En France, on ne peut pas aller plus à l'ouest que la ville côtière de Brest. Plus loin, on se retrouve dans l'Atlantique Nord, ce qui explique que le club de la région bretonne, historiquement celtique, soit connu sous le nom des Pirates.
À quatre journées de la fin du championnat, Brest est en bonne voie pour se qualifier pour l'Europe et peut-être même pour la nouvelle Ligue des champions, ce que les Pirates n'ont jamais fait auparavant.
S'ils y parviennent, il s'agira de l'une des plus belles réussites de tous les clubs du "Top 5" européen cette saison, en raison du budget relativement modeste dont dispose Brest.
Mettons en perspective les résultats de Brest depuis le début de la saison. Le meilleur classement de Brest en première division française était la huitième place en 1986/87. Le club a ensuite fait faillite en 1991 et a dû remonter les divisions pour retrouver la Ligue 2 en 2004. Le club a été promu en Ligue 1 pour la dernière fois en 2019 et a terminé dans la dernière moitié du classement lors des quatre campagnes précédentes.
La masse salariale du club est l'une des cinq plus faibles des 18 clubs de Ligue 1 (toutes les informations sur les salaires sont tirées de fbref.com).
Considérablement inférieure aux budgets de Nice, Nantes et Lille, la masse salariale de Brest est environ deux fois moins importante que celle de Rennes, que le club affronte dimanche. Lyon et Monaco ont des masses salariales environ quatre fois supérieures à celle de Brest, et celle de Marseille est encore plus importante. Et puis il y a le PSG, qui dépense plus de 20 fois plus en salaires et qui n'a gagné que cinq matches de plus cette saison en championnat.
Si l'on place Brest en Premier League, en LaLiga, en Serie A ou en Bundesliga, son budget se situerait dans les trois dernières places des quatre championnats. Sa masse salariale est presque deux fois moins importante que celle du plus petit club de Premier League (Luton).
En un mot, Brest a été exceptionnel, aussi exceptionnel que n'importe quel autre club du continent si l'on compare ses performances à ses dépenses.
Bologne (13ème masse salariale de Serie A), Gérone (11ème masse salariale de LaLiga) et Heidenheim (plus petite masse salariale de Bundesliga) ont également dépassé leurs budgets respectifs de manière admirable cette saison, mais loin d'atteindre le niveau de Brest en Ligue 1.
Quel est le secret ?
Une grande partie du succès est due au travail de l'entraîneur Eric Roy. Ce dernier n'avait dirigé qu'une seule équipe (Nice) avant Brest, après avoir été directeur sportif à Lens et Watford. Lorsque Roy a été nommé en janvier 2023, le club était dans la zone de relégation. Depuis sa nomination, le club est remonté en flèche.
Contrairement à de nombreux clubs de Ligue 1, le modèle de recrutement de Brest n'est pas basé sur la découverte de jeunes talents, ce que la France possède plus que n'importe quelle autre nation européenne. En fait, l'équipe brestoise est la sixième plus âgée du championnat, avec une moyenne d'âge de 26 ans. Il est intéressant de noter que, de tous les clubs de Ligue 1, c'est aussi celui qui compte le moins d'étrangers dans son effectif (six).
Ce ne sont pas des recrues étrangères sexy et médiatisées qui ont propulsé Brest vers le haut du tableau, mais plutôt des joueurs locaux expérimentés.
"Quand je construis une équipe, c'est toujours pour trouver un équilibre, avec un certain nombre de joueurs qui apportent de l'expérience et d'autres qui sont plus jeunes et qui apportent de l'énergie, du dynamisme et de la jeunesse", a déclaré le directeur sportif Grégory Lorenzi, cité par The Guardian.
Brendan Chardonnet, l'homme d'un seul club, le milieu de terrain Pierre Lees-Melou, le meilleur buteur Romain Del Castillo et l'attaquant Steve Mounie forment le noyau dur de l'équipe, avec une poignée de recrues astucieuses comme Martin Satriano (prêté par l'Inter).
Le gardien Marco Bizot, pilier depuis trois saisons, a été recruté à l'AZ Alkmaar pour seulement cinq millions d'euros. La plupart des joueurs étaient à Brest avant Roy, ce qui montre bien que son coaching a permis d'élever le groupe sans qu'il soit nécessaire de recruter à tout va.
Organisé, intelligemment assemblé, solide défensivement - Brest est le troisième club de Ligue 1 à avoir encaissé le moins de buts à ce jour - et discret, il est la définition d'une équipe qui est plus grande que la somme de ses parties. Comme on le voit, le club atteint des sommets bien au-delà de ses moyens financiers, ce qui est la meilleure preuve d'un leadership efficace dans le football.
Brest devrait être en lutte contre la relégation. Au lieu de cela, il se bat pour une place en Ligue des champions de l'UEFA. S'ils y parviennent, leur saison devra être considérée comme l'une des meilleures du "top 5" européen en 2023/24.
La question qui se posera cet été sera de savoir si le club parviendra à conserver Roy et ses meilleurs atouts après avoir fait des vagues depuis la périphérie occidentale du continent. Espérons que ce n'est qu'un début pour ces Pirates et que leurs prochaines aventures européennes les amèneront à piller des trésors loin à la ronde.
