Les effets de l'opération Puerto ont laissé de côté Ullrich, Basso et Vinokourov, entre autres, Armstrong n'a pas participé, Landis a été disqualifié alors qu'il était en tête et Alejandro Valverde, le coéquipier de En France, on parle d'un "Tour à la Walko", en référence à Roger Walkowiak qui remporta le Tour 1956 grâce aux circonstances de course, assertion contestable car on ne gagne jamais la Grande Boucle par hasard.
En Espagne, son "héritier" est probablement Óscar Pereiro. Victime d'une chute dans l'étape-reine des Pyrénées qui passait par le Tourmalet, Aspin, Peyresourde, Portillon et le Pla de Beret, il est proche de l'abandon et perd 28 minutes sur le leader. Remis dans la course par Floyd Landis et la Phonak grâce à une échappée fleuve, le coureur de la Caisse d'Épargne a été déclaré vainqueur 14 mois plus tard, après le déclassement de l'Américain pour dopage. Aujourd'hui commentateur à la télévision et à la radio, il se confie à Flashscore News.
Flashscore News : Que pensez-vous du duel entre Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar ?
Óscar Pereiro : encore mieux que ce à quoi je m'attendais. Pogacar semblait vouloir entrer dans l'histoire en remportant trois Tours d'affilée mais, l'année dernière, le Danois est arrivé et a remporté la victoire. C'est l'occasion de savoir lequel des deux est en avance sur l'autre. Je pensais que Pogacar manquait de préparation après sa blessure (il a chuté au début de Liège-Bastogne-Liège en avril et s'est cassé le poignet, ndlr) et que Vingegaard pouvait dominer la course dès la première semaine. Cependant, nous assistons à une lutte très serrée. J'adore leur duel.
Sur qui misez-vous pour la victoire finale ?
Si tout se passe normalement, je pense que le Slovène devrait l'emporter parce qu'il a moins d'usure. J'aimerais que cela reste passionnant jusqu'au bout mais mon favori est Pogacar, même si son équipe est inférieure à celle de son rival, la Jumbo-Visma.
Vous aimez beaucoup le football, à quelles stars pouvez-vous comparer ces deux cyclistes ?
Pogacar, par son caractère, est plus proche de Cristiano. Bien qu'il ait un talent plus naturel, comme Messi, je pense qu'il aime les défis et le dépassement de soi et c'est pour cette raison que je l'assimile davantage au Portugais. Par son image, Vingegaard est plus calme et ressemble davantage à Messi dans ce sens.
Que pensez-vous de la performance de Carlos Rodríguez ?
C'est un grand talent. Avec Juan Ayuso, il est le principal espoir de l'Espagne. Ce sont deux phénomènes. C'est un travailleur acharné et il a beaucoup de classe. C'est un coureur qui pourrait avoir un Tour dans les jambes à l'avenir.
Il a fallu attendre 100 étapes et 5 ans pour qu'un autre Espagnol gagne avec Pello Bilbao, mardi à Issoire.
L'une des raisons est qu'il y a moins de cyclistes espagnols. Avant, il y avait jusqu'à quatre équipes et maintenant, il n'y en a plus qu'une. C'est la conséquence de la crise que nous avons connue à tous les niveaux et de l'Operación Puerto. Le manque de sponsors a fait beaucoup de dégâts. C'est la cause principale à mon avis.
Chaque fois que vous participez à un Tour, on vous rappelle votre incroyable victoire en 2006. De tout ce qui s'est passé, quel est le souvenir le plus marquant ?
Probablement le jour où j'ai pris le Maillot jaune. Ce jour-là, quand je me suis échappé et que j'ai pris la tête du général, j'ai dit à mon directeur, José Miguel Echávarri : "Ils ne savent pas ce qu'ils ont fait en me laissant arriver là ! Même Dieu ne me laissera pas tomber du podium et je peux gagner ce Tour !". Je savais que j'avais les jambes et que je pouvais tenir.
Vous êtes passé de l'enfer au paradis en peu de temps car, dans la montée de Peyresourde, vous étiez à deux doigts d'abandonner, n'est-ce pas ?
Oui, je n'avais pas l'habitude d'être aussi loin et j'ai eu un évanouissement brutal ce jour-là. Ce sont les pires moments de ma vie sur un vélo. J'ai même pleuré tellement je souffrais. Les sensations étaient horribles. Ce furent 60 kilomètres d'impuissance et une leçon d'humilité. Je me suis dit que j'étais une merde et que je n'étais pas fait pour ça. Je m'étais très bien préparé pour le Tour et je misais tout sur cette course. J'avais fait des top 10 lors de mes deux premières participations et j'étais très bon. Je n'avais pas l'habitude de souffrir.
Qu'est-ce qui vous a permis de tenir ?
J'avais presque 30 minutes de retard sur le leader de la course et j'avais hâte d'arriver à l'hôtel pour faire mes bagages et rentrer chez moi mais, à ce moment-là, j'ai vu des gens de mon pays me soutenir et me crier dessus comme si je me battais pour la victoire. J'ai alors pensé que si ces fans avaient fait tout ce chemin pour me voir, je ne pouvais pas jeter l'éponge. Grâce à eux, j'ai eu une deuxième chance et j'ai pu gagner un Tour.
Vous aviez une relation amicale avec Floyd Landis, qui a été disqualifié pour dopage alors qu'il était leader, pourquoi s'est-elle détériorée ?
Je m'entendais très bien avec lui. C'était un travailleur acharné, qui n'abandonnait jamais. Je trouvais que c'était un type amusant, un bohémien qui vivait dans son propre monde (les parents de Landis étaient Amish, une communauté traditionaliste anabaptiste dont une partie est établie en Pennsylvanie, ndlr). Il était différent mais mes relations avec lui étaient bonnes. J'étais passée par la Phonak et j'aimais bien Floyd. Puis, il a été testé positif et tout a changé. Il a fait des déclarations par frustration pour essayer de blesser les gens en accusant d'autres personnes sans preuve. Il a été acculé, il a essayé de se défendre et un personnage que je ne connaissais pas est apparu. J'ai été déçu mais je préfère garder son bon côté.