Le triomphe de La Rochelle hier en finale de la Champions Cup a fait entrer le club maritime dans le gotha du rugby européen. En effet, le Stade Rochelais est devenu le cinquième club de l'histoire de la compétition à conserver son titre, et a ainsi ramené la 11e Champions Cup de l'histoire du rugby français - en tête du classement des nations - et le troisième consécutif.
La veille, le RC Toulon avait enfin raflé la Challenge Cup à sa cinquième finale. Le club varois est devenu la première équipe tricolore à remporter les deux compétitions européennes, et a permis à la France de revenir à hauteur de l'Angleterre avec un 12e sacre. Là aussi, c'est le troisième sacre d'affilée d'une équipe française.
Ainsi, depuis trois saison, le rugby tricolore règne sur l'Europe. Six titres sur six, huit places de finaliste sur 12 possibles, et la fin d'une crainte des équipes britanniques et irlandaises. La France peut lutter, la France, dans la lignée des performances de son équipe nationale, est redevenue une top nation européenne, aussi bien en sélection qu'en club.
Comment ? La Rochelle, qui domine l'Europe, est engagée sur un projet à long terme. Depuis son retour dans le Top 14 en 2014, le club du président Merling ne cesse de grandir, mais sans jamais brûler les étapes. Une construction lente, pour un club qui a tout de même connu des déceptions.
La plus grande étant bien entendu 2021, avec ce double échec en finale de Champions Cup et de Top 14 contre le Stade Toulousain. Mais au lieu de tout brûler, les dirigeants ont accepté de perdre contre un grand de France et d'Europe, et ont simplement réorganisé leur staff, mettant au centre du projet Ronan O'Gara.
Résultat ? Deux sacres d'affilée pour les Bagnards. Là où d'autres auraient paniqué, La Rochelle n'a pas regardé dans le rétro, mais vers l'avant. En faisant confiance à ses joueurs. Ainsi, sur le XV de départ aligné contre le Leinster, 11 joueurs étaient déjà là avant 2020.
Une ossature solide, qui permet de jouer sur du velours. Et le vécu du groupe a été primordial, quand les Rochelais étaient menés 17-0 après 13 minutes. Comme l'a déclaré Grégory Alldritt à Rugbyrama : "Quand on était sous les poteaux après les essais, on n’était pas inquiet. On savait qu’on allait scorer. Il fallait rester fidèle à la stratégie."
Une expérience indispensable à toute bonne équipe, parce qu'une équipe, cela ne se construit pas en six mois. Si Toulouse, ou le Leinster, sont des poids lourds depuis trèèèès longtemps, c'est parce que les grands bouleversements n'existent pas dans les top clubs. Que des retouches.
Et c'est sans doute ce qu'il manque au RC Toulon pour redevenir un grand club. Le sacre en Challenge Cup vendredi est une bonne nouvelle, parce qu'il prouve que le club varois a joué cette compétition à fond, contrairement à d'autres clubs tricolores. Car ce n'est pas que la deuxième compétition européenne, son gagnant rafle en outre une place en Champions Cup.
Et clairement, le RCT a tout misé là-dessus, mais contrairement à La Rochelle, il n'a pas fait une grande saison en Top 14, et ne se qualifiera probablement pas pour les phases finales. L'effectif a été renouvelé, avec des joueurs importants à des postes clés - notamment une charnière internationale - et le club a sans doute jeté les bases d'un beau renouveau. À ce titre, la qualification en Champions Cup est une excellente nouvelle.
La peur a changé de camp
Cependant, l'un des facteurs importants de cette domination des clubs français, ce sont les règles de fond mises en place par la FFR. L'obligation d'un certains nombre de JIFF (joueurs issus de la filière de formation) a forcé les clubs a lancer des espoirs à certains postes au lieu d'aller chercher des étrangers expérimentés.
Résultat, le réservoir bleu est de plus en plus important chaque jour. Là où Toulon avait seulement 4 joueurs français titulaires lors de son dernier sacre en Challenge Cup en 2015, La Rochelle en avait 10 l'an dernier et 9 hier. La reconnaissance du savoir-faire français en matière de formation passe par là.
Mais dominer, c'est aussi apprendre des erreurs. Des siennes, mais aussi de celles des autres. Là où le XV de France avait sans doute consumé son énergie en essayant de suivre le rythme de l'Irlande en février, La Rochelle a assumé de ne pas pouvoir suivre le rythme en début de match. Clairement une bonne solution, car physiquement, les Maritimes n'ont fait que monter en puissance et ont étouffé des Irlandais exsangues en fin de partie.
Ils ont également beaucoup appris de la défaite toulousaine en demi-finales, dans ce même stade. Pour avoir encaissé 31 points en 20 minutes d'infériorité numérique, les Rouge et Noir avaient abandonné toute chance de qualification. Là, le carton jaune précoce de Kerr-Barlow a coûté des points, mais pas le match. Voilà une belle inspiration pour le XV de France.
Mais surtout, la peur a changé de camp. En demi-finales, les Rochelais ont marché sur Exeter, avec un ascendant psychologique indéniable exploité à la perfection. Et quand Danty a inscrit le premier essai rochelais malgré l'infériorité numérique, le match a commencé à tourner. Sans aucun doute le tournant du match, alors qu'on ne jouait que depuis 20 minutes !
Ainsi, La Rochelle est double champion d'Europe, Toulouse le précède au palmarès, Montpellier, Lyon et donc Toulon ont raflé la Challenge Cup, et on n'a même pas parlé du Stade Français ou du Racing 92, tout sauf morts. La domination du XV de France a fait des petits, même si les Irlandais restent des adversaires de choix. À l'aube de la Coupe du monde, voilà un boost de confiance nécessaire pour le rugby français, qui règne sur l'Europe par ses clubs. Avant un sacre planétaire ?
