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À 3 matchs d'un exploit irréel, Loïs Boisson a-t-elle la carrure pour renverser Mirra Andreeva ?

Stop ou encore pour Lois Boisson ?
Stop ou encore pour Lois Boisson ?Anne-Christine POUJOULAT/AFP

Incontestable révélation de cette édition de Roland-Garros, Loïs Boisson ne se fixe pas de limites, mais il sera toutefois très compliqué pour la Française de se sortir des griffes de Mirra Andreeva.

Le tennis féminin est dans une déprime profonde depuis plus de deux ans. Alors que fin 2022, Caroline Garcia venait de revenir au sommet et de remporter les WTA Finals, les deux saisons suivantes ont été faméliques, notamment parce que sa leader a progressivement décliné, et que personne n'est venu prendre la relève. Ainsi, au moment d'entamer cette édition de Roland-Garros, seule Varvara Gracheva figurait dans le Top 100 WTA (et encore a-t-elle été naturalisée courant 2023). 

Et puis Loïs Boisson est arrivée. Annoncée comme un grand espoir du fait d'une magnifique série de victoires sur le circuit ITF la saison passée, elle a vu son élan fauché par une rupture des ligaments croisés en mai 2024, alors qu'une wildcard lui tendait les bras. Il aura fallu un an pour en arriver là, mais l'attente a été payée au centuple. 

Quatre matchs, quatre victoires, quatre occasions de montrer son jeu puissant et offensif, quoique parfaitement adapté à la terre battue. Capable de frapper aussi fort que de faire tourner la balle, elle a montré de magnifiques capacités d'adaptation, en particulier lors de ce qui est désormais sa victoire référence en 8ᵉ de finale contre Jessica Pegula

Où s'arrêtera Lois Boisson ?
Où s'arrêtera Lois Boisson ?AFP / EnetPulse

Mais commençons par le commencement. Lois Boisson s'appuie d'abord sur une arme indispensable : le service. Lors de ses quatre matchs, elle a remporté au minimum 65 % de points derrière sa première balle, avec une pointe à 83 % face à Elise Mertens ! Une donnée essentielle dans le tennis moderne, tant on peut voir que Aryna Sabalenka, pour ne citer qu'elle, se sort souvent de situations périlleuses grâce à sa première balle.

Avec une vitesse moyenne de première balle toujours autour des 170 km/h, elle a les moyens de ne pas se mettre le feu sur ses mises en jeu. Mais pourtant, elle l'a cédé 5 fois lors de ses deux dernières rencontres. La constance fait les grandes joueuses, et bien évidemment, elle n'a pas encore cette donnée intégrée au système. Néanmoins, son mental est sans doute son arme la plus puissante.

Poussée trois fois au troisième set en quatre matchs, elle n'a jamais craqué, même mise sous une pression extrême par la N°3 mondiale, qui a obtenu pas moins de quatre balles de débreak au moment où la Française servait pour le match. La meilleure arme en Grand Chelem, c'est la tête, et celle de Lois Boisson est bien pleine. 

Mais cela sera-t-il suffisant pour remporter Roland-Garros ? Car on ne dit pas ça par hasard, ce sont les mots de la Française en conférence de presse quand lui était demandé jusqu'où elle pensait aller. "Le plus loin possible, bien sûr. Et pourquoi pas gagner...". Euphorie du moment ou réelle croyance en ses capacités ? Elle ne disait pas grand-chose d'autre après sa victoire au premier tour.

Sauf que pour remporter Roland-Garros, il faudrait battre Mirra Andreeva, puis Coco Gauff ou Madison Keys, puis Sabalenka ou Iga Świątek. Tout un programme. Et la Russe pourrait bien être un mur infranchissable. La Française a d'ailleurs annoncé la couleur en conférence de presse. "Ce n'est pas parce que vous avez battu la n°3 que ce sera facile face à la n°6, ça ne marche pas comme ça."

Non, ça ne marche pas comme ça. Car même si elle a atteint ce classement principalement grâce à ses deux titres en WTA 1000 sur dur à Dubaï et Indian Wells cet hiver, Andreeva a percé sur le circuit l'an dernier avec un quart de finale au WTA 1000 de Madrid, mais surtout une demi-finale ici même, à Roland-Garros, en terrassant en quarts de finale rien de moins que Sabalenka. 

Cette année, elle a dominé Sabalenka en finale d'Indian Wells, Świątek à deux reprises, Elena Rybakina et on en passe. Elle n'aura aucune crainte face à la 381ᵉ joueuse mondiale. Mais surtout, dans ce Roland-Garros, malgré ses 18 ans, elle n'a absolument pas tremblé, avec quatre victoires en deux manches parfaitement maîtrisées, alors qu'elle a affronté des grandes habituées du circuit WTA comme Yulia Putintseva et Daria Kasatkina

La néo-Australienne est sans doute celle qui lui a donné le plus de fil à retordre, puisqu'elle a servi pour emmener le match vers une troisième manche, et même obtenu une balle de set. Avec maîtrise et un mental en acier, la Russe a retourné le match et raflé les trois derniers jeux pour clore les débats. 

Une joueuse qui est déjà à maturité, qui dépasse souvent les 25 coups gagnants par match, qui a une couverture de terrain assez bluffante, et qui possède une très large palette de coups forts. Un coup droit assourdissant, une vraie maîtrise de l'amortie, elle renvoie tout, sait casser le rythme astucieusement via un slice de revers assez gênant : beaucoup d'armes qui l'ont emmenée vers les hauteurs du classement. Un casse-tête sur le papier insoluble pour Boisson. 

Déjà une grande.
Déjà une grande.Profimedia / EnetPulse

Pour être honnêtes, on voit mal comment la Française pourrait remporter ce match. Si sa victoire sur Pegula était impressionnante, il faut tempérer par le fait que l'Américaine est tout sauf une joueuse de terre battue. Un titre cette année à Charleston, et encore, c'était sur terre battue verte américaine, pas la rouge européenne. Une seule finale sur la surface, celle du WTA 1000 de Madrid en 2022, sans battre une tête de série. Et à Roland-Garros, un seul quart de finale, là encore en 2022, comme meilleur résultat.

Il n'est pas question de diminuer la performance de la Française, qui a réalisé un véritable exploit qui va lancer pour de bon sa carrière. Tant sur le plan financier, avec à minima 440 000 euros encaissés pour ce parcours, que sportif, puisque si elle s'incline ce mercredi, elle sera tout de même 121ᵉ mondiale, avec plus de possibilités en termes de tournois à disputer, sans parler de la "hype", du sponsoring, de la popularité et on en passe. De toute façon, son tournoi est déjà réussi. 

Mais toutes les belles histoires ont une fin. Même si pour elle, ce n'est que le début...