Le match le plus attendu de la phase de poules a opposé les équipes les mieux classées de l'IRB dans une fascinante opposition de styles.

La féroce défense sud-africaine, qui n'avait concédé que trois points lors de ses deux premiers matches, s'est opposée à la vitesse et au dynamisme de l'attaque irlandaise.

Les grands matches ont tendance à ne pas être à la hauteur de ce qu'on attend d'eux, mais celui-ci a tenu toutes ses promesses, le résultat étant sur le fil du rasoir jusqu'à la dernière minute.

Ce match avait toutes les caractéristiques d'une finale de Coupe du monde, compte tenu de son intensité et de sa brutalité, et pourrait s'avérer le plus spectaculaire des matches de préparation si les deux nations parviennent à se frayer un chemin dans le tournoi jusqu'à la finale du 28 octobre.

L'Irlande surmonte un début hésitant

Soutenue par les nombreux supporters verts présents, l'Irlande a fait part de ses intentions dès le début du match, refusant un simple trois points devant les poteaux et optant plutôt pour un coup de pied en coin.

Malgré cette approche positive, les Irlandais ont montré des signes de nervosité, Rónan Kelleher manquant la cible sur trois touches en 10 minutes, ce qui a permis aux Springboks de prendre de l'avance au tableau d'affichage.

Un début de match marqué par des erreurs dans une rencontre aussi cruciale aurait pu inciter les équipes irlandaises précédentes à se replier sur elles-mêmes, mais les hommes d'Andy Farrell ont tenu bon et se sont montrés à la hauteur de l'événement.

Après avoir résisté à un barrage de pression sud-africaine – en grande partie grâce à un brillant travail défensif de l'influent ailier James Lowe –, l'Irlande a percé la défense adverse pour marquer ce qui s'est avéré être un essai décisif pour le match.

Le très en forme Bundee Aki a pénétré dans les 22 mètres sud-africains depuis son propre camp et, après que l'Irlande a conservé la possession du ballon sur une touche de cinq mètres, une boucle et une feinte de Johnny Sexton ont créé l'espace nécessaire à Mack Hansen pour marquer dans le coin.

C'était un morceau de rugby clinique de la part de l'Irlande et une marque de la façon dont ils peuvent être mortels contre les défenses les plus sévères.

L'Irlande n'a perdu que deux de ses 30 derniers test-matchs depuis le début de l'année 2021, et l'une de ses plus grandes forces reste sa résistance mentale.

L'Irlande s'est remise d'un début de match anormalement poussif pour prendre lentement le contrôle de l'équipe championne en titre, remportant une bataille féroce à la touche, avant de désamorcer la "Bomb Squad" de l'Afrique du Sud, composée de sept avant remplaçants, en deuxième mi-temps.

Le pack irlandais a réalisé une démonstration défensive héroïque avec des joueurs comme Tadhg Furlong, Josh van der Flier et Caelan Doris, tous immenses lorsqu'il s'est agi de repousser l'attaque sud-africaine implacable.

Cette base solide a permis à l'équipe de Farrell de jouer avec plus de vitesse et de liberté dans la possession du ballon, ce qui est essentiel face à une défense éclair aussi efficace que celle des Boks.

Les risques liés à la sélection des Springboks se retournent contre eux

Le choix de Manie Libbok comme premier buteur des Springboks a suscité de nombreuses critiques au cours des derniers mois, de nombreux supporters craignant que le faible taux de réussite du demi d'ouverture ne revienne inévitablement hanter l'Afrique du Sud dans les grands matches.

Malheureusement pour Libbok, c'est ce qui s'est passé samedi soir.

Alors que Sexton a quitté le terrain à la 72ᵉ minute, le demi d'ouverture des Springboks a dû regretter une nouvelle fois sa mauvaise performance devant les poteaux.

S'il est vrai qu'il est dommage de se focaliser uniquement sur son coup de pied de but alors qu'il offre bien plus à l'équipe en termes de distribution et de rapidité d'esprit en attaque, ces ratés – ainsi que les deux pénalités à distance de Faf de Klerk –, ont fini par coûter 11 points à l'Afrique du Sud.

Sexton a pris la défense de Libbok après le match, soutenant le demi d'ouverture "de qualité" pour qu'il se reprenne après une période difficile à laquelle tous les buteurs sont invariablement confrontés à un moment ou à un autre de leur carrière.

Malheureusement pour Libbok, les Springboks n'ont tout simplement pas le temps d'attendre que cela se produise dans ce tournoi.

Compte tenu des marges absurdes qui séparent les meilleures équipes du monde, Jacques Nienaber se tournera certainement vers Handré Pollard, de nouveau en forme, si l'Afrique du Sud termine le travail contre les Tonga ce week-end et se qualifie pour les 1/4 de finale.

Si les coups de pied de but de l'Afrique du Sud ont été les principaux responsables de la défaite de samedi, une autre décision qui s'est retournée contre les Springboks a été la répartition 7-1 entre les attaquants et les arrières sur le banc de touche, qui a fait l'objet de vifs débats.

Cette tactique avait été mise en œuvre lors de la démolition de la Nouvelle-Zélande avant le tournoi, mais à part un essai non transformé de Cheslin Kolbe, l'Afrique du Sud n'a rien eu à montrer pour ses nombreuses entrées dans les 22 irlandais.

Cette sélection a également soulevé des questions sur la sagesse de ne pas avoir choisi un talonneur remplaçant sur le banc.

À un moment crucial de la rencontre, le talonneur Deon Fourie a été puni pour un lancer de travers, tandis que la menace du porteur de ballon Malcolm Marx, blessé, a cruellement manqué aux Boks.

Compte tenu du retour imminent de Pollard, il est probable que Rassie Erasmus et Nienaber renoncent à la formule exagérée du 7-1 sur le banc pour le reste du tournoi et optent plutôt pour un système plus équilibré.

Le rugby irlandais vise l'histoire

L'Irlande a peut-être entamé sa campagne de Coupe du monde de manière relativement discrète avec des victoires confortables sur la Roumanie et les Tonga, mais la nature de sa victoire sur les champions en titre a fermement souligné son statut d'équipe numéro 1.

Un résultat positif contre l'Écosse lors de leur dernier match de poule permettra à l'Irlande de prendre la tête du groupe, ce qui ouvrira la voie à un probable quart de finale contre la Nouvelle-Zélande, une équipe que l'Irlande a battue deux fois d'affilée l'été dernier.

L'équipe de Farrell abordera ce match en tant que favorite, bien que les All Blacks puissent mettre en avant le fait que l'Irlande n'a jamais dépassé le stade des quarts lors d'une Coupe du monde, ce qui constitue un facteur de nivellement.

Il reste à voir comment l'Irlande s'appuiera sur la performance de samedi pour poursuivre l'histoire, mais après 16 victoires consécutives en test, l'armée verte de Farrell est bien l'équipe à battre dans les derniers stades du tournoi.