Bien évidemment, Victoria Mboko a été la véritable révélation de l'Open du Canada. Une joueuse prometteuse, invitée pour l'occasion, et qui découpe tout sur son passage pour aller chercher son premier titre en carrière sur le circuit principal lors d'un WTA 1000. Un parcours à la Emma Raducanu, la référence ultime dans ce domaine.
À ce sujet - Victoria Mboko, quand le circuit ITF fabrique une future star du circuit féminin
Mais l'autre évènement de ce Canadian Masters, c'est le retour en force d'une certaine Naomi Osaka. À Montréal, la Japonaise a atteint sa plus grande finale depuis le WTA 1000 de Miami en 2022 (battue par Iga Świątek). Non pas qu'elle fut considérée comme "finie" à 27 ans, mais ce retour-là, on y croyait de moins en moins.
Mouratoglou, le coup d'épée dans l'eau
Depuis son retour sur le circuit en début de saison 2024, après avoir tiré un trait sur 2023 pour la meilleure raison du monde - une maternité, elle avait donné l'illusion d'être une joueuse capable de coups. De renverser les meilleures sur un match sans pouvoir garnir de nouveau son palmarès de titres prestigieux. Le meilleur exemple avait eu lieu à Roland-Garros 2024, quand elle avait obtenu une balle de match au deuxième tour contre Iga Świątek, avant de s'incliner.
Mais aucune victoire marquante, aucune finale sur le circuit WTA, pas mieux qu'un troisième tour en Grand Chelem : la mayonnaise ne voulait pas monter. Alors, après l'US Open 2024, où elle s'était inclinée contre Karolína Muchová au deuxième tour, elle a fait appel à un nom connu pour renforcer son staff : Patrick Mouratoglou.
On ne présente plus celui qui est connu pour avoir relancé la carrière de Serena Williams (si tant est qu'elle avait besoin de relance, puisqu'elle avait déjà 13 tournois du Grand Chelem dans la banque au moment de faire appel à lui en 2012). Mais c'est cette collaboration qui a fait la réputation de Mouratoglou, qui dispense désormais sa prétendue sagesse sur les plateaux de France Télévisions à chaque Roland-Garros.
C'est d'ailleurs cette année qu'il s'est magnifiquement distingué avec une petite phrase. "Je pense qu'on est dans une période, dans le tennis féminin, où il n'y a pas de très grandes stars". Ce qui implique donc sa protégée d'alors, qui a dû certainement apprécier sa déclaration. Hasard ou coïncidence, moins de deux mois plus tard, la collaboration a pris fin.
Bilan chiffré : 24 victoires pour 12 défaites, un titre au 125K de Saint-Malo (son premier sur terre battue), une finale au WTA 250 d'Auckland (où elle a malheureusement dû abandonner), quatre victoires en trois tournois du Grand Chelem. Moins d'un an après, la Japonaise a changé d'entraîneur : visiblement, Mouratoglou, même avec une quadruple lauréate de Grand Chelem dans les mains, n'est pas le prophète annoncé.
Wiktorowski, le coup de maître ?
Un état de fait validé par le WTA 1000 de Montréal. Pour son premier tournoi après sa "rupture" avec Mouratoglou, Naomi Osaka a mis à l'essai Tomasz Wiktorowski. Ce dernier a coaché les deux meilleures joueuses polonaises du XXIe siècle, d'abord Agnieszka Radwańska, de 2011 à 2018, qu'il a transformée en Top 5. Puis - et surtout - Iga Świątek, de 2021 à 2024. Il est donc à l'origine de 4 de ses titres du Grand Chelem, de son accession à la première place mondiale, et de la mirifique série de 35 victoires d'affilée au cœur de la saison 2022. On fait pire comme pedigree.
Et hop : premier tournoi, et subitement, on a eu des flashs de la Naomi Osaka sur-dominatrice sur surface dure. Alors oui, elle n'a pas battu de Top 10 - pour la bonne et simple raison qu'elle n'en a pas rencontré - mais a sorti des références comme Jeļena Ostapenko, Liudmila Samsonova (en sauvant trois balles de match) ou Elina Svitolina, et une jeune star en la personne de Clara Tauson. Avant cette défaite en finale contre une Victoria Mboko sur un nuage.
À ce sujet - La sensation canadienne Victoria Mboko triomphe à Montréal contre Naomi Osaka
Le match contre Samsonova est sans doute le point de départ d'un renouveau réel en termes de mental. Face à une adversaire qui dominait le match, qui envoyait des services gagnants à foison et contre laquelle elle ne semblait avoir aucune porte de sortie, l'ancienne n°1 mondiale a trouvé la clé pour faire douter la Russe au moment où elle servait pour le match, et surtout où elle menait 6-4, 5-4, 40-0.
Bien évidemment, la Japonaise s'est empressée de prolonger le partenariat avec le coach polonais, comme elle l'a expliqué en conférence de presse. "Honnêtement, je pense que ce qui fonctionne bien pour moi, c'est que j'ai confiance en ma forme physique. Je suis très à l'aise et j'apprécie beaucoup Tomasz. Mais j'apprécie aussi son style d'entraînement. Il est très direct et va droit au but. Pour quelqu'un comme moi, dont les pensées se dispersent souvent, c'est très utile."
L'US Open comme planche de salut
Visiblement, Naomi Osaka a trouvé chaussure à son pied, et tant mieux. Les poncifs de Mouratoglou sur le manque de stars n'auront définitivement plus lieu d'être quand elle retrouvera son meilleur niveau (ce qui n'en sera que plus savoureux). Mais ce meilleur niveau, justement, est-ce une réelle possibilité ou une chimère ?
La première conséquence de ce parcours canadien (outre une gêne au poignet qui n'a pas l'air bien méchante), c'est qu'elle a réintégré le Top 30, puisqu'elle est actuellement 25ème mondiale. Selon toute vraisemblance, elle sera tête de série à l'US Open. Et ce n'est pas anodin quand on voit l'identité de ses tombeuses en Grand Chelem depuis son retour en 2024 : Caroline Garcia, Iga Świątek, Emma Navarro, Karolína Muchová, Belinda Bencic, Paula Badosa et Anastasia Pavlyuchenkova. Seule la dernière n'a pas été Top 10 (mais elle a été finaliste à Roland-Garros), que des adversaires de haut niveau rencontrées en pleine forme dans les trois premiers tours.

Avec un tirage plus abordable, nul doute qu'elle pourrait enfin aller chercher une deuxième semaine en Grand Chelem, ce qu'elle n'a plus accompli depuis... son dernier sacre à l'Open d'Australie 2021 ! Ce qui reste également son dernier titre sur le circuit WTA. Une anomalie, sans nul doute, mais la Japonaise, maintenant qu'elle a prouvé qu'elle pouvait toujours jouer pour des grands titres, a surtout besoin d'une victoire référence.
Celle qui lui a glissé entre les doigts contre Iga Świątek à Paris l'an dernier. Voilà cinq ans qu'elle n'a plus battu une Top 5. C'est par là que passe un retour au premier plan. Comme susmentionné, son parcours canadien n'était pas facile, mais pas une Top 10 sur son passage. Pour obtenir ce résultat en Grand Chelem qui relancerait définitivement cette deuxième carrière, elle devra sans doute en passer par là. Et quel endroit semble plus approprié que New York ?
C'est là qu'elle a remporté son premier titre en Grand Chelem. C'est là qu'elle est devenue une star en 2018 en triomphant de... Serena Williams en finale. Et c'est là qu'elle va tenter de construire sur la confiance accumulée au Canada. Bien évidemment, le tirage au sort donnera une idée plus précise de ses chances. Mais indiscutablement, elle n'est pas "finie", et son retour au sommet, s'il devient réalité, pourrait relancer une nouvelle phase formidable dans un circuit WTA déjà hautement compétitif et bardé de stars, actuelles ou en devenir. N'en déplaise à Mouratoglou...
À ce sujet - Tous les résultats US Open et tennis sur Flashscore