Plus

Bah bravo Murray !

Bah bravo Murray !
Bah bravo Murray !AFP
Au terme d'un combat épique de 5h45, alors qu'il était mené 2 sets 0 et break de retard dans la 3e manche, Andy Murray a vaincu Thanasi Kokkinakis et tout le public acquis à la cause de l'Australien, quoique subjugué par le jeu de l'Ecossais. Au bout de la nuit, Murray, revenu de loin après plusieurs opérations, a réalisé l'un des grands exploits de cette édition 2023.

Qu'il en faut de la résilience pour revenir de plusieurs opérations, balbutier son tennis quand on a été au sommet de la hiérarchie, toujours croire à un retour au sommet. Qu'il en faut de l'amour pour son sport, pour continuer de s'accrocher vaille que vaille, alors que les finales des tournois les plus prestigieux sont désormais lointaines. Et qu'il en faut du mental pour remonter deux sets de débours contre un Australien sur ses terres pour l'emporter à l'heure où le marchand de sable est lui-même en train de dormir. 

Andy Murray n'est plus un joueur qui peut envisager un tournoi du Grand Chelem dans la peau d'un vainqueur potentiel. En revanche, le 66e joueur mondial reste ce joueur électrisant au toucher de balle aussi subtil que ses colères sont explosives. Depuis 2018, Murray se bat avec son corps. Il est passé moult fois sur le billard, en 2013 pour soigner son dos, en 2018 et 2019 pour sa hanche. Physiquement, l'Ecossais n'est plus le même mais il a toujours la passion, la même envie de se battre sur le court. 

Ce refus d'abandonner sans avoir tout essayé est résumé dans cette défense héroïque, dans les bâches de la Margaret Court Arena. Une fois, deux fois, trois fois, quatre fois : Thanasi Kokkinakis a dû remettre un smash... jusqu'à ce que Murray ne le contraigne à retourner derrière sa ligne de fond et le pousse à la faute en coup droit. L'Australien menait 2 sets 0 et il allait confirmer son break dans le troisième. Tout n'a pas basculé à ce moment-là, mais Murray, main sur l'oreille, provocateur extatique, montrait qu'il y avait encore des tripes dans la carcasse. Même mené 5-2, Murray n'a pas renoncé. Jeu blanc puis débreak. Et la conversion de sa 1re balle de set dans le jeu décisif sur le service de son adversaire. 

Après avoir sorti Matteo Berrettini, tête de série numéro 13, Murray a de nouveau poussé le suspense jusqu'au 5e set et 5h45 de jeu. Contre l'Italien, il avait patienté jusqu'au super tie-break (6/3 6/3 4/6 7/6 7/6 en 4h49). Face à l'Australien, il a fait la différence à 5-5, en prenant le service de son adversaire sur sa 2e opportunité. Malgré 10 aces et 20 coups gagnants dans cette manche décisive, Kokkinakis n'a jamais eu la moindre opportunité de break. Certes, Murray est un spécialiste du match marathon et c'est la 11e fois de sa carrière qu'il l'emporte après avoir perdu les deux premières manches. Mais c'est comme si toutes ces années d'ombre, de doutes, de rééducation et de torpeur rendaient sa raquette encore plus précise et ses balles encore plus lourdes. La balle de debreak à 5-3 dans le 4e set ? Effacée d'un revers long de ligne. La balle de match, une manche plus tard sera un copier-coller, un modèle d'équilibre, de puissance et de sécurité, encore plus bluffant qu'il s'agissait du match le plus long de sa carrière. 

Et si c'était le tournoi du grand retour de Murray en haut de l'affiche ? Dans un quart de tableau ouvert, délesté de Casper Ruud, d'Alexandre Zverev et Taylor Fritz, l'Écossais bénéficie d'une ouverture, face à des joueurs à sa portée. Numéro 1 mondial en 2016, vainqueur de 3 Grands Chelems, du Masters et de la Coupe Davis, finaliste à 5 reprises à Melbourne, double médaillé d'or olympique, Murray n'a strictement plus rien à prouver, y compris à lui-même. Mais l'adrénaline, la volonté, l'envie sont toujours là et le mélange est détonnant car il se passe toujours quelque chose lors des matches de l'Écossais.

Pour la 1re fois depuis de nombreuses années, alors que son dernier 1/4 de finale dans un Grand Chelem remonte à Wimbledon 2017, il est en mesure d'aller de se frayer un chemin vers la deuxième semaine, voire beaucoup mieux. À 35 ans, dans la veine des Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic qu'il a concurrencé, Murray n'en a pas fini avec l'Histoire du tennis. Roberto Bautista Agut est prévenu : le phénix a encore quelques points rageurs dans sa raquette.