Kings League : le pari "sportstainment" réussi de Gerard Piqué dans un Camp Nou comble

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Kings League : le pari "sportstainment" réussi de Gerard Piqué dans un Camp Nou comble
Gerard Piqué en companie d'Ibai Llanos
Gerard Piqué en companie d'Ibai LlanosKings League
Dimanche, le Final 4 de la première édition de la Kings League a rassemblé plus de 92.500 personnes au Camp Nou. Un succès manifeste pour Gerard Piqué, d'autant que la finale remportée par El Barrio a été suivie par une moyenne de 2 millions de personnes sur Twitch. Est-ce l'avènement du "sportstainment" ?

Rarement, Joan Laporta est apparu aussi jovial. Au milieu d'un public survolté dans l'attente de la finale de la première édition de la Kings League, le président du FC Barcelone a scandé des chants à la gloire du club blaugrana, sauté, distribué des abrazos et des trophées. Il avait de quoi être heureux. Grâce à Gerard Piqué, néo-retraité des terrains, il a pu réaliser le rêve de nombreux dirigeants : ouvrir le stade pendant 9 heures et engranger de l'argent en masse. En permettant à l'ancien défenseur central d'organiser le Final 4 au Camp Nou, il a permis au Barça de récupérer 50% des recettes totales. En clair : 2,5M€ des 5M€ engrangés. Et il y a fort à parier que Laporta, comme beaucoup d'entre nous, n'avait pas la moindre idée de qui était qui parmi tous les "présidents" des équipes présentes, hormis Iker Casillas, absent dimanche, Ibai Llanos, streameur le plus connu en Espagne et grand ami de Piqué, Kun Agüero ou Gerard Romero, journaliste "insider" totalement en transe au moment de battre le record du nombre de personnes masquées en même temps.

Ces illustres inconnus pour de nombreux jeunes adultes, parents et grands-parents, sont les idoles de la Génération Z. Il fallait assister à la chorégraphie anarchique du tapis rouge, entendre les cris stridents des fans pour constater, un peu hébété, à une double découverte : celle d'une classe d'âge qui entrait pour la première fois dans le Camp Nou et celle des habitués des coursives du stade qui observaient cette déferlante adolescente d'un air circonspect. Finalement, c'était peut-être David Villa, venu dans le cadre d'un partenariat avec une marque de bière, qui était le moins célèbre pour cette bande de gamins portant les oripeaux d'équipes créées ex nihilo. Pour résumer, le monde de demain est déjà actuel et c'était un bon coup de vieux. 

Quand le virtuel se matérialise

Sous des allures de grande kermesse, avec l'arrivée grandiloquente des présidents en hélicoptère, le Final 4 de la Kings League a réussi le tour de force de remplir le Camp Nou autour d'un événement sportif... sans intérêt sportif. Pour la première fois s'est matérialisée le "sportstainment", subtil mélange de sport, de concert et, accessoirement, de marketing forcené. Ce n'était plus un public virtuel, souvent méprisé car difficilement quantifiable malgré les millions de vues et d'abonnés sur différentes plateformes. C'était la preuve que cette audience juvénile pouvait se transformer en espèces sonnantes et trébuchantes, avec des entrées entre 10 et 60€, des t-shirts à 29.99€ et des écharpes à 23.99€. Pas donné mais, en comparaison aux prix pratiqués par les clubs de football, cela devient presque attractif. Le merchandising textile était paradoxalement le seul sans marque apparente, une rareté quand on sait que les supporters ont pris l'habitude absurde de surpayer un maillot (pas toujours du meilleur goût en plus) avec plusieurs sponsors alors que, théoriquement, les sponsors doivent rémunérer ceux qui les portent et non l'inverse. 

Pour le reste, tout est outrageusement marketé, du compte à rebours du coup d'envoi par une marque de fast-food au jeu du tir du milieu de terrain où un participant doit viser la cage où le gardien est remplacé par... un pot de soupe géant gonfable. Si, sur la pelouse, le sponsor automobile haut de gamme n'apparaît pas, il est ajouté artificiellement sur le flux Twitch, offrant une visibilité constante vu la taille du terrain de 60 mètres de long.

L'anecdote est suffisamment éloquente pour être racontée : lors de la conférence de presse, tandis que Juan Sebastián Guarnizo, premier streameur latino à dépasser les 10 millions de followers sur YouTube et garant de l'attractivité sur le marché sud-américain, répondait à une question en tant que président d'Aniquiladores, Piqué, s'apercevant qu'une bouteille en plastique d'une marque non-partenaire de la Kings League entre dans le champ de la caméra, l'a retiré, imitant Llanos qui arrachait scrupuleusement les étiquettes en papier pour que la marque n'apparaisse pas. 

La forme plus forte que le fond ?

Est-ce une forme de réponse au projet de SuperLigue européenne ? Pour Florentino Pérez, l'affiche du match suffit à bâtir la rentabilité. Or dimanche, c'est la forme plus que le fond qui a prévalu, la personnalité des streameurs plutôt que les joueurs. Aucun cador n'a disputé le Final 4, Kun Agüero restant sagement sur le côté parmi ses homologues présidents. Néanmoins, une immense star a fait son apparitions sur les deux écrans géants : Neymar sera l'un des présidents de l'édition brésilienne. D'une manière globale, il faut en effet être un bon, voire un très bon connaisseur du football espagnol pour connaître l'intégralité des guests qui venaient en qualité de "Jugador 12", même s'il y a eu des joueurs réputés comme Ronaldinho, Javier Saviola, Joan Capdevilà, Rúben de la Red ou Chicharito. Au niveau footballistique, le jeu n'a pas atteint des sommets et ce sont finalement José Juan, ancien gardien d'Alcoyano connu pour avoir contribué à éliminer le Real Madrid en Copa del Rey en 2021, et Martín Mantovani, ancien capitaine de Leganés, qui ont survolé la finale avec leur équipe d'El Barrio, le défenseur central inscrivant même un doublé. 

El Barrio a remporté la 1re édition de la Kings League
El Barrio a remporté la 1re édition de la Kings LeagueKings League

Lors d'une conférence de presse aux antipodes de ce dont on a l'habitude, quelque part entre le BDE potache et le concours de vannes, Piqué, répondant à une question de Flashscore, refusait de comparer le football à 11 avec la Kings League, tout en expliquant que les supporters et les fans avaient besoin de davantage de proximité avec les acteurs. Il semble cepedant avoir trouvé le formule gagnante, un mélange de jeu foutraque qui conserve le décorum du football avec des personnalités emblématiques, réhaussé d'un feu d'artifices annonçant le coup d'envoi de la finale.

Les règles du jeu sont évolutives. La veille, en conférence de presse, Piqué a demandé la validation d'une nouvelle loi, inspiré du handball : si l'arbitre trouve qu'une équipe tarde à attaquer, il lève le bras et laisse 10 secondes aux joueurs pour terminer l'action. Vote à main levée au déboté et entériné. Chaque équipe dispose d'un "penalty presidente" : le président en personne est convié sur la pelouse pour frapper un penalty quand bon lui semble. À la 18e minute, soit 2 minutes avant la mi-temps, un dé géant est lancé : en fonction du chiffre, le match reprend avec autant de joueurs que l'indique le dé : 6 lors de la première demi-finale, 2 lors de la 2nde, 3 en finale. Cela gonfle vite le score et permet de captiver le public. Les deux équipes disposent aussi d'un appel à la VAR chacun et d'une arme secrète tirée au sort qui dure pendant 2 minutes : un joueur de moins pour l'adversaire, but compte double... On dirait un immense jeu de société qui aurait croisé Super Smash Bros et les Monty Python. Et finalement, malgré un certain scepticisme initial, on finit par se prendre au jeu, à retenir son souffle lors de la séance de tirs au but façon MLS des années 90 entre les Aniquiladores et les Troncos et se prendre d'affection pour El Barrio d'Adri Contreras et ses "seulement" 300 000 abonnés face aux Sayans FC de TheGrefg et ses... 17,9 millions de followers du YouTube.  

Adri Conteras, président d'El Barrio et buteur sur penalty en finale
Adri Conteras, président d'El Barrio et buteur sur penalty en finaleKings League

Carton d'audience et déjà le pari du renouvellement

Cette première version n'a pas été parfaite. Entre les palabres, la bataille de rappeurs sponsorisée par un energy drink, le concert de Lali : c'était long, voire très long. Mais, même dans ses défauts, elle a battu en brèche une idée reçue sur la nouvelle génération supposée incapable de se concentrer. C'est là aussi où l'on se rend compte du décalage entre les a priori et la réalité.

À plusieurs reprises, les présidents streameurs ont discuté, devant un stade comble, quitte à s'éterniser et à déborder sur le planning de base. La vertu de Twitch, c'est aussi de choisir son format et de l'adapter en fonction des vues. Malgré un coup d'envoi de la finale aux alentours de 21h45, le Camp Nou était au trois-quart plein. Sur Twitch et YouTube via le flux "officiel" et ceux des streameurs qui diffusaient également l'événement, les chiffres ont progressé au fur et à mesure : 1,49 million en moyenne avec un pic à 1,98 pour la 1re demi-finale, 1.69 en moyenne avec un pic à 2.07 pour la 2e, 2,02 en moyenne avec un pic à 2,16 pour la finale. Avec une moyenne globale de 1.38 million de spectateurs, le succès est total (même s'il y a pu y avoir des doublons, des spectateurs regardant aussi un des flux depuis le Camp Nou). Si on fait la somme du pic d'audience avec le public présent sur place, près de 6,5% de la population espagnole a suivi tout ou partie du Final 4 de la Kings League. 

Feu d'artifices au Camp Nou avant le coup d'envoi de la finale
Feu d'artifices au Camp Nou avant le coup d'envoi de la finaleKings League

Une semaine après un Clásico décisif pour la conquête de la Liga achevé sur un but décisif de Franck Kessié dans les arrêts de jeu, ce Final 4 de la Kings League a vraiment ressemblé au niveau de l'ambiance au plus gros match de la saison dans le monde, qui plus est sans aucune insulte, dans une ambiance bon enfant, ce qui rassure toujours les parents qui hésitent à amener leur projéniture au stade. Gerard Piqué a réussi son pari et cela a de quoi sérieusement déboussoler le modèle économique actuel, en s'appuyant sur une génération consumériste et sensible aux marques promues par les influenceurs et les streameurs.

Néanmoins, l'ancien défenseur central est face à plusieurs nouveaux défis. En premier lieu, il doit fidéliser son public, ce qu'il a réussi à faire très rapidement via la draft inaugurale, les matches de la saison régulière et les émissions de débats sur Twitch. Cela passera par le renouvellement du genre, une évolution des règles soumise à un vote populaire comme ce fut le cas pour la 1re édition (hors-jeu, touches à la main, numéros de maillot, durée des matches), certainement un changement de présidents à plus ou moins long terme. Par ailleurs, il a déjà engagé un processus d'internationalisation de la compétition, en commençant par le Brésil. Enfin, il devra déterminer si ce genre d'événements peut se répéter à plusieurs moments de l'année, en proposant des contenus créatifs novateurs. Ce sera déjà le cas avec l'organisation d'une Queens League et d'une Prince Cup réservée aux enfants. Le "sportstainment" n'en est encore qu'à ses balbutiements mais la démonstration de force réalisée par Piqué prouve qu'il a les moyens de ses ambitions. 

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