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Huit éditions. Huit lauréates différentes. Dans l'Ère Open, c'est une première : jamais huit joueuses différentes ne s'étaient succédé au palmarès du même tournoi du Grand Chelem. C'est pourtant la série qui est en cours sur le simple femmes de Wimbledon.
Certains préfèreront y voir le signe qu'il manque une ou plusieurs patronnes sur le circuit WTA, mais le verre à moitié plein dans l'histoire, c'est le suspense. L'envie de regarder un évènement sportif sans connaître le vainqueur avant le début du tournoi. Et il (en l'occurrence elle) n'a pas besoin d'être surprenant pour nous surprendre.

Pourquoi sur gazon et pas ailleurs ? D'ordinaire, c'est la terre battue qui est considérée comme la surface avec le plus de surprises possibles. Simplement parce qu'il existe des "spécialistes" de la terre, au jeu lifté et capables de tenir trois heures ou plus à base de lifts et de chops. Ou même des joueuses qui connaissent l'aversion de certaines des cadors pour la surface, et qui en profitent allègrement. Ce qui explique certaines demi-finalistes inattendues sur les dix dernières années comme Timea Bacsinszky (deux fois), Jeļena Ostapenko, inoubliable lauréate en 2017, Amanda Anisimova, Markéta Vondroušová (finaliste), Iga Świątek (54e mondiale lors de son premier sacre en 2020), Nadia Podoroska, Barbora Krejčíková, Tamara Zidanšek, Martina Trevisan et bien évidemment la dernière en date, Lois Boisson.
Mais revenons à Wimbledon. Car on ne parle pas de demi-finale, on parle de gagnantes. Et sur les huit dernières, toutes n'ont pas été surprenantes. Par deux fois, la tête de série n°1 s'est imposée (Serena Williams et Ashleigh Barty), mais cette tendance est à la baisse. Les trois dernières lauréates n'étaient pas dans le Top 10 au moment de leur sacre, et en 2023, Markéta Vondroušová est devenue la première joueuse non-tête de série à triompher à Wimbledon ! Comment une telle instabilité est-elle possible ? Il faut rappeler une vérité simple : aucune des membres actuelles du Top 10 n'a gagné Wimbledon, et Jasmine Paolini est la seule à avoir atteint la finale.

Pire, l'Italienne est avec Aryna Sabalenka (deux fois) la seule à avoir rejoint le dernier carré. Le cas de la Biélorusse est d'ailleurs troublant, car on peut considérer que c'est elle, la patronne du circuit WTA, avec ses trois titres du Grand Chelem et ses six finales depuis le début de la saison 2023. Pourtant, malgré son jeu offensif, son énorme service et sa puissance aveugle, elle ne parvient pas à soulever le trophée qu'on l'aurait imaginé soulever en premier lieu, avant ceux des tournois du Grand Chelem sur dur.
Mais ce n'est pas un cas isolé. Iga Świątek, par exemple, ne compte qu'un malheureux quart de finale à son palmarès, ayant subi des défaites cuisantes contre Alizé Cornet (qui avait interrompu sa mirifique série de 35 victoires en 2022) ou Yulia Putintseva, alors même qu'elle a remporté ce tournoi chez les juniors ! Coco Gauff n'a jamais atteint les quarts, comme Paula Badosa, Qinwen Zheng n'a gagné que deux matchs en carrière à Wimbledon, tout cela n'est guère reluisant.
Les résultats de cette (courte) saison sur gazon 2025 confirment d'ailleurs cette tendance. Aryna Sabalenka a gagné deux matchs, dont un par miracle contre Elena Rybakina, avant de prendre une volée de bois vert contre... Markéta Vondroušová, définitivement à l'aise sur la surface. Coco Gauff n'a joué qu'un match pour se faire étriller par Wang Xinyu, pourtant sortie des qualifications. Jasmine Paolini n'a marqué que quatre jeux face à une Ons Jabeur ressuscitée sur la surface. Même Madison Keys, connue pour sa régularité, a dû s'incliner - comme toutes les autres - contre Tatjana Maria, inoubliable lauréate du tournoi du Queen's.
Le cas de l'Allemande est symptomatique de la surface. Voilà trois ans, elle signait un parcours de Cendrillon pour s'en aller jusqu'en demi-finales de Wimbledon, seulement stoppée par Ons Jabeur. Avec son jeu atypique tout en slice et sa résistance à toute épreuve, elle a souvent fait trembler les plus grandes. Mais elle n'est que le porte-étendard d'une réalité crue : sur les trois dernières saisons, seulement deux joueuses ont gagné plus d'un tournoi sur gazon : Katie Boulter (deux fois sacrée consécutivement à Nottingham)... et Markéta Vondroušová. Et encore, la Tchèque a remporté ce deuxième titre à Berlin voilà quelques jours.
On imagine toujours le jeu sur gazon fait pour les grandes serveuses. Ce qui est partiellement vrai, avec notamment la victoire de Rybakina en 2022. Mais la saison passée, la "Ace Queen", et de loin, était Qinwen Zheng avec 445 aces (loin devant Rybakina avec 358). Ce qui ne l'a pas empêchée de se faire taper par la qualifiée Lulu Sun dès le premier tour.
Mais depuis trois ans, Wimbledon, c'est aussi l'occasion pour une joueuse de s'imposer en sortant le "tournoi parfait" en plus de bénéficier des éléments en leur faveur. En 2022, alors que les Russes et Biélorusses ont été empêchés de participer, Rybakina (née en Russie...) n'affrontait aucune tête de série avant les demies. En 2023, Vondroušová était largement sous-estimée, n'ayant gagné qu'un match en carrière à Wimbledon. Et l'an dernier, Barbora Krejčíková s'en était sortie 7-5 au troisième set lors de son premier tour, avant de devenir irrésistible, portée par ce fait de tournoi. Trois joueuses pas nécessairement prises au sérieux durant toute la quinzaine, mais qui ont su saisir l'occasion.
Il existe de moins en moins de "spécialistes" du jeu sur herbe. C'est encore plus vrai chez les femmes, mais il est évident qu'avec une saison sur gazon qui ne dure que 5 semaines, difficile de tout miser sur cette période particulière de l'année. Paradoxal, alors qu'elle peut vous rapporter un Grand Chelem. Mais les meilleures mondiales ne cachent pas leur manque de talent sur la surface. Iga Świątek confiait d'ailleurs aux médias polonais vouloir "vraiment apprendre à mieux jouer sur herbe et chaque année représente une autre opportunité".
Voilà sans doute la principale raison du nivellement constant sur gazon. Là où un Carlos Alcaraz, dominateur sur la surface, l'est principalement parce qu'il est largement au-dessus de la concurrence où qu'il soit, à l'instar bien entendu d'un Jannik Sinner. Seule Aryna Sabalenka présente ce profil, avec neuf demi-finales sur ses dix derniers tournois du Grand Chelem... pour trois titres. De plus, elle n'a pas disputé deux des trois dernières éditions.
Mais si elle l'emportait, elle serait la neuvième lauréate différente d'affilée, et ne ferait que rajouter à cette incertitude. La seule certitude, c'est qu'elle sera la favorite. Mais bien malin celui qui peut prédire l'issue du troisième Grand Chelem de la saison. Et c'est principalement pour ça que le circuit WTA est aussi palpitant.