Il n'est pas nécessaire d'être un fan de Roglic pour imaginer la douleur que le Slovène a dû endurer mentalement lorsqu'il a perdu, à la surprise générale, son avance apparemment sûre de 57 secondes sur ce même dernier obstacle avant le plus grand triomphe de sa carrière, la victoire au classement général du Tour de France, précisément dans sa discipline de prédilection, le contre-la-montre.

Cela aurait pu être le fabuleux couronnement d'une ascension sans précédent pour ce sportif d'exception qui, il y a 12 ans encore, s'envolait professionnellement de la rampe de saut à ski. Pour beaucoup, cela aurait même dû être le cas. Mais tout s'est passé autrement.

C'est justement son compatriote, Tadej Pogacar, qui lui a volé la vedette en remportant l'étape de contre-la-montre en question, puis le classement général de la course cycliste la plus prestigieuse du monde. Un duel de géants s'annonçait entre lui et Primoz Roglic pour les années à venir.

Roglic sans chance au Tour de France

Car de son côté, Roglic semblait également avoir encaissé le revers. Quelques semaines plus tard seulement, il remportait la Vuelta a Espana avec la rage au ventre. Ce devait être la deuxième de trois victoires consécutives dans la troisième plus grande course du sport.

Mais en France, il n'a pas connu le grand bonheur. Notamment parce que Roglic a dû faire face à des chutes et des blessures. Des blessures qui ont donné à un coéquipier l'occasion de se placer sous les feux de la rampe. Et c'est ce qu'il a fait. Il s'agit bien sûr de Jonas Vingegaard qui, à son tour, a remporté deux fois de suite le Tour de France.

Vingegaard, le nouveau mâle alpha

Et Roglic ? Le coureur de 33 ans a certes enchaîné les victoires dans les courses de printemps et a remporté pour la première fois le Giro d'Italia en 2023. Mais sur la plus grande scène, quelque chose s'est toujours interposé : chutes, blessures, forme, maladie - ou justement Vingegaard.

Depuis cette année, la hiérarchie chez Jumbo - Visma avait définitivement basculé en faveur du Danois, Roglic n'aurait plus été qu'un aide de choix sur le Tour de France. Aujourd'hui, Sepp Kuss, son véritable lieutenant, lui a également mis des bâtons dans les roues en remportant la Vuelta, "sa" Vuelta a Espana. La rupture tant attendue avec l'équipe a eu lieu.

Quelles en sont les conséquences ? Si Roglic veut encore réaliser son grand rêve de remporter le Tour, il doit se trouver une nouvelle équipe dont il est le capitaine incontesté. Il l'a désormais trouvée en la personne de Bora-Hansgröhe, une équipe allemande.

Bora-Hansgröhe vise les grands tours.

La bonne décision pour les deux ? Je pense que oui ! Ces dernières années, l'équipe s'est de plus en plus orientée vers les Grands Tours. Avec Emanuel Buchmann, Jay Hindley et Alexander Vlasov, on a trois solides coureurs de circuit qui peuvent se battre pour le podium du Giro et de la Vuelta. Hindley a même remporté le Tour d'Italie en 2022. Les trois devront éventuellement renoncer à ces ambitions. Pour un objectif plus important : la victoire au Tour de France.

Mais Roglic a-t-il encore de l'avenir ? Ces deux dernières années, Pogacar et Vingegaard étaient à un haut niveau et sans concurrence. Mais les chutes se sont toujours mises en travers du chemin de Roglic. Sur des profils d'étapes comparables, il a pu rivaliser avec eux dans d'autres courses, voire les surpasser. Tout comme Pogacar et Vingegaard, Roglic est aussi ou surtout très dangereux dans les contre-la-montre et les étapes de difficulté moyenne - et très fort au sprint.

Sans chutes ni blessures, Roglic peut gagner le Tour 2024

Si Roglic parvient encore une fois à ajuster sa forme de manière optimale pour juillet et qu'il est épargné par les chutes, il pourrait tout à fait rivaliser avec les deux gladiateurs. Sur le plan qualitatif, il ne pourra pas compter sur le soutien dont il a bénéficié chez Jumbo - Visma. L'équipe néerlandaise s'est présentée ces dernières années comme incontestée, surtout dans les étapes de montagne difficiles.

Bora-Hansgröhe dispose néanmoins d'un excellent cadre, qui est en outre diversifié et pourrait parfaitement se compléter avec le profil de Roglic. En plus des trois coureurs cités, l'équipe a pillé Ineos pour 2024 avec Daniel Felipe Martinez, un autre coureur de haut niveau pour la haute montagne.

A 33 ans, l'homme originaire de Seger an der Sau est dans la force de l'âge en matière de cyclisme. Pour mémoire, Bradley Wiggins (32 ans au moment de sa victoire), Cadel Evans (34 ans) et Carlos Sastre (33 ans) sont les trois coureurs qui ont fêté leur première victoire sur le Tour à un âge similaire au cours des 15 dernières années.

Les fans de cyclisme peuvent attendre avec impatience Primoz Roglic chez Bora-Hansgröhe - et peut-être qu'au Tour de France 2024, un duel se transformera en une lutte à trois, avec un soupçon de participation allemande.