C'est une finale qu'on pouvait envisager. Logique pour un rendez-vous entre les têtes de série n°3 et 4 du tableau. Mais cela impliquait de couper la tête aux favoris. Si Jannik Sinner a réussi à le faire contre Novak Djokovic, Daniil Medvedev a laissé Alexander Zverev faire le travail contre Carlos Alcaraz, mais a bien failli se faire décapiter à son tour par l'Allemand.
Néanmoins, ni l'un, ni l'autre n'ont volé leur place ici, en finale du premier Grand Chelem de la saison. Et si l'on se fiait uniquement au palmarès et à l'expérience, le Russe serait favori. Beaucoup d'éléments vont dans son sens, comme le fait que ce sera sa sixième finale de Grand Chelem, alors que le Transalpin est novice à ce niveau. Néanmoins, avec une seule victoire en cinq tentatives, le taux de réussite est à jeter aux oubliettes.
On se penche alors sur le bilan en confrontation directe : 5-3 en faveur de Medvedev. Une bonne carte, peut-on penser. Sauf que Sinner a tout simplement remporté les trois derniers, en fin de saison 2023, en l'espace d'un mois et demi. Deux finales en ATP 500 et les demi-finales des ATP Finals chez lui, l'Italien a mis la main sur cette affiche et renversé l'avantage psychologique dont pouvait prétendre bénéficier son rival. Au suivant.
La condition physique est à l'avantage de Sinner également. S'il a perdu son premier set du tournoi contre Djokovic, l'Italien est frais, son match contre le Serbe étant le seul à avoir dépassé les trois heures de jeu. Medvedev, en revanche, a perdu 8 sets sur la route de la finale, pour un total assourdissant de plus de 20 heures passées sur le court !
On pourrait également penser que le fait d'avoir remonté deux manches de handicap contre Zverev pourrait jouer en faveur du Russe. Il est vrai que cela pourrait lui donner un supplément d'âme, étant passé à deux points de la sortie. Mais puisqu'il n'a clairement pas été souverain depuis le début de la compétition, cela semble peu probable. L'impression générale étant que c'est plutôt son rival qui a perdu le match que lui qui l'a gagné, puisqu'il a profité de la liquéfaction de son rival dans le dernier set.
À l'inverse, Jannik Sinner ne pourrait pas avoir plus de confiance. Impérial durant tout le tournoi, il a montré son mental contre le n°1 mondial quand il a repris sa marche en avant après avoir lâché le troisième set malgré une balle de match. Quand il a fallu conclure sur son engagement, il a passé les premières qu'il fallait et n'a pas tremblé sur la majorité du match. Il est allé chercher la victoire malgré un obstacle qui semblait infranchissable.
Alors, déjà joué en faveur de l'Italien ? Ce serait trop facile. Si Jannik Sinner a remporté les derniers affrontements, cela n'a pas été une promenade de santé. La finale de Vienne a été un des matchs de la saison, qui a duré plus de trois heures sur une surface - le dur indoor - pourtant censée provoquer des brèves batailles. Idem lors du dernier à Turin, où le Transalpin a sans doute profité du soutien du public pour se relancer après avoir lâché de peu l'occasion de conclure en deux sets.
Et sur dur extérieur, Medvedev rayonne depuis longtemps. C'est là-dessus qu'il a remporté son unique Grand Chelem, à l'US Open 2021, et qu'il a disputé toutes ses finales majeures. C'est aussi sur ce revêtement qu'il a dominé l'Italien en finale du Masters 1000 de Miami la saison dernière alors que Sinner venait de terrasser Carlos Alcaraz en demi-finale, ayant donc - comme cette fois-ci - fait le plein de confiance. Et il y a également remporté 10 de ses 20 titres en carrière.
Des arguments qui pèsent malgré tout lourd, et qui promettent un spectacle à la hauteur de l'évènement. L'Open d'Australie a été le théâtre de finales légendaires au fil du temps. Djokovic-Nadal 2012, Federer-Nadal 2017, Nadal-Medvedev 2022, des moments d'histoire que le Russe et l'Italien vont tenter de dupliquer. Le spectacle sera au rendez-vous, sans nul doute, reste à savoir qui sera le vainqueur. Ici, on parie quand même sur Medvedev, mais sans certitude, car cette finale en a beaucoup et peu à la fois.
