Loïs Boisson nous aura fait rêver jusqu'au stade des demi-finales de Roland-Garros, quand la numéro 2 mondiale, Coco Gauff, s'est présentée sur son chemin. Sur son chemin, la Française sera parvenue à faire tomber Jessica Pegula, la numéro 3 mondiale, en 8es de finale, et Mirra Andreeva, la numéro 6 mondiale, en quart de finale. Un parcours hors du commun pour la 361e mondiale, elle qui a le mot "résilience" tatoué sur le bras.
Car oui, pour en arriver-là, Boisson a dû faire preuve de sacrifices. Elle qui était une habituée du circuit ITF, elle s'était faite une rupture du ligament croisé antérieur et du ménisque du genou gauche mai 2024, après un excellent enchaînement de 23 victoires sur 24. Un destin tragique et au pire des moments, puisque l’ex-152e mondiale (son meilleur classement) avait été invitée pour disputer Roland-Garros après son titre à Saint-Malo sur le circuit secondaire.
Un an plus tard, elle réalise finalement son rêve, disputer le Grand Chelem français à la Porte d'Auteuil, et ce, en déjouant tous les pronostics. Mais comment expliquer un tel parcours avec, au bout du compte, un accomplissement d'exception ? "Le fait de toucher du doigt une si grave blessure, en se disant que le tennis est peut-être fini, puis de te retrouver un an plus tard et d'être capable de jouer, et surtout, ton rêve, à Roland-Garros, sur le central, tout ça te fait savourer et relativiser énormément ! Ça permet de se libérer et d'être beaucoup plus à l'aise et plus performante sur le terrain", nous explique Pier Gauthier, l'ancien préparateur mental de la Française.
Accepter son sort pour mieux se relever
Qu'on ait 21 ans, comme Loïs Boisson au moment de sa blessure, ou la trentaine passée, une blessure aux LCA n'est jamais facile à gérer, et ce, encore moins pour des joueurs et des joueuses de tennis où les appuis sont primordiaux. Mais quand on a des rêves, pas le choix, il faut savoir se relever.
"Le plus important pour un sportif dans ce genre de moment, c'est l'acceptation et troquer avec tout ce qui se passe, qui peut se passer, c'est-à-dire que plus, on accepte tous les aléas d'un résultat, en l'occurrence celle du sportif de haut niveau, plus on sera à l'aise, libéré et tranquille sur le terrain et cela jouera pour beaucoup sur les performances des athlètes", raconte Gauthier.
Pas le temps d'appréhender une possible situation négative donc, il faut accepter tout ce qu'il peut se passer : "donc là (sa blessure subie), bien évidemment, c'est un aléa de la vie. La seule chose qu'on peut faire, en tant que préparateur mental, c'est déjà d'être là, être présent, comprendre, être bienveillant et puis ensuite dire que ça fait partie de la vie, que le truc, ça ne s'arrête pas là. Quand on a une blessure comme ça, ce sont des choses qui peuvent arriver fréquemment. Ce n'est peut-être pas le bon mot, mais ça arrive régulièrement dans le sport de haut niveau, des blessures plus ou moins longues. Et surtout, le plus important, il y a moyen que ça se passe bien. On peut revenir et profiter de ces moments-là pour surtravailler sur d'autres aspects."
Dédramatiser l'événement pour se libérer sur le court
Pour battre comme elle a battu Jessica Pegula et Mirra Andreeva, il faut savoir être libéré mentalement. Face à Coco Gauff, l'écart était beaucoup trop grand, sans doute la marge de progression à aller chercher pour Boisson à l'avenir. Écart de niveau, gestion des émotions, la Française n'a que 22 ans et ne peut que continuer à progresser. Surtout, celle qui va entrer dans le top 70 lundi prochain a montré savoir dédramatiser l'événement, le court central, le public, pour réaliser deux exploits de suite.
"Cette épreuve, cette blessure, l'a forcément aidé. Quand on sort de ce truc-là, on met beaucoup à profit pour travailler d'autres aspects. J'ai lu ça et j'ai entendu qu'elle avait bossé d'autres aspects (surtout physique). Elle a donc appris d'autres choses, elle s'est renforcée et puis elle a aussi, elle s'est aussi rendue compte que finalement, voilà, il y avait une vie en dehors du tennis et de penser qu'à un moment donné, la carrière va s'arrêter", poursuit-il.
"Puis neuf mois plus tard, vous vous retrouvez sur le terrain, vous sentez que vous pouvez courir à nouveau... Et tout ça, ça fait forcément relativiser et dédramatiser la pression des événements majeurs. Ça permet tout simplement de remettre le tennis à sa place. Je raconte souvent ces anecdotes à mes athlètes : beaucoup font des performances vraiment super dans des moments très durs, car ils arrivent à relativiser, à dédramatiser l'événement, à être prêts à tout et comme ils sont prêts à tout, ils jouent beaucoup mieux, ils se libèrent beaucoup plus."
Roland-Garros 2025, un épiphénomène dans la carrière de Boisson ?
Oui, Loïs Boisson a réalisé l'exploit d'arriver en demi-finale de Grand-Chelem en étant à la 361e place mondiale, mais la logique, à présent, n'est pas de réitérer cela. Le plus important maintenant pour la joueuse française, c'est de réaliser ce qu'elle a pu atteindre, le niveau qu'elle a joué et l'exploit réalisé. Et surtout, pour continuer à grandir et à apprendre de cette belle expérience, il sera important de garder les pieds sur-terre au moment de gérer l'attente autour d'elle.
"Il peut y avoir différentes façons de vivre la chose et de gérer celle-ci, explique Gauthier. Là, il faudra voir ce que ça va générer en elle : est-ce que ça va provoquer du stress ou, a contrario, est-ce que ça va générer une très grande confiance en elle ? Il faut donc l'accompagner, il faut être là, il faut pouvoir en parler, pouvoir en discuter, voir si elle le vit bien. Et si elle le vit bien, on crée les bonnes choses. Mais si c'est difficile pour elle, l'aider à détricoter un petit peu tout ça, et, au moins, en parler pour que ça se vive le mieux possible."
"Maintenant, s'il y avait une recette magique, on le saurait depuis longtemps. Tous les sportifs qui font des super performances continueraient à faire des super performances la semaine d'après, puis celles d'après, et ce n'est pas le cas, il peut se passer de tout, donc il faut l'accompagner, il faut discuter sur ces sujets-là, et veiller à ce qu'elle garde le bon cap. Parce que quand on garde le bon cap, on fait ce qu'il y a à faire. Prenez l'exemple d'Andreeva, elle a perdu le fil, pour le coup, de son quart de finale, et donc tout sixième mondial qu'elle est, quand elle perd le fil, elle passe à côté de son match : donc c'est pareil pour tout le monde", conclut-il.
Epiphénomène ou vraie star à en devenir ? L'avenir nous le dira. En tout cas, en entrant dans le top 70, Loïs Boisson peut désormais disputer des Grand Chelem sans passer par des parcours du combattant. Et le prochain sera Wimbledon. À voir comment elle parvient à répondre à l'herbe du "All England Lawn Tennis Club".