Chaque Wimbledon ne fait que le confirmer : le jeu sur gazon n'existe plus

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Chaque Wimbledon ne fait que le confirmer : le jeu sur gazon n'existe plus

Malgré le soin apporté, le gazon londonien n'est plus le même.
Malgré le soin apporté, le gazon londonien n'est plus le même.AFP
Progressivement, depuis le début du XXIe siècle, les purs attaquants disparaissent du tennis professionnel. C'est encore plus criant sur gazon, une surface autrefois réservée aux rois du service volée, mais qui n'offre plus le même spectacle aujourd'hui. Et, pour des raisons très simples.

Quand on change de siècle, on change de technologie. Mais ce changement-là s'apparente à un flop. En 2001, les organisateurs du tournoi de Wimbledon introduisent une modification majeure : un nouveau gazon. Un gazon lent, des rebonds plus haut. Une hérésie ? 

Une vingtaine d'années plus tard, on est tentés de répondre oui. Le service volée a quasiment disparu de la circulation, la tendance va toujours plus vers des duels de costauds en fond de court, les échanges se rallongent, tout comme les matchs. L'uniformisation du jeu est en marche, une mauvaise nouvelle pour les puristes. Mais une bonne pour les amateurs de records. 

Justement, parlons chiffres. Pete Sampras est monté plus de 100 fois au filet lors de son septième sacre londonien en 2000. La finale 2022 a vu les deux joueurs s'aventurer au filet 55 fois... en cumulé ! Le tennis d'attaque, qu'ils disaient... Plus besoin de monter quand on peut faire le point du fond de court. Mais initialement, ce n'était pas la raison du changement. La première avancée par les organisateurs était que le nouveau gazon devait être plus résistant. 

Ci-dessus, les highlights de la finale 2000, la dernière sur l'ancien modèle de gazon. Ci-dessous, les highlights de la finale 2022, la plus récente. Il apparait évident qu'après 15 jours de tournoi, le gazon doit être abîmé. Mais, on ne voit aucune réelle différence. Et l'on ne s'attendait pas à en voir une.

Un argument fallacieux pour masquer une réalité autre ? Ce ne serait guère surprenant. Jusqu'aux années 90, la ligne de démarcation était claire. Un joueur pouvait briller sur terre et sur dur, ou alors sur gazon et sur dur. Mais, sur terre et sur gazon ? Impossible. Il fallait adapter son jeu. 

Ce n'est pas un hasard si, la seule fois entre 1993 et 2000 où Sampras n'a pas remporté Wimbledon (1996), c'est quand il a atteint le dernier carré de Roland-Garros pour la seule fois de sa carrière. L'écart était si immense qu'il avait modifié son jeu pour se donner les meilleures chances à Paris. Mais, il a payé la note à Londres.

Ce n'est pas un hasard non plus si, à cette époque-là, le Grand Chelem calendaire n'était qu'une chimère. Roger Federer et Novak Djokovic ont déjà été à un match de cet exploit au XXIe siècle. C'est bien simple, depuis le Grand Chelem de Rod Laver en 1968, jamais, jusqu'au Big Three, un joueur n'avait remporté trois Majeurs dans la même saison, et a fortiori sur trois surfaces différentes comme Rafael Nadal et Djokovic.

Ce n'est pas non plus un hasard si le doublé Roland-GarrosWimbledon a déjà été accompli 4 fois par le Big Three - 5 si Djokovic s'impose cette saison –  depuis le changement de surface, donc 22 ans. Autant qu'en 34 depuis le début de l'Ère Open, dont trois fois par le seul Björn Borg. Chez les dames, où la concurrence a été bien plus exacerbée, Serena Williams l'a, elle, réalisé deux fois. 

Mais au-delà des histoires de palmarès, Wimbledon a tué les attaquants en prenant cette décision, puisque les autres tournois sur gazon lui ont emboîté le pas. Les grands serveurs-volleyeurs qui vivaient toute une tournée sur terre en serrant les dents pour attendre leurs six semaines de bonheur. Car il ne s'agit pas que de Wimbledon, gagner le Queen's ou Halle fait belle figure dans un palmarès. 

Pour rester sur le circuit masculin – le service volée n'ayant quasiment jamais été pratiqué sur le circuit WTA  –, Goran Ivanisevic est le dernier attaquant à avoir remporté Wimbledon en 2001, l'année de l'installation du fameux gazon. La dernière chance avant que tout le monde ne lance un réel processus d'adaptation. 

Et encore une fois, ce n'est pas un hasard si ce Grand Chelem est le seul depuis 2003 à être l'apanage du quatuor Federer - Nadal - Djokovic - Andy Murray. Jamais une surprise. En finale, oui. Milos Raonic, Kevin Anderson, Mark Philippoussis, mais force est restée au fond de court. Comme partout désormais.

L'uniformisation des surfaces était sans aucun doute la volonté cachée derrière ce bouleversement historique. Ne plus risquer de voir une grosse tête d'affiche faire faux bond parce qu'elle n'aime pas la surface. Les meilleurs joueurs doivent jouer les grands tournois et Wimbledon voulait sa part. La terre battue ayant aussi eu tendance - à moindre échelle - à accélérer, les trois surfaces se ressemblent toutes. Et, c'est aussi le cas pour le dur indoor, l'ATP et la WTA ayant fait disparaître progressivement la fameuse moquette.

Ni trop rapide ni trop lent : le rêve de tous organisateurs de tournois. Avoir des matchs suffisamment longs pour garder le public sur place, mais pas trop pour qu'il ne s'ennuie pas. La logique économique a encore une fois eu gain de cause.

Le fameux match le plus long de l'histoire (à Wimbledon, ironie du sort) entre John Isner et Nicolas Mahut en 2010 ? On force le tiebreak au bout du cinquième set. La pluie perturbe trop le programme de Wimbledon et dérange les télédiffuseurs ? On supprime le traditionnel dimanche de repos au milieu du tournoi. Et tant pis pour le Manic Monday.

Désormais, le service volée n'est plus et le jeu d'attaque subsiste à peine. Combien de joueurs et joueuses a-t-on vu dans cette édition arrêter leur course en plein milieu du court pour retourner sur la ligne de fond au lieu de tenter de conclure après une belle attaque ? Des dizaines. Celui qui distribue le mieux – pas forcément celui qui cogne le plus fort – va gagner. Le tennis a changé. Il a évolué, diront certains. Mais, attention à ce qu'il ne devienne pas terriblement ennuyeux. 

France gouvernement

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