Frédéric Guesdon, pour toujours le symbole de l'imprévisibilité de Paris-Roubaix

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Frédéric Guesdon, pour toujours le symbole de l'imprévisibilité de Paris-Roubaix

Frédéric Guesdon a accompli l'exploit d'une vie le 13 avril 1997.
Frédéric Guesdon a accompli l'exploit d'une vie le 13 avril 1997.AFP
Des cinq Monuments du cyclisme, Paris-Roubaix est celui qui a offert le plus grand nombre de vainqueurs inattendus. Dont un Français, Frédéric Guesdon, le dernier Tricolore en date à avoir triomphé sur "L'Enfer du Nord", en 1997. La course d'une vie pour un coureur de l'ombre comme lui.

Soyons clairs : les favoris gagnent le plus souvent Paris-Roubaix. Dans l'ère récente, Johan Museeuw, Tom Boonen ou Fabian Cancellara ont remporté à plusieurs reprises l'Enfer du Nord. Mais de par son parcours, sa dangerosité et bien sur ses pavés, le troisième Monument de la saison a offert de nombreuses surprises au fil des ans. Matthew Hayman en 2016, Stuart O'Grady en 2007, Magnus Bäckstedt en 2004, tous inattendus. Mais ici en France, tout le monde se rappelle de Frédéric Guesdon.

Né chez Louison

Saint-Méen-le-Grand, paisible commune d'Île-et-Vilaine, est principalement connu pour avoir enfanté l'un des plus grands coureurs cyclistes français de tous les temps : Louison Bobet. Triple vainqueur du Tour de France, il a aussi excellé sur les Monuments, remportant le Tour des Flandres et Paris-Roubaix, entre autres choses. Indiscutablement le coureur des années 50.

Né dans cette commune en 1971, Guesdon ne pouvait pas échapper au jeu des comparaisons. Mais dès les amateurs, il se signale, notamment lors de sa dernière saison, en 1994. Il y a quelques victoires à son palmarès, mais cette année-là, il prend la deuxième place de ... Paris-Roubaix amateurs. Et contrairement aux apparences, cette version de l'Enfer du Nord a quelques grands noms à son palmarès, comme Thierry Marie, Frédéric Moncassin - dont on reparlera plus tard - Thor Hushovd, Bob Jungels, Filippo Ganna ou Tom Pidcock. Gage de qualité donc.

Sauf que ses deux premières années ne sont pas couronnées de succès. Seules deux performances attirent l'attention : une troisième place aux Championnats de France et une 14e sur Paris-Roubaix. Cette année-là est tristement connue pour le triplé de la Mapei-GB, mais il confirme qu'il est à l'aise sur les pavés, alors qu'il n'est absolument pas le leader de son équipe - Polti, à l'époque. 

Ainsi, cela attire l'oeil d'un certain Marc Madiot qui est sur le point de lancer l'équipe de la Française des Jeux. À 25 ans, il intègre ainsi l'une des nouvelles équipes ambitieuses formées en France. Dès ses premiers pas, il remporte la Classic Haribo, sa première victoire professionnelle. Mais personne n'est prêt pour ce qu'il va se passer le 13 avril 1997.

Une chance unique saisie au bond

Bien évidemment, Johan Museeuw est le grand favori à sa propre succession. Porté par la toute-puissante Mapei, le Lion des Flandres est prêt pour le doublé, d'autant qu'il revient en tant que Champion du monde. Mais les outsiders sont nombreux. Notamment Andreï Tchmil, lauréat en 1994, Rolf Sorensen, vainqueur du Tour des Flandres en amont, et son second dans cette course, Frédéric Moncassin. En grande forme, le maillot vert du Tour de France 1996 est la principale cartouche tricolore pour cette 95e édition. 

Et ce sont ces noms que l'on va retrouver à l'avant. Après un premier écrémage sur les pavés, les costauds sont devant, quand Museeuw crève, et doit laisser filer les autres favoris. Mais son équipe a du répondant et ramène tout le monde, avant de mener un train d'enfer sur le secteur de Camphin. Conséquence, les deux éclaireurs devant sont repris, et Museeuw s'isole en tête avec Tchmil et Moncassin. Trio royal. 

Et Guesdon dans tout ça ? Il est dans le peloton alors lancé à la poursuite du trio infernal. Avec lui, ses équipiers Max Sciandri et Christophe Mengin. Mais on ne l'envisage pas pour un podium, tout juste pour un Top 10. Devant, Museeuw, qui aura bien joué de malchance, crève à nouveau et laisse filer Tchmil et Moncassin à 15 km de l'arrivée. Il parait évident que ce duo va se jouer la victoire.

Museeuw, donc, est repris par un petit groupe de chasse. Dans lequel figure toujours Guesdon. Mais côté français, on n'y fait guère attention, tant on est persuadés que Moncassin va s'imposer. Après tout, il est plus rapide que Tchmil au sprint, et s'il réussit à répondre aux attaques probables de l'Ukrainien, c'est pour lui. C'est alors que la course leur échappe. 

Au lieu de collaborer et de se jouer la victoire sur le Vélodrome, les deux de tête s'attaquent sans relâche, notamment Moncassin, qui fait preuve de tout sauf de sens tactique ce jour-là. Une violente attaque à 2 kilomètres de la fin oblige Tchmil à un énorme effort, et les deux sont exsangues. Personne n'a pensé à regarder derrière, et avant l'entrée sur le Vélodrome, les six poursuivants sont revenus.

Qu'importe pense-t-on, Moncassin reste l'un des plus rapides de ce groupe, il garde sa chance. À ce moment-là, on a presque oublié que Guesdon est là. D'autant qu'il n'est pas censé avoir la pointe de vitesse nécessaire. Une erreur bien entendue, car après 250 kilomètres sur les pavés, les cartes sont nécessairement redistribuées. 

Et alors que la caméra ne sait plus où filmer, un homme surgit dans le dernier virage. Tout le monde est rôti, alors pourquoi ne pas tenter sa chance, c'est l'occasion d'une vie, c'est maintenant ou jamais. Frédéric Guesdon décolle à l'abord de la dernière ligne droite. Il se retourne pour constater que plus personne n'a les jambes. C'est la victoire pour le Breton, une immense surprise. Encore aujourd'hui, regarder le plateau, le déroulement de la course, et en conclure sur sa victoire, les frissons sont toujours là. 

Le dernier spécialiste français de L'Enfer du Nord

Voilà qui marque le premier coup d'éclat de la Française des Jeux, trois mois après son apparition dans le peloton. Un premier Monument pour cette équipe, sachant qu'elle attendra 19 ans pour le second (Arnaud Démare à Milan - San Remo 2016) et qu'elle n'a jamais plus regagné Paris-Roubaix depuis. Un exploit unique. 

Mais également pour Guesdon. Un coureur qui va symboliser le bien et le mal du cyclisme français. Car hormis la victoire de Laurent Jalabert sur le Tour de Lombardie - également en 1997 - aucun Français ne regagnera un Monument jusqu'à Démare. 19 ans de disette, et pendant cette période, Guesdon continuera de sévir sur Paris-Roubaix. 

Le problème, c'est qu'à chaque fois qu'il prendra le départ, ce sera en tant que principale chance française. Il terminera 11 fois dans le top 20 de la course, mais que ce soit en 2006, quand il prend la 7e place à 34 ans, ou en 2011, quand il prend encore la 11e place à presque 40 ans, il est à chaque fois là où on l'attend, à la lutte pour le Top 10. 

Parce que les coureurs de classique ne sont pas réellement légion à cette époque côté français. Dans la décennie 2000 - 2009, les Bleus ne remporteront aucun Monument, et ne signeront même aucun podium sur ces courses prestigieuses. Avoir un Guesdon performant sur Paris-Roubaix permettait de "limiter la casse".

Car jamais Madiot n'aurait pu monter une véritable équipe de Flandriens pour l'entourer et lui donner une vraie chance de réussite. Bien trop risqué. Guesdon remportera bien Paris-Tours en 2006, mais aujourd'hui, il n'est pratiquement connu que pour ce succès homérique sur L'Enfer du Nord. Et 26 ans plus tard, on attend toujours son successeur.

Pour longtemps (à jamais ?) le dernier

Depuis la victoire de Guesdon en 1997, il n'y a eu qu'un seul podium français sur Paris-Roubaix : Sébastien Turgot, 2e derrière l'intouchable Boonen en 2012. Clairement une performance sortie de nulle part et qui ne trouvera jamais d'écho ni chez l'intéressé, ni dans les équipes tricolores.

Et aujourd'hui, on se demande combien de temps on va encore devoir attendre. Depuis le podium de Turgot, on compte neuf Top 10 tricolores. Dont trois pour le seul Adrien Petit, coureur de devoir, à l'aise sur les pavés, mais jamais ô grand jamais il ne sera cité parmi les favoris. 

Alors bien sûr, on a vu un grand Christophe Laporte. Mais s'il est un outsider crédible au vu de son niveau récent, il dépendra de son leader Wout Van Aert. Et si ils venaient à s'échapper tous les deux comme lors du récent Gand-Wevelgem, pas sur que le Belge ne lui laisse la victoire cette fois-ci.

Paradoxalement, Laporte est pourtant la meilleure chance française. Voire peut-être la seule. Le cyclisme français est cependant dans un bien meilleur état que voilà 20 ans. Mais Paris-Roubaix est une course si particulière, si imprévisible, qu'il faut parfois un soupçon de chance, à la fois pour soi-même mais aussi contre les favoris pour l'emporter. Et à l'instant T, on a du mal à croire qu'on ne regardera pas avec nostalgie les highlights de la victoire de Frédéric Guesdon l'année prochaine à la même époque en se disant "mais quand trouvera-t-on son successeur ?". 

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