFC. Certains s'en sont approchés, certains ont combattu pour, certains sont passés proches, mais l'histoire reste à écrire. Manon Fiorot est candidate, c'est indiscutable. Mais entre combattante repérée dans une organisation secondaire aux Émirats Arabes Unis et championne de la plus grande organisation de combat au monde, il y a nombre de marches. Et les dernières sont les plus hautes. Si elle gagne, elle deviendra sans doute la nouvelle star du MMA français. Mais l'obstacle Erin Blanchfield est le plus haut qu'elle ait jamais rencontré. De quoi sortir le popcorn, même très tôt ce dimanche matin.
