Le cyclisme, une histoire de famille chez les Le Bigaut. Le père, Émile, a été gregario dans la fameuse équipe Mercier-Hutchinson des années 60. Il a bien failli connaître son jour de gloire lors du fameux Grand Prix de Plouay 1961, seulement battu par un autre Breton, Fernand Picot.
S'il n'a pas pu participer au Tour de France, son fils Pierre a lui réussi cet objectif. Et non content de s'y aligner, il y a laissé son empreinte. Lui aussi sous les couleurs de Mercier, même si la dénomination avait changé. Et au terme d'un périple incroyable de près de 150 km. Le jour de gloire.
Et il fallait le voir venir. Car au départ sous les couleurs de Coop-Mercier-Mavic, il n'est qu'un gregario de plus au service de Joop Zoetemelk. Le Néerlandais a beau avoir 36 ans bien tassés, il était encore deuxième lors de l'édition précédente, et en l'absence de Bernard Hinault, la chance d'une deuxième Grande Boucle après celle de 80 – obtenue de par le fait de l'abandon du Blaireau – est réelle.
Objectif : le général donc, et des étapes pour le futur vainqueur de la Flèche Wallonne Kim Andersen. Pierre Le Bigaut va donc travailler pour son leader néerlandais. Sauf que celui-ci est en train de perdre son éclat, et ne terminera même pas dans le Top 20. Une véritable disgrâce, puisqu'en 12 participations jusque-là, 8e était son pire classement !
Puisque l'objectif général est enterré, autant partir à l'aventure ! C'est son coéquipier Michel Laurent qui va ouvrir la route sur cette 14e étape, avant que le Breton ne se glisse dans un groupe de contre prestigieux, comportant Angel Arroyo, futur 2e du général, Lucien van Impe ou encore Sean Kelly.
Il est inconnu au bataillon pour ces grands noms, et c'est naturellement que tout le monde le laisse partir quand il produit son effort une fois passé la descente du Puy Mary. Tout le peloton se regroupe derrière – initialement, c'était censé être une étape de transition avant le contre-la-montre prévu le lendemain.
L'écart enfle, cela sent bon la victoire. Mais un groupe de contre-attaquants, avec en son sein notamment Robert Millar et Theo de Rooy, a d'autres projets. Après tout, une victoire sur le Tour de France, ce n'est pas rien. Même si le Breton a six minutes d'avance, cela n'empêche pas de tenter sa chance. À 6 contre un, on est plus fort, paraît-il.
C'est peine perdue. Si Pierre Le Bigaut n'est pas nécessairement une machine à rouler, il a la caisse suffisante, et jamais au grand jamais, ne sera en danger. Il peut savourer son exploit et lever les bras à Issoire, il vient de remporter une étape du Tour de France. Les gregarios sont des coureurs anonymes, pas avares en effort, et souvent uniquement récompensés quand leurs leaders s'imposent. Cette fois, l'inconnu a connu son jour de gloire.
Habitué à rouler pour les autres, il a continué à faire de même après sa carrière. En 1992, il crée une cyclo sportive et une randonnée ayant pour but de contribuer à la lutte pour la Mucoviscidose. Deux évènements qui ont lieu en Bretagne - évidemment - et qui ont fêté leur 31e anniversaire (Plus d'infos ici). 40 ans après son principal fait de gloire, Pierre Le Bigaut continue de penser aux autres.