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Le début de saison de Jeļena Ostapenko confirme qu'elle demeure une attraction du circuit WTA

Jeļena Ostapenko, une sacrée joueuse.
Jeļena Ostapenko, une sacrée joueuse.Noushad Thekkayil / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Un début de saison caviardé, puis une finale en WTA 1000, puis une défaite contre une qualifiée : l'inconstance est très souvent une marque de fabrique pour Jeļena Ostapenko et l'exercice 2025 ne fait pas exception à la règle. C'est ce qui en fait une des joueuses frisson du circuit.

À 20 ans et deux jours, Jeļena Ostapenko avait choqué la planète tennis le 10 juin 2017. Pour la première fois depuis 1933, une joueuse non tête de série avait remporté Roland-Garros - et on était déjà passé aux tableaux à 32 protégés. Un succès historique à plus d'un titre, puisqu'il s'agissait notamment du premier Grand Chelem pour la Lettonie, et tout simplement du tout premier titre WTA en carrière pour "Aļona". Le tout en effaçant un déficit de 6-4, 3-0 contre nulle autre que Simona Halep en finale (victoire 4-6, 6-4, 6-3).

Assez logiquement, quand une joueuse jeune et talentueuse gagne un premier Grand Chelem, on s'attend à ce que ce ne soit pas le dernier, mais le début d'une période de domination. Huit ans plus tard, il n'en est rien. Aucun autre titre en Majeur, ni en WTA 1000. 8 titres WTA tout de même, mais loin de ce qu'on imaginait pour une telle joueuse. 

Car à ce moment-là, la Lettone représentait la joueuse du futur. Un service lourd, une puissance aveugle, mais surtout, un jeu spectaculaire qui enthousiasmait le public et qui prouvait qu'on pouvait gagner en faisant les points et les fautes. La finale de Roland-Garros en reste aujourd'hui la plus belle illustration : 54 coups gagnants et autant de fautes directes ! 

À cette période, le circuit WTA se cherchait une vraie patronne. Serena Williams était encore là, mais plus n°1 mondiale, et elle n'allait plus gagner de Grand Chelem. Angelique Kerber était n°1 mondiale, mais ne représentait pas une assurance tout risques, alors que Karolina Pliskova et Garbiñe Muguruza représentait de belles alternatives, mais pas des réelles taulières. Une joueuse de 20 ans inconnue, mais spectaculaire et qui gagne, c'était presque trop beau pour un circuit WTA toujours en quête d'icônes. 

Est-ce ces attentes qui ont fait que la Lettone n'a jamais totalement confirmé les espoirs placés en elle ? La finale du WTA 1000 de Doha atteinte la semaine dernière n'était que sa troisième à ce niveau (et la première depuis 2018), toutes perdues. Pourtant, au Qatar, elle a encore une fois fait montre d'un talent incroyable, et d'un jeu champagne fondé sur une prise de risques toujours graduellement augmentée. 

Incroyable de réussite, elle a massacré toutes celles qui se présentaient devant elle : Jasmine Paolini, double finaliste de Grand Chelem en 2024, Ons Jabeur, triple finaliste majeure, au jeu atypique et de retour en forme, et Iga Świątek, qu'on ne présente plus, n°2 mondiale et triple tenante du titre à l'Open du Qatar : toutes désintégrées, toutes limitées à quatre jeux remportées, toutes subissant la rafale de coups gagnants d'une Jeļena Ostapenko intenable. 

Mais en finale, elle a rencontré Amanda Anisimova qui, en y regardant de plus près, ressemble à un clone de la Lettone. Révélée à Roland-Garros jeune, désignée future grande mais qui tardait à revenir au plus haut niveau : le miroir s'est brisé pour Ostapenko, qui n'a pu conclure cette semaine de rêve, s'inclinant 6-4, 6-3 non sans combattre. Néanmoins, après avoir perdu quatre de ses cinq premiers matchs de la saison (et toujours contre des joueuses moins bien classées à l'instant T), cette semaine était franchement inattendue.

De quoi lancer une dynamique ? Bien sûr que non. Deux jours après la fin de ce parcours homérique, Jeļena Ostapenko enchaînait avec le deuxième WTA 1000 au Moyen-Orient. Face à elle, en 32e de finale, Moyuka Uchijima, 62e mondiale et sortie des qualifications. De quoi entrer en douceur dans le tournoi sur le papier. Sur le terrain, des jambes lourdes certes, mais surtout peu d'inspiration, trop de fautes, et une défaite sèche 6-3, 6-3

Il n'est certes pas rare qu'après une grosse performance, le tournoi suivant ne soit pas couronné de succès. A fortiori actuellement, avec une concurrence toujours plus accrue peu importe le tournoi. Mais chez Jeļena Ostapenko, c'est une marque de fabrique. Et ça l'a toujours été. Défaite au premier tour d'un Challenger après sa première finale WTA 1000 en 2016. Défaite au deuxième tour après son sacre parisien. Après deux ans sans titre, elle triomphe à Eastbourne en 2021... et se rétame au troisième tour de Wimbledon. Elle entame 2024 par deux titres en WTA 500 sur les deux premiers mois... et ne jouera plus une demi-finale de la saison. 

Déjà une belle carrière pour
Déjà une belle carrière pour AFP / EnetPulse

Et voilà donc huit ans qu'on attend que la Lettone redevienne une réelle force, une favorite pour les tournois du Grand Chelem, une membre régulière et non intermittente du Top 10. Mais c'est bien trop difficile en ne jouant bien que "un tournoi sur deux", pour schématiser. Car en réalité, on peut dire bien pire, puisqu'en 36 apparitions en tableau principal de Grand Chelem, elle n'a vu "que" sept fois la deuxième semaine. En 63 participations à des Premier / WTA 1000, elle ne compte "que" 10 quarts de finale ou mieux. 

Car outre le jeu, il y a le mental. Et de ce côté là, Jeļena Ostapenko nous gratifie souvent de quelques pétages de plomb. La Lettone n'est pas réputée pour être une des joueuses les plus sympathiques du circuit. Un match houleux contre Ajla Tomljanovic à Wimbledon revient instantanément en mémoire, mais c'est tout de même fréquent qu'elle perde le contrôle durant un match. Sa mère, autrefois son entraîneuse, en prenait pour son grade quasiment à chaque match. Parfois même, elle se voyait ordonnée de quitter le court ! 

Et cette instabilité est forcément source de déceptions. Lorsqu'une joueuse casse le rythme ou la force à jouer dans le petit jeu, entre amorties et slices, elle sort facilement du match. Exemple fameux, son 8e de finale à Wimbledon en 2022. Un tableau désert et facile sur le papier jusqu'en demi-finale, sur une surface qui lui est favorable, une adversaire - Tatjana Maria - 100e mondiale environ, qui va lui faire perdre ses moyens jusqu'à causer une défaite clairement peu enviable. 

Lors d'une interview pour ClayTennis en 2023, la Lettone ne faisait pas de mystère de ses motivations. "Quand je joue contre quelqu'un que je n'aime pas, je veux vraiment la battre. Cela me donne envie de tout laisser sur le terrain. Pour les joueurs, les choses peuvent se passer différemment si vous n'aimez pas quelqu'un et que c'est comme si c'était votre "ennemie". Certains peuvent être distraits, émotifs et s'énerver très rapidement. Je suis le genre de personne qui se concentre encore plus dans ce genre de situation".

Ce qui est compréhensible, mais explique parfois le manque de régularité dont elle peut faire preuve. Sa motivation parait effectivement fluctuante du jour au lendemain, et une stat peut le prouver. À 23 reprises en carrière, elle a dominé une joueuse classée dans le Top 10 du classement WTA au moment de leur rencontre. Seulement 8 fois, elle a remporté le match suivant !

Quel meilleur résumé, finalement, de la carrière de Jeļena Ostapenko ? Son principal coup d'éclat était "LE" coup d'éclat : gagner un Grand Chelem, ce après quoi 99% des joueurs et joueuses courent toute leur carrière. Comment rebondir quand le but ultime est atteint à 20 ans ? La Lettonne ne quitte cependant jamais le Top 50, atteint à minima une finale tous les ans (on mettra 2020 de côté pour des raisons évidentes), claque quelques victoires référence par-ci, par-là.

Mais en terme de divertissement, elle n'a que peu d'équivalent. Un de ses matchs, c'est l'assurance de highlights à foison, de coups gagnants venus d'ailleurs, parfois des dramas, souvent des coups de massue : le spectacle à l'état pur. Et pour de longues années encore, on l'espère. Et tant pis si elle ne gagne plus de Grand Chelem (elle a toutefois remporté l'US Open en double avec Lyudmyla Kichenok en 2024) : Jeļena Ostapenko reste une excellente raison de suivre le circuit WTA.