Si une blessure avait privé le jeune prodige de ses débuts porte d'Auteuil en 2004, Nadal a remporté dès l'année suivante le premier de ses quatorze titres record sur l'ocre française.
A l'époque, George W. Bush était président des États-Unis, le pape s'appelait Jean-Paul II et Leo Messi commençait à faire le bonheur des équipes de jeunes du FC Barcelone. Quel sportif peut prétendre avoir aussi longtemps régné dans son domaine que Nadal à Roland-Garros ?
"Ici, je me sens à la maison, résumait le champion espagnol auprès de l'AFP en 2021. Quand j'arrive, je ressens une joie particulière."
Avec seulement quatre matches perdus en 116 joués, soit 96,5% de succès, il n'y a pas d'égal à la réussite de Nadal à Roland-Garros.
L'image du Majorquin de 38 ans, mordant la Coupe des Mousquetaires à pleines dents, est devenue un classique : cheveux longs, ébouriffés, courts, plaqués, clairsemés...
Au début de la folle aventure parisienne de Rafa, il y a pourtant eu une bronca.
Retour en 2005. Cheveux mi-longs, pantacourt et T-shirt sans manches exhibant ses biceps, le jeune Espagnol, qui va fêter ses 19 ans pendant la quinzaine, joue son premier Roland-Garros.
En huitièmes de finale, il affronte Sébastien Grosjean. Un désaccord entre le n°1 français de l'époque et l'arbitre, qui refuse de descendre de sa chaise pour vérifier la marque d'une balle annoncée faute, enfièvre le public du Central. Pendant neuf minutes, sifflets et huées dégringolant des tribunes interrompent le jeu.
"Heureux"
Depuis, la cote d'amour de Rafa à Roland-Garros a grimpé en flèche, illustrée par la longue ovation reçue en 2022, à une heure du matin passée, au bout de son épatante victoire contre Novak Djokovic en quarts de finale.
"J'ai des souvenirs incroyables pour toute la vie. Depuis la première fois que je suis venu ici, c'est une histoire d'amour avec ce tournoi, décrivait-il après son onzième sacre en 2018. Ce n'est pas seulement lié à mes victoires, mais aussi à tous les gens qui travaillent pour ce tournoi. Je me sens très proche d'eux tous."
Interview après interview, Nadal l'a répété : à ses yeux Roland-Garros est "le tournoi le plus important de la saison".
Après chaque triomphe à Paris, "quoi qu'il se passe le reste de la saison, elle est réussie et je me sens un peu plus détendu, assurait l'homme aux 22 titres du Grand Chelem. Si je gagne d'autres tournois, ça compte aussi. Mais tout se résume à gagner le titre à Roland-Garros, que ce soit le huitième, le dixième ou le onzième. C'est ce qui me rend vraiment heureux."
"Sensation unique"
Son endroit préféré porte d'Auteuil ?
"J'aime le vestiaire, les moments qu'on y passe avant et après les matches, répond-il à l'AFP. La préparation, la concentration, la douche. Je m'y sens bien, je le connais bien. Ça me rassure de me retrouver avant les matches dans des endroits où je suis venu tellement de fois. Quand on entre sur le Central, c'est une sensation unique."
"Il y a un truc spécial entre lui et ce Central (...)", où il sera honoré dimanche, confirme auprès de L'Equipe l'ex-joueur suisse Marc Rosset. "Il est passé par des moments compliqués, des triomphes, il a tiré des passings de malade... En fait (...) quand il revient sur ce terrain, c'est comme si cette terre le soignait, le régénérait".
Pour le n°3 mondial Alexander Zverev, "il y a quelque chose avec ce court qui le fait jouer 30% mieux. Tout à coup, son coup droit va 30 km/h plus vite, il est plus léger dans son déplacement", estimait l'Allemand en 2022.
"Tout ce qui m'est arrivé dans ce tournoi est magique", s'émerveillait Nadal une fois la "décima" atteinte en 2017.
"Je ne sais pas si je connaîtrai un jour quelqu'un qui fera mieux que moi. C'est vrai que c'est sans précédent. Croyez-moi, je suis très heureux d'être celui qui y est parvenu."