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Tacles assassins et boucherie au Parc : comment le PSG-OM 1992 est resté dans les mémoires

55 fautes ont été sifflées lors du Classique PSG-OM en 1992
55 fautes ont été sifflées lors du Classique PSG-OM en 1992Capture Youtube

C'était il y a 30 ans. Le PSG et l'OM étaient au sommet du football hexagonal et luttaient tous les deux pour les titres européens. Cette rivalité parfaitement orchestrée a nourri les rancœurs entre joueurs des deux camps. Ce match au Parc, avec 55 fautes et de nombreux gestes dangereux, est la quintessence de cette haine entre les deux clubs. Ce match restera dans les mémoires sous le nom de "La Boucherie"

Au début des années 90, l'OM est au faîte de sa gloire. Le club de Bernard Tapie enchaîne les titres de champion de France et la saison 1992-1993 est programmée pour s'achever en apothéose avec la conquête de la Ligue des Champions. 

Cornaqué par Canal + et dirigé par Michel Denisot, le PSG est le club qui monte. Avant la réception de Marseille, Artur Jorge annonce la couleur dans une interview dans L'Equipe intitulée "L'OM va vivre l'enfer". Il n'en fallait pas davantage à Tapie pour chauffer ses joueurs à blanc. Le 18 décembre 1992, quand les Phocéens entrent dans leur vestiaire au Parc, ils voient, affiché sur 1.50m sur 1m, les propos du coach parisien. La technique du "Boss" fonctionne. "Tapie est venu à côté de moi en me disant que Ginola avait dit qu'il me ferait deux petits ponts", se souvenait Basile Boli dans un documentaire pour Canal +. 

"C'était devenu une bête"

Action, réaction : Boli fracasse Ginola qui débordait côté gauche de l'attaque parisienne. "S'il me casse la jambe, c'est pareil, se souvenait le Magnifico dans ce même documentaire. Je ne l'avais même pas vu arriver donc s'il me fait une double fracture péroné-tibia, c'est la même chose. C'était devenu une bête, comme si on l'avait conditionné pour ce match-là pour casser du Ginola". Boli développe : "on s'était dit que si on les laissait jouer, on était mort. Donc : marquons un but, on ferme la porte, on balance les clefs et on casse le rythme toutes les trois minutes". 

Son meilleur "partner in crime" ce soir-là s'appelle Eric di Meco. Le latéral gauche a trouvé sa victime expiatoire et c'est un ancien coéquipier. Lors du mercato d'été, Laurent Fournier a rejoint le Paris Saint-Germain en provenance de l'Olympique de Marseille. Placé ailier droit, son vis-à-vis n'a rien à voir avec celui qu'on écoute désormais au Moscato Show de RMC. Fournier chicore le premier. De quoi aiguiser les crampons de Di Meco, jamais avare d'une intervention musclée. D'abord, le Marseillais tamponne épaule en avant le Parisien dans un duel aérien au milieu du terrain. Ensuite, il le sèche par derrière à 70 mètres des cages de Fabien Barthez. S'il reçoit un carton jaune pour ce tacle d'un autre monde, l'Avignonnais ne se calme pas pour autant. Fournier déborde, Di Meco ressort le sécateur. En 2e période, nouveau tacle, le deuxième carton jaune est proche mais... l'arbitre signifie une touche ! 

33 fautes en 1re période !

Ces deux duels résument ce que fut ce PSG-OM : une boucherie. Au bout de 21 minutes, l'arbitre a déjà sifflé 16 fautes. C'est à la suite d'un contact de Patrick Coletter (qui deviendra Olympien en 1997) sur Jocelyn Angloma (Parisien en 1990-1991) que l'OM ouvre le score, par l'intermédiaire d'Alen Boksic, auteur de son 12e but toutes compétitions confondues, son 7e en Division 1 (21e). 

De quoi calmer les hostilités et proposer davantage de football ? Pas vraiment. La pelouse du Parc reste quelque part entre une bataille de tranchées et un octogone de MMA. En face, ce n'est pas mal non plus : Ricardo monte au duel et termine avec les genoux dans la tête de Pelé.

A la pause, 33 fautes ont été commises : 14 côté PSG donc un carton jaune (Fournier), 19 côté OM dont 4 avertissements (Di Meco, Boli, Casoni, Sauzée) ! 

Avec "seulement" 22 fautes lors des 45 minutes suivantes, la deuxième période paraît tranquille en comparaison. Boksic et Ginola semblent être les seuls à vouloir marquer et à proposer autre chose que des tacles. Le Croate est proche du doublé mais Bernard Lama parvient à lui chiper le ballon au sol d'un geste magnifique. De l'autre côté du terrain, Boli sèche le Magnifico dans la surface mais l'arbitre ne siffle pas penalty. Alain Roche, passé par l'OM en 1989-1990, trouve la faille de la tête mais Fabien Barthez, à peine 20 ans à l'époque, sauve son camp... du nez. Pour revenir à l'essentiel, Jocelyn Angloma se paye Daniel Bravo qui, lui, sera Marseillais en 1998-1999. 

Animosité de façade ?

C'est peut-être ça tout le paradoxe de cette rencontre : de nombreux joueurs ont évolué dans les deux clubs et certains d'entre eux étaient amis. "J'ai passé des vacances avec Bernard Lama le lendemain, racontait Boli On ne s'était pas parlé dans le tunnel mais ce n'était pas la guerre. C'était de l'intimidation". Doux euphémisme. "Nous sommes partis avec Basile, Abedi Pelé et Marcel Desailly pour un match de bienfaisance à Dakar. Quand je les ai regardés, que j'ai rigolé en leur disant "vous avez déconné hier" et qu'ils me disent qu'ils ont déconné, je sais que je suis dans le vrai". 

Cette animosité entre clubs s'est-elle répercutée en Equipe de France ? Pour beaucoup, la rivalité OM-PSG a contribué à l'épilogue de France-Bulgarie en novembre 1993 qui a privé les Bleus de la Coupe du Monde aux États-Unis. La rivalité orchestrée par les dirigeants a eu des conséquences collatérales. Mais c'est assurrément la dernière saison où cette bipolarité a revêtu un caractère sportif si important. Depuis 30 ans, si un Classique reste un match à part, il ne génère plus les mêmes tensions, les deux équipes n'évoluant pas dans les mêmes sphères simultanément.