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Exclu - Thibault Tricole avant le PDC World Championship: “Je reste un joueur de fléchettes”

Thibault Tricole a accepté bien volontiers d’à nouveau échanger avec nous avant le championnat du monde PDC de fléchettes (darts).
Thibault Tricole a accepté bien volontiers d’à nouveau échanger avec nous avant le championnat du monde PDC de fléchettes (darts). DAMIEN MEYER/AFP
Thibault Tricole aime bien prendre soin de lui et couper avant une grande échéance. C’est l’une des nombreuses confidences qu’il nous a offertes à une semaine du grand départ pour Londres lors d’un voyage outre-Manche dont il a pris l’habitude ces derniers mois.

Le Morbihannais a accepté bien volontiers d’à nouveau échanger avec nous avant le championnat du monde PDC de fléchettes (darts), un an après qu’il l’ait fait, lors des prémices d’un moment sportif historique pour lui et les passionnés de ce sport de niche dans l’Hexagone. 

Cette édition 2025 du plus prestigieux événement darts de la planète marque en effet la seconde année consécutive où “The French Touch” sera de la partie. Désormais habitué aux sollicitations et débarrassé du manque d’expérience de la saison dernière, Thibault Tricole nous est apparu confiant et, chance pour les lecteurs de Flashscore, bien bavard quelques minutes après une entrevue avec la BBC. 

Dimanche soir, Thibault Tricole foulera à nouveau l'intimidante et bouillante allée de l’Alexandra Palace de Londres au son d’Essentielles d’Ibrahim Maalouf pour le fameux walk-on propice aux grands rendez-vous de ce sport. Pour Flashscore, le sympathique breton n’est toutefois pas allé qu’à l’essentiel et a bien pris le temps de sonder son ambition, ses objectifs et de nous expliquer à quoi ressemble la vie du meilleur joueur français de fléchettes.

Flashscore : Thibault, vous allez ouvrir le bal lors du championnat du monde PDC avec le premier match de la quinzaine. Ne serait-ce pas une pression supplémentaire ? 

Thibault Tricole : Un petit peu mais je n’avais pas pensé à cette possibilité là. On est 96 au départ, même si les 32 meilleurs du classement mondial ne jouent pas. J’ai suivi le tirage en direct et en voyant que j’étais le premier joueur tiré, je n’avais pas saisi que c’était pour le premier match ! C’est une mise en lumière et c’est chouette de démarrer comme ça. 

FS : Avez-vous appris de l’année dernière avec votre statut si particulier et pouvez-vous maintenant capitaliser là-dessus ? (NDLR : Thibault Tricole a été le premier français à se qualifier pour le championnat du monde PDC et le premier à remporter un match).  

TT : Carrément. L’année dernière j’avais déjà reçu une belle couverture médiatique et inconsciemment, ça m’avait sans doute mis une pression supplémentaire. En arrivant sur les lieux, j’ai découvert l’endroit aussi. J’avais beau avoir participé à quelques tournois PDC télévisés avant, le championnat du monde reste à part. Ce n’est pas forcément le nombre de personnes ou peut-être parce que c'est pendant la période des fêtes, mais les gens sont à fond. Ils vivent l’événement à bloc et ça a été perturbant de jouer sur cette scène-là. 

Pareil pour le protocole médiatique. Avant et surtout après le match, je ne m’attendais pas du tout à ça. Déjà quand tu rentres sur scène, tu as l’impression d’être une rockstar mais quand tu sors, c’est digne d’un footballeur à une Coupe du monde. Si je me souviens bien, j’ai eu trois interviews face caméra et après, salle de presse avec dix micros posés sur la table. Là je me suis dit que c’était le très haut niveau et un autre monde. 

FS : Cela représente parfaitement l’idée que l’on se fait de la frénésie anglo-saxonne pour les fléchettes… 

TT : Exactement. Sur place c’est impressionnant mais il y a également d’autres pays très intéressés par les fléchettes comme les Pays-Bas et l’Allemagne. Le lendemain aussi, je me souviens avoir été interviewé par des médias nationaux. Cela prend du temps et de l’énergie mais ça fait partie du jeu. 

FS : D’autant plus que vous devez tout gérer seul ? 

TT : C’est ça. Je n’ai pas de staff, je reste un joueur de fléchettes avec ses moyens. En tout cas pour un joueur français. 

FS : En parlant de joueurs entourés, vous avez récemment battu Gerwyn Price, ancien champion du monde PDC et dixième mondial actuellement, au Players Championship, trois semaines après avoir poussé James Wade à la onzième et dernière manche. Vous êtes-vous déjà senti aussi fort ? 

TT : Officiellement, il s’agit vraiment de ma première année sur le circuit et j’ai pris énormément d’expérience face à des joueurs PDC. De tête, je crois que j’ai battu une bonne dizaine de fois des joueurs du top 20 mondial. Donc des grands noms des fléchettes. Et pour répondre à votre question, je ne me pensais pas capable de réaliser ces exploits là mais la plupart, mis à part Gerwyn Price, cela a été fait sur des tournois à huis clos sans public. 

C’était aussi sur des formats courts (premier à six) qui permettent plus à un joueur de mon niveau de créer l’exploit. Au championnat du monde, c’est différent (format long avec des sets). La constance fera la différence et c’est ce qui fait la force des meilleurs joueurs du monde. 

FS : Ce sont très souvent des joueurs qui dépassent les 100 de moyenne (NDLR : la moyenne de points par volée)...

TT : C’est ça et c’est une chose que j’ai très peu pu montrer dans le passé. C’est arrivé deux ou trois fois et là, il faut le faire sur des matches qui peuvent dépasser l’heure de jeu. C’est dur mais ce sera l’objectif à long terme. 

FS : Price vous a-t-il dit quelque chose à l’issue de la rencontre ? On sait qu’il n’est pas le joueur le plus attendrissant du circuit. 

TT : Les émotions avaient pris le dessus de mon côté et j’ai revu les images, c’était drôle. Il souriait parce que selon moi, il savait qu’il n’était pas dedans et il savait que j’aurais pu le battre bien avant. Il s’était sûrement fait une raison mais oui, c’est un joueur qui reste impressionnant sur scène. Au début il ne l’était pas car il n’était pas très bon et j’ai commencé à le remettre en confiance. Son jeu est revenu et là, son comportement a changé et je me suis dit “waouh”. Je me disais “Thibault, tu le remets dans le match, tu vas le regretter très longtemps”. Finalement, il n’est pas aussi impressionnant qu’à la télé en vrai ! 

FS : Petit mais costaud ? 

TT : C’est une boule de nerf et il a quand même un sacré charisme. On sent sa présence quand on joue. 

FS : Sans tirer de plans sur la comète, une victoire au premier tour vous placerait sur la route de Luke Humphries, champion du monde en titre, pour son premier match. Est-ce possible de ne pas penser à une telle rencontre et à tout ce que cela impliquerait ? 

TT : J’ai beau ne pas y penser, les médias me le rappellent ! 

FS : On s’excuse Thibault… 

TT : C’est normal ! Je pense que Joe Comito (l’adversaire du premier tour) a autant envie de jouer Luke Humphries que moi. C’est une motivation supplémentaire mais le piège serait de ne penser qu’au deuxième tour. Je vais tout donner pour passer le premier tour dimanche mais quand j’ai vu le tirage, je dois avouer que j’étais un peu déçu. Ça se complique dès le deuxième tour et il y avait mieux comme tirage mais en même temps, ça reste le championnat du monde et il n'y a que des bons joueurs. 

FS : En l’occurrence, le meilleur joueur actuel. 

Je ne suis pas tête de série donc à un moment donné, j’allais forcément tomber sur un gros joueur. Pas de bol, c’est le tenant du titre, numéro un mondial et joueur en forme du moment. Mais si je le joue, je vais m’enlever toute pression et me préparer pour ça. D’autant plus que la pression sera majoritairement sur lui par rapport à son statut et son entrée en lice. Mais on l’a aussi car, face à de tels joueurs, on n’a pas envie d’être ridicule et on veut donner le meilleur de soi-même. Même si je ne pense pas à ça et que ça ferait une belle mise en lumière, je me dis “quitte à être éliminé, autant être éliminé par Luke Humphries”. 

FS : 146e mondial avant le championnat du monde la saison passée, 79e aujourd’hui. Quel est l’objectif à court terme ? 

TT : Le principal objectif, c’est de rentrer dans les 64 premiers d’ici la fin de l’année prochaine pour garder la licence du PDC Tour (qui dure deux ans) pour une année supplémentaire. Après, je veux aussi rendre ma situation pérenne autour des prize money. Je serai beaucoup plus serein si j’atteins les “100 000” en mars. Il faut engranger le maximum de victoires, de prize money et de points. Je veux aussi me qualifier pour un plus grand nombre de tournois télévisés, comme les European Tour auxquels je n’ai participé qu’une fois cette saison. Je n’ai jamais été aussi heureux sportivement parlant et je me vois encore jouer à ce niveau là dans dix ans. Mais il y a des caps à passer. 

FS : Comment s’organise votre vie entre Bretagne et Angleterre, où la majorité des tournois prennent place ? 

TT : Cela fait trois ans que les fléchettes sont mon activité principale. Avant d’être sur le PDC Tour, j’étais sur le Challenger et cela m’a assuré des gains fréquents, en plus d’avoir des partenariats assez solides. Depuis janvier 2024, mes gains sont plus importants mais je déclare évidemment tout en France pour cotiser. Quand je discute avec des joueurs, ce n’est pas le même système, c’est assez flou en Angleterre (sic). Après, il faut trouver l’équilibre avec ces déplacements incessants en Angleterre ou en Allemagne ainsi que ma vie de famille. Je m’entraîne seul, ce qui n’est pas le mieux pour bosser, mais à chaque fois je fais les aller-retours entre le centre-Bretagne et les tournois. 

FS : En octobre dernier, vous avez signé un partenariat avec votre club de football de cœur, Lorient. Pour le championnat du monde, vous allez arborer un maillot spécial avec le logo des Merlus. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette tenue ? 

TT : En effet, je vais porter un maillot spécial avec le logo du FC Lorient dans le dos. De façon assez minimaliste car on est limité sur les surfaces de communication. Il y aura un peu d’orange mais je n’en voulais pas trop car ça faisait un peu trop Pays-Bas ! La couleur du maillot sera le glaz (couleur des teintes de la mer en Bretagne), comme le troisième maillot du FC Lorient. 

FS : Pouvez-vous nous en dire plus sur ce partenariat ? 

TT : C’est un partenariat de communication et non un partenariat financier. Par contre, les répercussions pourraient être très intéressantes pour moi. L’idée, c’est de se faire connaître auprès de leurs partenaires justement. Je vais parfois intervenir dans l’espace VIP durant quelques matches cette saison pour réaliser des démonstrations. Et au travers de leurs réseaux sociaux, ils vont relater mes performances tout au long de l’année. 

Cela permet de montrer que Lorient est plus qu’un club dans le département du Morbihan et en Bretagne, que c’est une institution qui est prête à aider les athlètes et même artistes locaux. Et moi, ils m’apportent de la visibilité et même du crédit. 

FS : La démarche est intéressante… 

TT :  Oui et les darts restent un sport anglo-saxon, comme le foot. Et on voit bien qu’en Angleterre il y a aussi du lien entre les joueurs et leurs clubs favoris et cela avait du sens de lier les deux disciplines. 

FS : On en revient à Gerwyn Price et son partenariat avec les Dragons en rugby ! 

TT : Exactement mais lui, cela va encore plus loin ! Il porte le logo du club dans son dos mais le club de rugby a également le logo de Price sur sa tunique. 

FS : Que peut-on vous souhaiter pour les prochains jours et le grand départ pour Londres ? 

TT : Une bonne préparation pour vivre un événement comme celui-ci. Je veux éviter toute forme de pression et être bien dans ma tête et dans mon corps avant le départ. Une fois sur Londres vendredi et samedi, on profitera un peu de la ville. 

FS : Merci Thibault et on vous souhaite un excellent championnat du monde. 

TT : Merci, avec plaisir !