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Première joueuse turque au 3e tour d'un Grand Chelem, Zeynep Sönmez n'entend pas s'arrêter là

L'histoire écrite par Zeynep Sönmez.
L'histoire écrite par Zeynep Sönmez. Ella Ling / Shutterstock Editorial / Profimedia

En deux matchs à Wimbledon, Zeynep Sönmez a écrit l'histoire de la Turquie. Désormais au troisième tour, elle n'aura pas la partie facile, mais peut s'appuyer sur une magnifique courbe de progression et le soutien de tout un peuple.

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Certains pays ne sont pas des pays de tennis. La Turquie est un parfait exemple. Pourtant, elle organise de nombreux tournois, principalement sur le circuit ITF, à Antalya ou à Kayseri. Mais le seul tournoi du circuit principal qui y avait lieu a disparu depuis 2018 pour l'ATP, et en 2022 pour l'édition WTA.

Côté joueurs, personne de véritablement notable. Chez les messieurs, on se souviendra de Marsel İlhan, premier joueur turc à entrer dans le Top 100 en 2010, et vainqueur de 24 titres sur le circuit ITF. Mais la principale tête d'affiche se nommait Çağla Büyükakçay, ancienne 60e mondiale, et tout simplement la première joueuse turque à avoir gagné un tournoi sur le circuit principal, en 2016... à Istanbul.

Mais l'an dernier, elle a été rejointe au palmarès par une certaine Zeynep Sönmez. Certes, c'était un tournoi de toute fin de saison, certes, c'était un WTA 250, certes, le plateau n'était pas des plus fournis. Mais combien de joueuses lambda n'ont jamais réussi à soulever le moindre trophée sur le circuit WTA ? En ce sens, la victoire de la Turque à Mérida était une superbe performance, car il ne faut jamais galvauder un tournoi gagné, quel que soit le niveau. 

Cette finale gagnée contre Ann Li était un modèle du genre. La découverte d'une joueuse qui n'a pas peur d'attaquer, qui n'a pas nécessairement une puissance de feu mais qui sait se servir de la vitesse de la balle de l'adversaire pour en faire une arme. Et un tempérament offensif réel, on ne voit pas ça chez beaucoup de joueuses actuellement. 

Mais comme souvent, le plus dur, ce n'est pas d'arriver au sommet, c'est d'y rester. Cette finale de Mérida était son dernier match de la saison, et jusqu'à quelques jours en arrière, il n'y avait pas de quoi pavoiser. Ce titre lui a permis de rentrer dans le Top 100 pour la première fois de sa carrière, et était donc censé faciliter sa vie sur le circuit WTA. Mais avant Wimbledon, son bilan en 2025 était de 15 victoires pour 16 défaites. 

Un seul quart de finale, à Mérida, où elle a définitivement ses aises, puisqu'elle y a terrassé María Sákkari et Magda Linette, avant de succomber à Emma Navarro. Mais en dehors de ce parcours, pas grand-chose à se mettre sous la dent. Et au moment d'affronter Jaqueline Cristian au premier tour, les augures n'étaient pas nécessairement favorables. Résultat : elle a dominé la Roumaine en deux manches pour devenir la première joueuse turque de l'histoire à remporter un match dans le tableau principal de Wimbledon !

Néanmoins, on ne s'attendait pas à ce que sa campagne aille plus loin que ce premier morceau d'histoire tennistique de son pays. Car Wang Xinyu semblait une adversaire bien trop forte sur gazon. La Chinoise venait d'atteindre la finale à Berlin, en sortant des qualifications, puis en battant Daria Kasatkina, Coco Gauff, Paula Badosa et Liudmila Samsonova. Mieux, elle venait de battre Karolína Muchová au premier tour. Mais...

... mais elle n'a pas résisté à la tornade turque. Zeynep Sönmez a été incroyable d'abnégation, et bien que sa première balle soit tout sauf une arme de destruction massive, elle a gagné 70% de points derrière son premier service, une condition sine qua none pour exister dans le tennis actuel. Surtout, bien qu'ayant été ballottée, elle a montré une magnifique maîtrise des points importants pour breaker deux fois à 5-5, et conclure sur son service en suivant, notamment en sauvant trois balles de débreak alors qu'elle servait pour le match !

Résultat : elle est tout simplement devenue la première joueuse turque de l'histoire à se qualifier pour le troisième tour d'un tournoi du Grand Chelem, hommes et femmes confondus. Ni Çağla Büyükakçay, ni Marsel İlhan n'y étaient parvenus. Un énorme achèvement pour une joueuse qui ne vient donc pas d'un pays à la grande tradition tennis. Mais clairement, elle ne veut pas s'arrêter là, comme elle l'a déclaré à la WTA après la rencontre. 

"Je n'ai jamais rêvé d'atteindre le troisième tour de Wimbledon. Je rêve de le gagner."

Une déclaration en bonne et due forme. Mais bien évidemment, elle est tout sauf favorite pour ce faire. Il faudrait gagner 5 matchs de plus, à commencer par celui de ce samedi contre Ekaterina Alexandrova. La Russe est une joueuse bien plus accomplie, désormais solidement installée dans le Top 20, lauréate de deux tournois sur gazon en carrière, et donc grande favorite de ce troisième tour. Mais pourquoi pas imaginer une nouvelle surprise ? 

Une joueuse en devenir.
Une joueuse en devenir.EZRA SHAW / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP / EnetPulse

Car ce Wimbledon est définitivement celui des surprises. Déjà quatre Top 10 sont passées par la fenêtre, et il ne reste que 15 des 32 têtes de série après deux tours seulement. Pourquoi pas la Turque ? Un jeu de contre parfait sur le gazon, une bonne tenue à l'échange, un jeu en variation intéressant. Certes, il lui reste une grosse limitation en termes de service. Sa première balle est sans doute le point qui la limite le plus en vue d'une éventuelle progression. Mais on a vu des carrières et des performances sans un gros service, et heureusement. 

De plus, elle peut se nourrir de l'énergie de supporters fidèles. Certains ont fait le voyage depuis la Turquie, et elle s'est empressée de les remercier une fois la qualification pour le troisième tour. Un embrasement est en cours en Turquie, qui n'est pas habituée à un tel succès en matière de tennis. La joueuse est sur toutes les couvertures de journaux, sur toutes les lèvres, une médiatisation dont elle est pour l'instant quelque peu écartée en Angleterre. 

On prévoit un retour triomphal au pays, quel que soit le résultat final. Mais ce n'est sans doute que le début. Car dans un circuit WTA toujours plus instable, les surprises sont nombreuses, et après en avoir causé une à Mérida, Zeynep Sönmez a les moyens d'en causer d'autres. Certes, on ne parle pas forcément de gagner un Grand Chelem. Mais une carrière ne se limite pas à ça, et n'est pas Emma Raducanu qui veut. 

Une entrée dans le Top 50, un ou plusieurs titres, peut-être viser un WTA 500, mais aussi porter la Turquie vers une montée dans le groupe mondial. L'histoire, encore et toujours, puisque cela n'a jamais été réalisé. Mais visiblement, Zeynep Sönmez n'a pas fini de briser les barrières, et possiblement de laisser une trace indélébile dans l'histoire du tennis turc. 

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