Des bas fonds de Rosario à star d'Osasuna : la vie tragique et héroïque de Chimy Ávila

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Des bas fonds de Rosario à star d'Osasuna : la vie tragique et héroïque de Chimy Ávila

Mis à jour
Chimy Ávila
Chimy ÁvilaProfimedia
Né dans un bidonville de Rosario, Ezequiel "Chimy" Ávila a connu la pauvreté, les drames familiaux et une blessure au genou avec Osasuna la veille de sa visite médicale au FC Barcelone. Attaquant puissant, il représente à merveille le club rojillo qui rêve de retrouver l'Europe sous les ordres de Jagoba Arrasate. Avant le duel contre le Real Madrid en finale de la Copa del Rey ce samedi, portrait d'un Argentin qui ne lâche rien.

La carrière de Chimy Ávila était sur le point de changer lors de la dernière semaine du mercato de janvier 2020. À la recherche active d'un attaquant, le FC Barcelone avait jeté son dévolu sur l'Argentin d'Osasuna, pas exactement dans le style de Lionel Messi, de Rosario comme lui, mais le genre à ne jamais renoncer et à empiler les buts.

Prêté par San Lorenzo, son passage à Huesca est une réussite avec une montée historique en Liga et une première saison parmi l'élite à 10 buts et 2 passes décisives en 34 matches. Certes, le club aragonais redescend en Segunda mais le buteur file à Osasuna pour 2.7M€, un cadeau. L'arrivée en Navarre est une réussite : 9 buts et 3 passes décisives en 20 matches de championnat. Des statistiques qui intéressent de nombreux clubs, à commencer par le Barça qui veut signer un buteur pour la deuxième partie de saison. L'affaire est quasiment réglée, plus que la visite médicale à passer après la réception de Levante au Sadar. Mais la suite n'est pas celle imaginée. Il le raconte dans une interview donnée à Panenka en décembre dernier : "La veille du match, le Míster (Jagoba Arrasate, ndlr) m'arrête dans le vestiaire et me demande ce que je voudrais faire. Coach, si vous voulez m'alignez, faites-le. Parce que je vais jouer comme si c'était le dernier match de ma vie, comme toujours. Je le dois aux supporters et je vous le dois, parce que vous avez cru en moi quand je suis arrivé avec 10 kilos en trop". Malheureusement pour lui, ça ne loupe pas : avant l'heure de jeu, il se rompt les ligaments croisés du genou. Une anecdote qui en dit long sur lui.

Chimy Àvila se rompt les ligaments croisés du genou contre Levante en 2020
Chimy Àvila se rompt les ligaments croisés du genou contre Levante en 2020Profimedia

Accusé à tort, il devient travailleur pauvre

Chimy Ávila est né Empalme Graneros, un bidonville de Rosario. Sa jeunesse s'est accompagnée de tout ce qui peut entourer un gamin défavorisé avec son cocktail de violence et de drogue. Fort heureusement pour lui, sa famille fait de son mieux pour l'éloigner de la délinquence, dans un quartier où "on trouve plus facilement un flingue qu'un curé". Et puis il y a le football, avec un terrain littéralement en bas de chambre : "les immeubles l'entouraient et, pour entrer et sortir, il fallait le traverser". Et quand on joue, il faut savoir aussi éviter les cartouches : "j'ai dû dribbler les balles et c'est plus difficile que dribbler les défenses", illustrait dans El País celui qui a un colt tatoué sur le flanc droit. 

La seule que possédait son père, maçon, était une truelle. Son fils le suivra sur les chantiers comme peintre, après avoir été accusé par son club formateur, Tiro Federal, d'avoir piqué des maillots et des télévisions alors que les images de vidéo-surveillance indiquent le contraire. Une histoire qui lui a coûté deux ans de carrière, entre 18 et 20 ans, et qui l'ont contraint aussi à revendre des habits et des cartons. "Nous ne sommes pas rancuniers mais nous n'oublions pas, explique-t-il dans Panenka. Cela me fait enrager car Tiro Federal a récupéré beaucoup d'argent dans chacun de mes transferts. Avec les larmes, l'amertume et la faim qu'ils m'ont causé alors qu'eux se goinfrent...".

Bébé miraculé et beau-frère assassiné

C'est à cette époque qu'il devient père, un de ses rêves mais qui arrivait au pire moment pour lui et son épouse. Dix jours après la naissance de sa première fille, Eluney, celle-ci contracte un virus grave et fait un arrêt respiratoire. Sa femme reste auprès de la nouvelle-née quand lui doit travailler, enfourcher son vélo et parcourir les 20km pour aller à l'hôpital : "le ticket de bus coûtait 2,5€ et si on le prenait tous les deux, il ne restait plus rien. Je faisais l'aller-retour à vélo pour qu'avec les 2€ qui restaient, ma femme puisse manger". Alors que le couple est autorisé à entrer dans la chambre, le berceau est vide : "j'ai tout ravagé parce que je devenais fou, ma femme pleurait. Ma fille n'était plus là. Un médecin est arrivé pour nous dire de nous calmer car elle allait bien et qu'elle pourrait sortir le lendemain matin. L'infirmière avait oublié de nous prévenir". De cet épisode, Ávila en a gardé une foi en Dieu inébranlable.

D'Empalme Graneros à Pampelune, il y a 24 heures de trajet. Mais la réalité met beaucoup plus vite à rattraper le couple Ávila. Cinq jours après son opération du genou en 2020, son beau-frère de 20 ans, sa belle-soeur et sa nièce sont tués par des tireurs en moto. "Seule ma femme a pu rentrer. Elle a dû habiller sa nièce d'un an dans le cercueil, ainsi que son frère. Il était comme notre fils. C'est pour cela que ça me touche quand on te juge sans savoir sans savoir ce que tu vis. Certains disent qu'un joueur gagne des millions. Mais moi, je t'offre les millions si tu me rends mon beau-frère et ma nièce". C'est en leur hommage qu'il s'est tatoué un hibou sur la gorge : "j'ai rêvé d'eux, marchant vers le paradis et il les accompagnait"

Buteur du peuple

Forcément, l'épisode où il a porté par mégarde le portrait de Santiago Abascal, parce que la phrase adjointe à la photo du leader d'extrême-droite VOX, lui plaisait paraît dérisoire, même si Osasuna est un club au passé républicain très marqué dans une région où les militants franquistes ont eu une importance capitale pendant la Guerre Civile (1936-1939). Si les critiques l'ont touché, un but et des excuses devant le virage des ultras en guise de célébration ont rapidement refait de lui l'idole du Sadar, l'un des meilleurs stades d'Espagne. Toujours à fond sur le terrain, Chimy Ávila veut représenter le peuple pour qui il joue: "Combien de personnes se crèvent pour offrir un billet à leur enfant pour le voir heureux ? Je veux donner du spectacle aux gens. Un maillot pour un gamin, c'est 80 ou 90€. Pourquoi ne pas faire le spectacle ? Il faut être honnête : pour un joueur professionnel, 100€ c'est rien, un café. Mais pourquoi tu valoriserais par les 100€ qu'ils dépensent ? Nous vivons grâce à eux"

Avec 7 buts et 2 passes décisives en Liga, l'Argentin contribue amplement aux bons résultats d'Osasuna, 10e à 3 points des places européennes. Et avec une finale de coupe à venir, la saison des Rojillos pourrait être parmi les plus belles du club navarrais. Si le secteur offensif peine cette saison avec 29 buts, soit la 19e attaque de Liga, la perspective de remporter un trophée contre le Real Madrid pourrait redonner du réalisme aux hommes d'Arrasate qui forment, par leur engagement, leur humilité et leur grande rigueur défensive une équipe redoutée qui doit forcer son destin pour ramener la Copa del Rey à Pampelune, 18 ans après.

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