On parle beaucoup de régularités pour atteindre les hautes cimes du tennis mondial. De ce point de vue là, Ons Jabeur est présente. Cet après-midi, elle va tout simplement disputer sa troisième finale sur les cinq derniers tournois du Grand Chelem.
Mais la régularité, si elle offre de bons classements, ne garantit pas les titres. Et jusqu'ici, la Tunisienne est à 0/2 dans ces grands rendez-vous. Néanmoins, elle sera la favorite, mais Marketa Vondrousova, qui a déjà connu la finale d'un Majeur voilà quatre ans, pourra jouer libérée, ayant déjà clairement réussi son tournoi. Qui sera le plus impactée par la pression ?
Jabeur, la Ministre veut son bonheur
L'an dernier, Ons Jabeur avait su saisir l'occasion. Jusqu'à la finale, elle n'avait affronté aucune tête de série, mais les matchs, encore faut-il les gagner. Elle avait fait parler la logique et rejoint enfin une finale de Grand Chelem. L'affaire était d'importance, car non seulement elle était la première joueuse africaine à réaliser une telle performance, mais cela lui avait permis d'asseoir sa place dans le gotha du circuit féminin.
Malheureusement, alors que le titre semblait lui tendre les bras, elle avait cédé après avoir remporté le premier set contre Elena Rybakina. Clairement rattrapée par la pression, elle n'avait pas su réagir. Si sa deuxième finale à l'US Open a logiquement été perdue contre Iga Swiatek, elle ne peut franchement pas se permettre un troisième échec d'affilée.
Sauf que la pression, elle sera comme l'an dernier sur ses épaules. Puisqu'elle a battu la favorite Aryna Sabalenka – et pas n'importe comment de surcroit –, perdre contre une adversaire de moindre calibre serait dévastateur, non seulement sur le plan du résultat pur, mais aussi pour le mental de la Tunisienne.
Car elle a consenti beaucoup d'efforts depuis l'an dernier. Pour se relever de sa piteuse élimination au premier tour de Roland-Garros 2022, puis de sa déception en finale ici. Puis du cortège de blessures et de mauvais résultats en 2023. On n'imaginait pas la voir aussi performante ici, mais le gazon est définitivement sa meilleure surface. La "Ministre du bonheur", après avoir ravi ses fans, va devoir en avoir elle-même.
Marketa Vondrousova, la tradition tchèque
Depuis de nombreuses années, on ne cesse de vanter la qualité et la densité du tennis féminin tchèque. C'est bien simple, elles sont 9 dans les 60 premières mondiales : personne ne fait mieux. Le problème, c'est que cela ne se traduit pas par des résultats en Grand Chelem.
Sur les quatre dernières saisons, seulement deux finales de Grand Chelem, les deux à Roland-Garros : Barbora Krejcikova – lauréate en 2021 –, et Karolina Muchova cette année. Un titre donc, et plus globalement, trois au XXIe siècle, avec les deux sacres de Petra Kvitova à Wimbledon.
En attendant que la nouvelle vague menée par Linda Fruhvirtova et Linda Noskova prenne la relève, c'est à Marketa Vondrousova d'améliorer le bilan. Une tâche compliquée, mais ce tournoi a prouvé une chose : elle est enfin en plein renouveau. Et ce n'était pas gagné un an en arrière.
Car à cette époque en 2022, elle était en plein milieu d'un hiatus de 6 mois pour réparer son corps meurtri par les blessures. Une pause entamée après une défaite contre... Ons Jabeur herself. Un état physique qui l'avait mise en galère, alors qu'elle avait enchanté Roland-Garros en 2019, ne cédant qu'en finale contre l'intouchable Ashleigh Barty.
Mais cela vient mettre le doigt sur un autre problème. La Tchèque n'a gagné qu'une seule de ses 5 finales en carrière, la toute première en 2017. La dernière, c'était aux JO, où elle avait craqué contre Belinda Bencic en finale après avoir sorti rien de moins que Naomi Osaka, Paula Badosa et Elina Svitolina. La pression, elle la ressentira elle aussi, car une défaite laisserait un goût amer après qu'elle soit revenue de très loin.
Les clés du match
Du point de vue des confrontations directes, match nul 3-3, mais deux éléments importants ressortent de l'analyse. Premièrement, c'est Ons Jabeur qui a remporté leur unique affrontement sur gazon, en 2021, à Eastbourne. La Tunisienne avait copieusement dominé le match, plus que le score final (6-3, 7-6) ne le laisse supposer, mais elle avait réalisé un affreux 1/13 sur les balles de break. Le genre de statistiques qu'elle ne pourra pas se permettre.
Deuxièmement, elles se sont déjà affronté deux fois cette saison, sur les courts en dur. Et, ô surprise, Marketa Vondrousova a raflé la mise deux fois, à l'Open d'Australie (6-1, 5-7, 6-1), puis à Indian Wells (7-6, 6-4). À chaque fois, elle a su faire déjouer sa rivale, principalement en Australie, où Jabeur avait commis pas moins de 50 fautes directes !
Mais à ce moment-là, la Tunisienne était réellement en crise de confiance et de résultats. Une crise qui s'est – même si elle a atteint les quarts à Paris –, prolongée jusqu'à Londres. Totalement rassérénée sur son niveau, elle débarquera, contrairement à l'an dernier, avec des certitudes nées d'un double succès sur deux des trois meilleures joueuses de la saison.
Sauf que Vondrousova a différents arguments que les deux dernières victimes en date de Jabeur. Moins puissante, elle compense par une variété supérieure, et comme la Tunisienne, elle est une adepte de l'amortie, qu'elle maîtrise parfaitement. L'utilisation de ce coup sera d'ailleurs un point central du match.
Mais le principal aspect du match sera surtout mental. Une de ces deux joueuses soulevera un trophée du Grand Chelem pour la première fois. Et à moins que l'une d'elles ne passe totalement à côté, on devrait voir une vraie bataille psychologique. De ce point de vue-là, le fait que Jabeur ait remonté un set de handicap lui offre un avantage certain. Mais une finale offre un niveau de pression inégalé. C'est à ce prix-là que se gagne un Grand Chelem.
