Flashscore : Vous dirigez la Hopman Cup, une compétition qui souffre d'un manque de continuité et qui a été annulée en 2022 et 2024. À quelles nouveautés pouvons-nous nous attendre ?
Iva Majoli : Cette année, la Hopman Cup se disputera en Italie, à Bari. Comme vous le savez, elle a eu lieu de nombreuses années en Australie. Mais avec la création de la United Cup qui est venue en Australie, la Hopman Cup n'y avait plus sa place. Alors nous avons décidé de l'emmener en Europe et nous avons réalisé un bon départ à Nice, en 2023. Malheureusement, l'année olympique a été un problème. L'édition 2024 devait avoir lieu la semaine avant les JO. Or l'équipe française devait être dans le village olympique au même moment, donc nous avons décidé de sauter l'année 2024 malgré la réussite en 2023.
Nous avons aussi décidé de chercher un nouveau lieu et nous avons senti que l'Italie était le bon endroit pour le faire, grâce à la génération actuelle transalpine. C'est tout simplement incroyable ! Bari est un endroit formidable et c'est le meilleur moment pour aller dans les Pouilles, une région vraiment belle, très populaire mais sans trop d'événements organisés sur place. C'est une première édition, ce n'est jamais facile de faire quelque chose de nouveau dans une nouvelle région, dans un nouvel endroit, avec de nouvelles personnes mais, vous savez, après cette première année, je suis sûre que ce sera plus facile ensuite.

Les Pouilles sont dans le sud de l'Italie : craignez-vous la chaleur ?
Oui, les étés en Europe sont devenus tropicaux et ressemblent plus aux étés asiatiques. En 2023 à Nice, nous avons eu des températures supérieures à 40°. C'était très surprenant, donc nous avons décidé de commencer les matchs un peu plus tard cette année.
Plusieurs grands joueurs ont déjà annoncé leur venue comme Jasmine Paolini ou Stefanos Tsitsipas. Qui d'autre pourrait être présent ?
Nous avons Arthur Fils, Félix Auger-Aliassime, Bianca Andreescu donc nous avons un bon groupe de joueurs. Vous savez, on ne sait jamais comment ça va se passer, mais je pense qu'avec l'équipe italienne qui est forte et beaucoup d'autres joueurs de haut niveau qui participent, nous allons avoir une compétition réussie. La Hopman Cup a toujours été spéciale pour les joueurs. Je peux le dire d'après mon expérience : je l'ai gagnée avec Goran Ivanišević et c'est quelque chose de particulier quand vous jouez pour votre pays dans un tournoi que vous ne jouez pas souvent. La plupart des joueurs aiment vraiment jouer cette compétition. Nous savons que Carlos Alcaraz a vraiment apprécié et il a dit qu'il voulait revenir.
Est-il difficile de réinstaller une compétition comme la Hopman Cup et de convaincre des joueurs ont beaucoup de discussions sur le calendrier et les nombreux tournois ?
La Hopman Cup reste une compétition légendaire, ce n'est pas un événement régulier et je pense que les joueurs l'apprécient toujours autant et qu'ils aiment vraiment représenter leur pays et faire quelque chose de différent en dehors du circuit régulier. Mais oui, la saison est longue, les Masters 1000 sont devenus des événements de deux semaines et ce n'est pas facile pour les joueurs.
Nous étions à Montpellier pour la présentation du tournoi ATP 250 en février dernier et Sébastian Grosjean disait l'organisation d'un ATP 250 était délicate, surtout une semaine après la fin de l'Open d'Australie. La Hopman Cup sera après Wimbledon, est-ce difficile de ce point de vue ?
Oui, comme nous l'avons dit, il n'y a pas de semaine parfaite au cours de l'année civile parce qu'il y a beaucoup de travail et que les joueurs terminent leurs tournois très tard. Si vous êtes un joueur de haut niveau, vous jouez encore en novembre et, le mois suivant, vous êtes déjà de retour en Australie pour un tournoi du Grand Chelem. Il n'y a pas beaucoup de semaines libres. Comme je l'ai dit plus tôt, je pense qu'ils respectent toujours cet événement, qu'ils aiment l'esprit d'équipe, qu'ils aiment représenter leur pays et que c'est un peu plus détendu. Les joueurs veulent toujours gagner, mais sur une compétition comme la Hopman Cup, ils peuvent profiter un peu plus de la compagnie des autres. C'est ce qui rend cet événement si spécial.
Il n'y a donc pas eu de Hopman Cup l'année dernière. Pensez-vous qu'il soit possible d'installer une Hopman Cup tous les deux ans ou souhaitez-vous toujours en organiser une tous les ans ?
Pour l'instant, nous voulons toujours l'organiser chaque année et je serais très heureuse de voir aussi une Hopman Cup "Legends", parce que j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de joueurs retraités qui voudraient la jouer. J'aimerais que cela se combine avec la Hopman Cup "régulière". J'espère que nous pourrons l'organiser chaque année. Nous espérons que cette année sera un succès et que l'année prochaine, ce sera beaucoup plus facile. Cette édition 2025 est pleine de défis. Si nous y parvenons, nous aurons une bonne vente de billets, en particulier pour les matches en Italie, et si tout se passe comme nous le souhaitons, je pense qu'il n'y a aucune raison de ne pas le faire l'année prochaine.
Est-il prévu de l'installer en Italie pour une très longue période ?
Je l'espère. Ce serait bien de ne pas changer d'endroit mais, comme je l'ai dit, il y a beaucoup d'endroits qui aimeraient accueillir la Hopman Cup. Pour l'instant, nous sommes en Italie et nous espérons bien rester en Italie.
Sera-t-il possible de gagner des points dans les classements WTA et ATP lors de la compétition ? On sait que cette question a provoqué la fin de l'ancien format de la Coupe Davis.
Pour l'instant, non. Cela nous aiderait beaucoup si nous pouvions obtenir des points pour cet événement. Je pense que cela apporterait un autre niveau à la compétition. C'est vraiment une chose que je veux encourager, mais pour l'instant, c'est sans points.

Vous avez remporté Roland-Garros en 1997. Cette année, hormis la finale, le tournoi messieurs a été de moindre qualité que le tournoi dames : le circuit WTA mérite plus d'égards vu la densité actuelle ?
J'ai été très heureuse de voir deux telles joueuses en finale, car il arrive souvent que l'une soit une joueuse de premier plan et l'autre une outsider, et nous avons souvent vu malheureusement des finales très courtes. Mais cette année, c'était différent. Ce n'était peut-être pas le meilleur match, mais c'était quand même très divertissant et très serré. C'est mérité pour Coco Gauff. Elle a joué un tournoi extraordinaire tout au long des deux semaines. En ce qui concerne les hommes, il n'y a pas grand chose à dire, la finale était juste un thriller avec Jannik Sinner qui a eu trois balles de match avant que Carlos Alcaraz ne gagne. C'était juste un match incroyable, très long, très tendu. Je pense que les gens en ont eu pour leur argent.
Quel est votre avis sur le circuit WTA actuel ? Depuis le début de la saison, il y a eu beaucoup de lauréates différentes, une bonne part d'incertitude dans chaque tournoi, contrairement à l'ATP où il y a deux joueurs qui semblent vraiment au-dessus. L'incertitude du circuit WTA le rend-il plus passionnant ?
Oui, je pense que cela a été un grand changement dans le tennis féminin. Chaque tournoi est vraiment excitant, il y a tellement de nouvelles joueuses qui arrivent tout le temps, personne n'est sûre d'atteindre les demi-finales ou la finale. C'est un grand changement dans le tennis féminin, la densité est devenue beaucoup plus importante et tout le monde peut battre tout le monde. C'est ce qui rend le tennis super excitant. Chez les hommes, ça peut arriver mais, la plupart du temps, on voit les principales têtes de série qui vont jusqu'à la fin du tournoi. Cela a a été un grand changement et je pense qu'il y a beaucoup de personnalités différentes, ce qui rend le circuit WTA bien plus divertissant.
Vous avez, vous aussi, fait partie d'une génération ultra compétitive que Steffi Graf dominait...
Je dois dire que l'époque à laquelle j'ai joué était probablement la meilleure époque du tennis féminin. Vous aviez 20 ou 30 filles qui étaient des superstars avec une variété différente de jeu. Chaque fille jouait un tennis différent. Vous aviez Monica Seles, Lindsay Davenport, Jennifer Capriati, Jana Novotna, Steffi Graf, Kimiko Date, Amélie Mauresmo, Martina Hingis, Venus et Serena Williams qui ont presque mon âge, Anna Kournikova. Tant de grands noms ! Pour moi, la seule chose qui manque aujourd'hui dans le tennis féminin, c'est la variété. J'ai l'impression que si le plan A ne fonctionne pas, il n'y a pas vraiment de plan B. J'aimerais voir plus de variété dans le jeu sur le circuit féminin.
En 1997, vous avez empêché Martina Hingis de remporter les 4 Majeurs la même année. Presque 30 ans plus tard, le Grand Chelem calendaire n'a toujours pas été accompli...
Roland-Garros a été mon tournoi préféré toute ma vie, mais je pense que gagner sur la terre battue, c'est spécial pour tout le monde. Pour moi, c'est le Grand Chelem le plus difficile à gagner, car c'est beaucoup de travail, ce sont de longs points, de longs sets, de longs matchs. Pour sa carrière, Martina Hingis méritait de gagner Roland-Garros parce qu'elle était vraiment unique en son genre, un tel talent.
Considérez-vous que vous avez eu de la chance de pouvoir gagner un Grand Chelem à cette époque ? Comme vous l'avez dit, il y avait beaucoup de stars et vous avez réussi à en gagner un, ce que de nombreux grands joueurs et grandes joueuses n'ont jamais réussi à faire...
Oui, c'est sûr. Nous en avons souvent parlé entre joueuses et nous nous sommes dit que s'il n'y avait pas certaines joueuses, nous aurions pu peut-être gagner plus de tournois. Mais beaucoup de joueurs aujourd'hui pensent sûrement que s'il n'y avait pas eu Novak, Roger et Rafa, ils auraient aussi pu remporter un Grand Chelem. Chaque époque a ses meilleurs joueurs. Je suis heureuse d'avoir pu battre la plupart des filles, je crois que j'ai battu tout le monde à cette époque, sauf Steffi Graf. Le meilleur résultat que j'ai eu contre Steffi, c'était en 1/8 de finale à Roland Garros, je crois que j'avais 16 ans et c'est la seule fois où j'ai été très, très heureuse d'être battue ! C'est la seule fois où c'était très serré; tous les autres matchs, elle les a gagnés très facilement.
Mais vous savez, gagner contre Monica (Seles), Jennifer (Capriati) et toutes ces joueuses de haut niveau, c'était incroyable. Chaque époque apporte quelque chose de spécial et je pense que notre époque a apporté beaucoup. Elle a aidé la génération actuelle à grandir et à construire beaucoup de nouvelles choses. Et cette génération apporte elle aussi quelque chose de nouveau au jeu. C'est une ère complètement nouvelle, avec les plateformes digitales, Instagram etc. Il y a beaucoup de publicité dans les médias, ce qui rend les choses plus difficiles parce que chaque étape est suivie. Il y a beaucoup de pression sur ces jeunes joueuses aujourd'hui, beaucoup plus que nous n'en avions.
Vous êtes passée pro très jeune et ce n'était pas évident à cette époque. Aujourd'hui, c'est devenu une sorte de norme. C'est une obligation d'arriver tôt sur le circuit féminin ?
Oui et non. Aujourd'hui, les filles ont des carrières plus longues parce qu'elles commencent peut-être à obtenir de bons résultats plus tard, mais si vous avez un super talent comme Mirra Andreeva, les résultats arrivent aussi plus tôt. Coco Gauff a déjà fait parler d'elle sur le circuit quand elle avait 15-16 ans, donc je pense que si les bonnes joueuses sont bonnes, elles laisseront leur marque quoi qu'il arrive. Mais d'un autre côté, je préfère peut-être ces filles qui jouent plus longtemps et qui commencent un peu plus tard. Elles sont plus mûres et on voit maintenant des filles qui jouent à 33, 34 ou 35 ans, alors qu'à mon époque, la plupart d'entre nous prenions notre retraite à la fin de la vingtaine ou au début de la trentaine... et c'était déjà très tard !
Vous ne regrettez donc pas d'être devenue professionnelle dès l'adolescence ?
Non, pour moi, ce n'est pas un regret. J'ai gagné le Championnat d'Europe des moins de 14 ans quand j'avais 12 ans, j'ai commencé à jouer en professionnel dans quelques petits tournois et j'ai senti que je pouvais réussir dans les tournois plus importants. Je pense que j'ai peut-être eu besoin d'une ou deux bonnes années supplémentaires pour continuer à bien m'entraîner et pour durer plus longtemps, mais c'est difficile quand vous commencez à avoir de bons résultats et que vous continuez. Mais oui, c'est dans les deux sens. Parfois, on a l'impression qu'il nous manque un peu de temps, que tout ne fonctionne pas comme on le veut mais on ne peut pas revenir en arrière.
Que pensez-vous des critiques autour de Carlos Alcaraz qui est allé à Ibiza pour fêter son titre à Roland-Garros et qui a clairement expliqué qu'il avait besoin de relâcher un peu la pression après un Grand Chelem ? Cela semble juste normal pour un joueur de 21 ans...
Je suis d'accord, tout le monde est différent et on ne peut pas le comparer à Nadal par exemple. On peut peut-être comparer les résultats, mais pas les personnalités et les gens. Tout le monde est différent. J'ai regardé le documentaire à son sujet sur Netflix et je l'ai apprécié. Il a montré son visage, qui il était et il ne peut pas jouer quand il y a tant de pression sur lui. Il est le plus performant quand il est détendu et quand il le fait à sa façon. Au bout du compte, il est humain, c'est un jeune homme qui fait quelque chose d'incroyable et non, ce n'est pas une personne normale. Je ne le juge pas mais nous savons que beaucoupe de gens aiment juger et, quand un ou deux événements ne se déroulent pas comme tout le monde l'espérait, ils commencent à critiquer à tort et à travers. Mais quand on regarde en arrière et qu'on voit ce qu'il a accompli à 21 ans, je crois que tout le monde devrait se taire.
Katie Boulter s'est ouverte récemment sur tout ce qu'elle reçoit en ligne, à savoir des commentaires, des menaces de mort, etc. Elle n'est pas la première à s'ouvrir à ce sujet. Nous savons que la plupart de ces problèmes concernent les paris sportifs, ce qui est une chose, mais l'ATP et la WTA ont des partenariats avec des sites de paris. Qu'en pensez-vous ?
J'ai entendu quelques autres joueuses dire qu'elles avaient eu les mêmes menaces après que des parieurs ont perdu et ont écrit toutes ces choses horribles. Il est difficile pour moi de commenter tout cela parce que je ne suis pas tellement impliqué dans ce domaine. Je pense que les associations devraient voir ce qui est bon et ce qui n'est pas bon pour les joueurs et les joueuses, avec qui ils devraient s'associer ou pas pour le bien-être des athlètes.
Cela n'existait pas à votre époque, mais est-ce quelque chose qui aurait pu vous effrayer si vous aviez joué aujourd'hui ?
Recevoir toutes ces menaces, vous savez, peu importe si vous gagnez ou perdez, je suis sûre que ce n'est pas agréable.
En France, votre compatriote Ivan Ljubičić travaille avec la Fédération Française. À quel point est-il difficile de travailler sur la planification avec de jeunes joueurs ? Il semble qu'il abeaucoup d'idées mais qu'il a du mal à les exposer et à les mettre en oeuvre...
Ivan est un de mes amis. Ce n'est pas facile, la Fédération Française est importante, je suis sûre qu'il y a beaucoup d'opinions et je pense qu'Ivan, avec son expérience, veut vraiment construire une grande équipe et aider les jeunes à grandir, à apprendre et à faire du mieux possible. J'espère qu'il y parviendra. Je pense que, parfois, c'est bien d'avoir un étranger pour changer les idées. Je parle souvent avec Ivan et maintenant que Richard Gasquet prend sa retraite, peut-être se joindra-t-il à lui. Ils auront de bonnes personnes autour desquelles travailler et faire un bon plan pour les jeunes qui arrivent, parce que la France mérite à nouveau de grands noms comme Mary Pierce, Marion Bartoli ou Richard.
Qui aimeriez-vous voir gagner un Grand Chelem de nos jours ?
J'aimerais que Donna Vekić gagne un Grand Chelem, qu'elle gagne sur la terre battue de Roland-Garros. Ce n'est pas sa surface préférée, mais elle est là depuis longtemps, elle est passée très près l'année dernière à Wimbledon, et je la considère presque comme ma fille.
Comment se porte le tennis croate en ce moment ?
Je pense que c'est un peu difficile de nos jours. Nous sommes habitués à avoir de très bons joueurs et vous faites plaisir à tout le pays en ayant toujours de bons résultats. Mais je en ce moment, on manque de profondeur. Nous avons Donna qui est dans le Top 30 mais ensuite nous sommes assez loin du Top 50, hommes et femmes confondues. J'espère que nous aurons quelqu'un qui entrera dans le Top 50 très bientôt en plus de Donna.