C'était une marque de reconnaissance, celle d'un grand seigneur. Parti dans un Baracchi improvisé, Wout van Aert et Christophe Laporte avaient fait le ménage et essoré le peloton des favoris pour arriver main dans la main à Wevelgem. Entre les deux frelons de la Team Jumbo-Visma, point de sprint mais le Flamand, jamais vainqueur à domicile sur une classique pavée, qui offre les fleurs à son meilleur équipier deux jours après avoir conservé son titre sur l'E3. De nombreux Belges, dont Eddy Merckx et Tom Boonen, avaient râlé. On ne laisse pas la victoire à un Français sur les routes du plat pays qui est le leur. Déjà que WVA roule pour une équipe néerlandaise, voilà qui était de trop.
Sans mauvais jeu de mots, le Varois a enfin mis le pied dans la porte. Mercredi dernier, c'était lui le leader de son équipe et c'est lui qui s'est extirpé du groupe de tête à 4 kilomètres de l'arrivée pour remporter en solitaire À Travers La Flandre (ATLF). S'il n'a pas crié "Ik moet juste niks !" (je ne dois rien à personne, en flamand) comme le fit van Aert après l'E3, l'esprit y était. Laporte sait diriger, sentir la course et gagner seul. Et le "cadeau" de dimanche dernier a fructifié quasiment dans l'instant. À 30 ans, le coureur révélé chez Cofidis après un passage, comme beaucoup de Sudistes, par La Pomme Marseille, est devenu un coureur multicarte mais surtout à l'aise sur les courses d'un jour. Vice-champion du monde en octobre dernier, sa courbe de progression sur les classiques fait de lui l'un des grands outsiders du Tour des Flandres, le premier après le trio WVA-Mathieu van der Poel-Tadej Pogacar. De quoi classer le bonhomme.
Premier des outsiders
La Jumbo-Visma est quasiment intouchable sur les courses d'un jour cette saison. Les frelons ont ringardisé le Wolfpack de Julian Alaphilippe. Seule la semi-classique Nokere Koerse, remportée par Tim Merlier devant Olav Kooij, a inversé le rapport de force. Pas de quoi causer des insomnies à Merijn Zeeman, manager de l'escouade batave, ou redonner le sourire à Patrick Lefevere, grand manitou de la Soudal-Quick Step qui pourrait réorienter son secteur principal d'activité sur les courses à étapes avec Remco Evenepoel en tête d'affiche.
Quoique privée de Dylan van Baarle, vainqueur du Het Nieuwsblad pour sa toute première sortie avec sa nouvelle équipe, sur le Ronde en raison d'une chute sur Gand-Wevelgem, la Jumbo Visma aura la pancarte, même si MVDP est le tenant du titre et qu'il a remporté le premier Monument de la saison de main de maître. Le marquage serré sur van Aert pourrait servir les intérêts particuliers de Laporte, les favoris se faisant souvent une spécialité de s'enterrer en 1re classe.
Neuvième l'an dernier, le natif de la Seyne-sur-Mer passe les monts flandriens avec aisance. Toujours bien placé, tenant littéralement le haut du pavé, Laporte est devenu un Flahute d'adoption. Et vu la méteo annoncée, pluie et 9 degrés au mercure, il ne faudra pas noyer le moteur ou se faire piéger dans une chute, ce qui rend ce Tour des Flandres plus incertain que jamais, mais aussi beaucoup plus nerveux, notamment pour aborder dans les meilleures conditions le deuxième passage au Vieux-Quaremont à 54 kilomètres de l'arrivée avant d'enchaîner avec la première occurrence du Paterberg.
S'il venait à remporter le Ronde, Laporte réaliserait une performance inédite et le rapprocherait ni plus ni moins de Tom Boonen, intouchable en 2012 avec son quadruplé E3-Wevelgem-Ronde-Roubaix. Ce dimanche, il s'agit ni plus ni moins que d'un rendez-vous avec l'histoire du cyclisme.
