Si vous n'êtes pas assidus de la Liga et des équipes de bas de tableau, le nom de Pere Milla ne vous dira sans doute pas grand-chose. Buteur de la montée en 2020 à la dernière seconde du barrage contre Girona, l'attaquant catalan est une figure d'Elche, un joueur besogneux et important dans le collectif ilicitano.
Après 8 matches sans aucune victoire, seulement 2 points grappillés et un entraîneur, Francisco, viré et remplacé par Jorge Almirón, les Franjiverdes se déplaçaient à Valencia samedi dernier. Dominés pendant tout le début de la première période, ils ont obtenu un penalty, transformé par Pere Milla. Après le doublé d'Edinson Cavani juste avant la mi-temps, le buteur maison a ensuite égalisé. La lanterne rouge donnait du fil à retordre à l'équipe de Gennaro Gattuso et était proche de la faire craquer.
A la 72e minute, Yunus Musah a commis une faute sur Pere Milla. L'arbitre, Juan Luis Pulido Santana, a laissé jouer avant de se raviser... au moment où Nico Fernández a catapulté le ballon au fond des filets blanquinegros. But annulé, au grand dam des Ilicitanos.
Mansuétude
Tout était là pour créer une belle polémique, une de plus concernant le corps arbitral. La routine en somme. A chaud, quelques secondes après avoir concédé le nul, Pere Milla avait toutes les raisons de se plaindre, surtout dans la situation délicate de son club. Le Catalan a pris le contre-pied parfait. Interrogé au bord de la pelouse de Mestalla juste après le coup de sifflet final, il a exonéré l'arbitre, novice en Liga. "Je vais être sincère, j'ai vu son expression sur son visage et elle disait "quelle connerie", a-t-il expliqué au micro de Movistar. Il se sentait mal parce qu'il devait laisser l'avantage. Il avait tort et il l'a admis. Je me sens mal, parce qu'il l'a fait avec toute la bonne foi du monde. Nous nous trompons tous, nous sommes des humains, pas des machines et la vie continue".
A une époque où toutes les décisions arbitrales sont susceptibles de se transformer en brasier, dans un culte de la mauvaise foi et la démagogie, Milla a refusé de rejeter la faute sur Pulido Santana. L'après-match de ce Valencia-Elche a également mis en avant le faire play de Gattuso qui a lui aussi reconnu que le but qui aurait pu coûter la défaite de son équipe était valable.
Valeurs inversées
L'attitude de Pere Milla, tout comme celle de Gennaro Gattuso, est à relever, pour la mansuétude exprimée à l'égard d'un arbitre qui découvre l'élite du football espagnol. Pour autant, souligner cette réaction revient aussi à s'interroger sur ce qu'est la norme du football. La VAR devait prétendument nous épargner les débats à rallonge et polémiques stériles. Il n'en a évidemment rien été : les joueurs continuent de s'agglutiner autour de l'arbitre et les réactions d'après-match évoquent plus les coups de sifflets que le jeu.
Considérer la noblesse de Milla et Gattuso, c'est constater l'incapacité des joueurs et entraîneurs à respecter le corps arbitral, à prendre du recul, à comprendre que l'erreur, même celle du juge du jeu, est une partie intégrante du football. L'élégance est devenue l'exception, la plainte la norme. Et il faut que ce soit l'attaquant d'une équipe dernière de son championnat qui doit le rappeler. L'exemple ne vient pas souvent du haut.
