La planète tennis tourne tellement vite, qu'on en oublierait presque l'exploit colossal qu'a réalisé Mirra Andreeva cette saison. En février, elle devenait à 17 ans la plus jeune gagnante de l'histoire en WTA 1000 à Dubaï. En mars, elle confirmait avec un deuxième titre dans cette catégorie à Indian Wells, et rentrait dans le Top 10.
Une période incroyable pour une joueuse qu'on savait forte, mais pas aussi forte. 13 victoires d'affilée, des succès sur Aryna Sabalenka, Iga Świątek (X2), Elena Rybakina (X2). Une maestria incroyable pour la nouvelle star du circuit WTA, toujours avide de jeunes joueuses qui renversent l'ordre établi - comme si l'ordre établi était réel dans le tennis féminin.
Mais depuis, comme beaucoup, elle a échoué à faire le Sunshine Double, sortie au troisième tour à Miami par Amanda Anisimova. Une défaite tout sauf désonhorante - l'Américaine avait remporté le premier WTA 1000 de la saison à Doha - mais qui a mis fin à l'état de grâce. Et surtout, qui a marqué les débuts de la rencontre de la Russe avec la vraie pression, celle des toutes meilleures mondiales.
Cela tombe bien, car elle va continuer dans sa découverte, elle qui a encore beaucoup à apprendre : la tournée sur terre battue, un moment toujours particulier de la saison. Mais une période que la Russe a déjà apprivoisé l'an dernier, une période que l'on pourrait d'ailleurs considérer comme son véritable acte de naissance sur le circuit WTA.
Sauf que cette fois, elle revient en tant que favorite, et surtout avec d'énormes points à défendre. Car en 2024, elle a signé un quart de finale au Masters 1000 de Madrid, et surtout une demi-finale totalement inattendue à Roland-Garros. Le tout après avoir battu Jasmine Paolini ou, déjà, Aryna Sabalenka. Le calcul est simple : ce sont au moins 1000 points qui sont en jeu pour elle.
Et 1000 points, s'ils étaient perdus, cela pourrait la faire sortir immédiatement du Top 10. Certes, il faudrait quelques autres résultats en sa défaveur, et certes, ce ne serait pas non plus la fin du monde pour elle, mais on parle d'une joueuse qui a soulevé tellement d'espoirs qu'on n'imagine pas, qu'elle ne puisse pas être n°1 mondiale.
Ce qui ouvre forcément la porte à des comparaisons et à des échelles de valeur. Le dossier le plus ressemblant est celui de Coco Gauff. À 21 ans, l'Américaine a réussi à triompher en Grand Chelem, qui plus est à domicile, et donc à dompter une partie de cette pression qu'elle subit depuis qu'elle est toute jeune. Mais cette première place mondiale se refuse à elle, et son début d'année inquiétant vient remettre en perspective son début de carrière phénoménal.
Les premiers matchs de Mirra Andreeva sur terre vont donc être scrutés de près. Et le sort est coquin, puisqu'elle devait démarrer à Stuttgart par un premier test intéressant face à Marta Kostyuk. Mais l'Ukrainienne a renoncé, et elle affrontera donc une lucky loser, une certaine... Erika Andreeva. Sa sœur aînée, moins talentueuse, mais ce n'est jamais un match comme les autres, comme l'a prouvé leur unique confrontation sur le circuit WTA en octobre dernier à Wuhan.
Ce jour-là, Mirra Andreeva a clairement pris une dégelée. Et un tel résultat n'est pas exclu en Allemagne, même si techniquement, elle est une bien meilleure joueuse de terre battue que sa sœur. Derrière, ce sera Ekaterina Alexandrova en 8èmes, avant probablement Jessica Pegula en quarts, puis Iga Świątek en demie si elle est toujours debout.
Rien ne lui fait peur, puisqu'elle a battu toutes les meilleures joueuses actuelles. Sauf qu'on trouve ça et là quelques défaites qui font désordre, comme celle contre Rebecca Šramková à Doha, Ashlyn Krueger à l'US Open ou encore Magda Linette aux Jeux Olympiques. Et donc celle contre son aînée en Chine. Sans doute ce qui sépare les très grandes joueuses des superstars.
On a donc hâte de voir la suite, parce qu'un tel talent visera forcément le titre à Roland-Garros. À ce sujet, on voudrait voir un affrontement avec Iga Świątek sur terre vu l'ascendant pris par la Russe lors de leur dernière confrontation. Stuttgart, sur terre battue, mais en indoor, offre une transition parfaite vers les prochaines échéances, et si la Russe tient la pression, on pourra admirer sans nul doute une joueuse qui sera une attraction pour les dix prochaines années. Y'a plus qu'à...