Depuis 2020 et l'instauration du nouveau circuit mondial du tennis de table – l'ITTF World Tour cédant sa place au World Table Tennis –, jamais un Français n'avait remporté une compétition du prestige d'un Contender. Seul Simon Gauzy avait triomphé au WTT Feeder Panagyurishte début septembre, mais le niveau était bien moins relevé.
Ce dimanche, en battant Dimitrij Ovtcharov (n°9 mondial) 11-4, 5-11, 15-13, 14-12, 8-11, 9-11, 12-10 en finale, Félix Lebrun a marqué le "ping" français. Au-delà de son superbe niveau de jeu qu'il affiche d'ailleurs depuis plusieurs mois maintenant, il a accompli une sacrée performance. Son adversaire allemand lui a posé beaucoup de problèmes, notamment sur le plan mental, ne lâchant que des miettes.
En effet, le pongiste de 17 ans (né le 12 septembre 2006) a mené 3-1, puis s'est fait pousser jusqu'à la manche décisive. Il s'est accroché et n'a pas perdu ses moyens pour être sacré à Antalya. D'ailleurs, l'une de ses grandes forces réside justement dans la tête. Au fil des semaines, il n'a cessé de progresser sur le circuit mondial, parvenant à battre certains des meilleurs joueurs du monde. Son dernier exploit : avoir battu Hugo Calderano, n°4 mondial, en trois sets samedi lors du quart de finale : 11-9, 11-6, 11-6.
Et, si l'on va plus loin, il faut se rendre compte que "Féfé" n'a perdu que deux matches depuis sa victoire aux Jeux européens fin juin. Seuls Zhou Qihao (23ᵉ mondial) et Ma Long (3ᵉ mondial et considéré comme le plus grand pongiste de l'histoire) l'ont battu. C'était déjà lors de deux WTT Contender, le deuxième échelon mondial en termes de catégories de tournois. Par ailleurs, à Antalya, il manquait certains des meilleurs joueurs du monde, mais cela n'entache en rien le triomphe de l'actuel 14ᵉ joueur au classement ITTF.
Un talent générationnel
Double champion de France minime (2018 et 2019), puis champion de France cadet (2020) et champion de France junior (2022), Félix Lebrun est un grand espoir du ping depuis de nombreuses années. Néanmoins, le voir aussi fort à seulement 17 ans n'était certainement pas attendu, tant les Français n'ont pas particulièrement brillé depuis la fin de la génération Patrick Chila.
Il ne faut cependant pas omettre le titre de champion d'Europe d'Emmanuel Lebesson en 2016 qui avait triomphé de Gauzy en finale. En revanche, ils étaient bien moins précoces que les frères Lebrun, car Félix a un grand frère, Alexis, 20 ans, qui s'est particulièrement distingué ces deux dernières années. L'aîné est double champion de France en titre, est actuellement 18ᵉ mondial et a battu Fan Zhendong cette saison, n°1 mondial à ce moment-là.
Au-delà de ses qualités techniques, physiques et mentales, que "Féfé" atteigne un tel niveau à son âge est quelque chose d'incroyable, dans un sport où les Européens peinent à concurrencer les Asiatiques, encore moins aussi jeune. L'aventure ne fait que commencer mais le potentiel du n°1 français semble presque illimité. Lui qui joue en prise dite "porte-plume", qui fut pendant longtemps celle des joueurs chinois notamment, possède une dextérité incroyable au niveau du poignet et de la main.
Techniquement, il est très talentueux, grâce à un toucher impressionnant. Instinctivement, il sait tout faire, même s'il a énormément travaillé pour en arriver là, lui qui pratique le tennis de table depuis l'âge de trois ans. Et lorsqu'on voit que, sur le plan mental, il se rapproche des meilleurs, c'est d'autant plus remarquable car c'est un domaine dans lequel les pongistes tricolores n'ont pas été particulièrement bons ces dernières années.
La maturité qu'il dégage vient de là. On a l'impression qu'il comprend le ping avant tout le monde et sa victoire ce dimanche en est le parfait exemple. Nul doute que d'ici neuf mois et les Jeux olympiques de Paris, il risque de progresser encore, laissant entrevoir l'espoir d'une médaille historique pour le tennis de table français.
