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Un désastre tactique nommé Montse Tomé

Montse Tomé après la finale perdue
Montse Tomé après la finale perdueAlexander Hassenstein/Getty Images/AFP

L'Angleterre n'avait pas la meilleure équipe mais la meilleure coach, l'Espagne avait la meilleure équipe mais une coach perdue tactiquement. La défaite de la Selección en finale contre les Lionesses a été un modèle de tout ce qu'il ne faut pas faire à ce niveau de la compétition. Déjà en difficulté dans sa lecture des matches en 1/4 puis en demi-finale, Montse Tomé a sombré, accompagnée de son staff.

Arnold Palmer affirmait que le golf était une affaire de centimètres : ceux situés entre les deux oreilles. Il en va de même quand on est coach de football. En l'espèce, tout au long de l'Euro, Montse Tomé a confirmé ses lacunes tactiques, guère aidée par son staff. Et quand on sait qu'elle était la caution technique de Jorge Vilda, c'est dire l'exploit réalisé par la Selección lors du Mondial 2023... 

Prévisibilité et incohérence

Si les deux premiers matches de groupe ont été une balade, avec des cartons contre le Portugal (5-0) et la Belgique (6-2), dès que la route s'est cabrée, la sélectionneuse a été en difficulté. Ce fut le cas contre l'Italie mais avec une équipe panachée (3-1). Contre la Suisse en 1/4 de finale (2-0), il a fallu une talonnade inspirée d'Aitana Bonmatí pour débloquer la situation et permettre à Athenea del Castillo d'ouvrir le score alors que le public acquis à la cause de la Nati voyait la porte s'ouvrir pour un exploit. 

La lecture du match contre l'Allemagne a été remise en question, avec des changements inefficaces ou tardifs et il a fallu un double coup de génie de Bonmatí pour éviter les tirs au but. Et sans une indication de Carlos García, l'entraîneur des gardiennes, sur le positionnement d'Ann-Katrin Berger sur les centres, le match se serait fini aux tirs au but. 

La finale fut un naufrage total, un modèle de tout ce qu'il ne faut pas faire. Tomé avait-elle en tête le match de Ligue des Nations en juin et l'entrée décisive de Claudia Pina alors que sa composition de départ s'était révélée inefficace ? Dans ce cas, elle n'a pas pu oublier que l'Angleterre avait ouvert le score contre le cours du jeu. Se priver de la meilleure buteuse de la Ligue des Champions, c'est ahurissant, encore plus pour une finale de l'Euro. Au profit de qui ? Esther González, passée de paria après le Mondial 2023 à titulaire en puissance en Suisse et qui avait démontré ses limites dans le jeu dès le début de la phase à élimination directe. Titulariser Del Castillo n'a pas non plus été d'une grande efficacité : alors que la Madridista avait apporté de la vitesse contre la Suisse, son entrée en jeu contre l'Allemagne avait déjà été plus pastel. Toutes les deux ont beaucoup gâché mais elles sont restées sur la pelouse jusqu'à la 83e minute. Ce manque de proactivité de la part de Tomé a coûté très cher alors que leurs sorties plus tôt dans le match relevait de l'évidence. 

Le XI de départ a conditionné les choix de la deuxième période et de la prolongation. À 1-0 à la mi-temps, il était déjà évident qu'Esther était à bout de souffle, sans ressort ni lucidité offensive avec au moins 4 balles de but vendangées. Le remplacement logique était de la remplacer dès la pause par Pina en pointe pour profiter de sa spontanéité pour faire le break. Cette impression s'est renforcée au cours des dix premières minutes car l'Angleterre était au bord de la rupture. Si la Catalane est bien entrée peu après l'heure de jeu, ce fut à la place d'Alexia Putellas, elle aussi sur le déclin à partir des 1/4 de finale. À ce moment-là, il y avait 1-1.

Or en sortant Putellas, Tomé a déséquilibré son équipe et, surtout, elle a offert les prochains changements à Sarina Wiegman. Car en faisant entrer Pina, il était évident que, tôt ou tard, une milieu allait arriver. En fait, il y avait deux possibilités : le poste pour poste ou la recomposition tactique avec un 4-4-2. Mais Tomé a opté pour un double changement avec les sorties d'Esther et del Castillo pour Vicky López et Salma Paralluelo. Tardif : à peine 10 minutes arrêts de jeu compris avant d'aller en prolongation. Et surtout prévisible, principalement en ce qui concerne Paralluelo, catastrophique tout au long de la compétition. 

Sous le niveau de la mer

Et là, on se demande bien ce qui a pu se passer dans l'esprit de Tomé et son staff pour ne pas comprendre ce qu'il se passait : Pina a joué sur un côté et Paralluelo dans l'axe. La combinaison n'avait pas fonctionné contre l'Allemagne, Paralluelo faisant preuve d'une rare médiocrité face aux cages. La faire entrer n'était pas la bonne solution, surtout en 9, d'autant que Cristina Martín Prieto avait démontré, malgré une entrée là aussi très tardive à la fin de la première période de la prolongation, qu'elle pouvait peser sur les deux centrales et libérer de l'espace. 

Mais surtout, comment Tomé n'a-t-elle pas pu comprendre que Lucy Bronze, avertie, crampée et blessée (elle avouera après le match qu'elle souffre d'une fracture du tibia depuis 2 mois) aurait été dépassée par la vélocité de Paralluelo, gauchère, alors que Pina est droitière et donc contrainte de revenir sur son meilleur pied ? Les deux attaquantes se sont de nouveau marchées dessus et si les deux joueuses avaient joué dans leur registre, peut-être que ce centre au cordeau aurait été coupé victorieusement plutôt que de passer entre les jambes de Paralluelo... 

Avec ces trois changements, Tomé s'est bloquée toute évolution tactique. Quand le match va en prolongation, elle a encore trois possibilités de changements. Mais qui sortir ? Celle qui est la plus en balance à ce moment-là est Mariona Caldentey. Mais peut-on sortir la buteuse et une frappeuse de penalty ? Par rapport aux matches de Bonmatí et de Patri Guijarro, probablement la meilleure sur la pelouse dimanche, sortir la Majorquine, est le seul choix à faire pour jouer la rupture. Mais c'est finalement Olga Carmona qui sort, enfin pourrait-on s'exclamer tant la néo-Parisienne a à peu près tout manqué, à l'image d'un Euro qui a marqué un déclin inquiétant. Du poste pour poste avec Leila Ouahabi et donc un choix conservateur, fait pour faire car la latérale gauche pouvait bien terminer la rencontre. 

Le message envoyé aux Anglaises était limpide : l'Espagne attend les tirs au but. C'est exactement là que les Lionesses voulait amener les Espagnoles. Et la séance a été un nouveau aveu du manque de travail préalable. En conférence de presse d'avant-match, Tomé a expliqué que cela n'a pas été travaillé. C'est fou comme "la loterie" est très souvent perdue par ceux qui ne la travaillent pas...

Là, on est sur de la faute professionnelle XXL car il y avait des antécédents récents. Lors de la finale du Mondial 2023, Jenni Hermoso a manqué un penalty, déjà contre l'Angleterre. En petite finale des JO, Putellas a manqué le penalty de la prolongation dans les arrêts de jeu. En 1/4 de finale contre la Suisse, Mariona n'a pas cadré sa tentative en début de match. Le passé proche a donc démontré que cet exercice dans des conditions difficiles n'avaient pas réussi à des joueuses confirmées. Et quand 5 matches à élimination directe sur 7 sont allés en prolongation lors de cet Euro, ne pas travailler les tirs au but, que cela soit la routine ou le geste, c'est de l'incompétence, d'autant que les Anglaises s'en étaient sorties par miracle en 1/4 de finale contre la Suède et pouvaient y retourner sans peur et en pleine confiance, convaincues qu'elles avaient atteint leur objectif initial. Seul Carlos García a fait ses devoirs avec Cata Coll, qui a détourné deux tentatives anglaises. 

Cette saison, le Barça est tombé à pieds joints dans le piège d'Arsenal en finale de la Ligue des Champions, notamment en raison de l'inadaptation tactique de Pere Romeu, très décrié tout au long de la saison. Tomé a, match après match, confirmé tous les doutes quant à ses aptitudes. Pour elle, il s'agit de son deuxième échec après les JO.

C'est d'autant plus inquiétant que, quand on bénéficie de l'ossature du Barça (le match s'est achevé avec 11 joueuses actuelles ou passées du FCB), la seule question à se poser est de se demander comment faire pour la mettre dans les meilleures conditions pour performer car les automatismes sont déjà créés depuis de nombreuses années et avec des résultats suffisamment éloquents. Quand le travail est déjà prémâché, cela devrait être plus simple. Mais apparemment, c'est déjà trop pour Tomé et son staff qui n'ont jamais eu la lucidité pendant cet Euro de voir que la déception serait leur trophée.