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Le tennis français a désespérément besoin d'un titre prestigieux en 2025

Arthur Fils et Ugo Humbert, les deux meilleures cartes françaises.
Arthur Fils et Ugo Humbert, les deux meilleures cartes françaises.Philip FONG / AFP
Des promesses, mais pas de grands trophées. Le tennis français ne parvient pas à jouer les premiers rôles, et 2025 doit voir les Bleu(e)s relever le gant pour aller chercher un titre de valeur. Grands Chelems, Masters ou WTA 1000, compétitions par équipes, les occasions ne manqueront pas.

D'abord, un bilan chiffré. Il y a eu des titres pour le tennis français sur les dix dernières années. Beaucoup de trophées raflés aux niveaux ATP / WTA 250 ou 500. Rien que l'an dernier, quatre sacres en ATP 500 pour Ugo Humbert, Arthur Fils (deux fois) puis Giovannni Mpetshi Perricard. Mais quand on commence à chercher au très haut niveau, cela se compte sur les doigts.

Et ils sont quasiment tous l'oeuvre de Caroline Garcia. 3 WTA 1000 (Wuhan et Pékin 2017, Cincinnati 2022), plus les WTA Finals 2022 lors de sa saison de résurrection. Elle a également joué un rôle dans le sacre en Fed Cup en 2019. Côté masculin, c'est la soupe à la grimace. On ne trouve que la victoire en Coupe Davis en 2017, l'époque de l'ancienne formule. Et c'est tout. 

Sur dix saisons (même si une a été amputée par le Covid), cela fait bien maigre pour un pays dit "de tennis". La France organise un Grand Chelem, un Masters 1000, 1 WTA 500, 4 ATP et WTA 250. Un sacré total dépassé par peu de pays. Mais les infrastructures, cela ne fait pas tout. Pourtant, en terme de densité, en tout cas chez les hommes, la France n'a que peu d'équivalente avec pas moins de 12 membres du Top 100. Personne ne fait mieux (mais seulement trois chez les femmes). 

Ce manque de densité a déjà coûté à la France une chance en équipes mixtes en United Cup, compétition dans laquelle, aux côtés d'Humbert, le staff a aligné Chloé Paquet, 121e mondiale, après le forfait de Diane Parry. Résultat : une élimination propre et nette au premier tour, l'United Cup 2025 prenant fin pour les Bleus... en 2024. 

Néanmoins, cette densité chez les hommes n'a rien changé en ce qui concerne la Coupe Davis. Depuis l'avènement de la nouvelle formule en 2019, jamais la France n'est sortie du tour principal pour aller jouer les phases finales. C'est encore pire pour les femmes, puisque si la France a vu le dernier stade depuis son ultime sacre en 2019, elle vient tout simplement d'être reléguée du Groupe Mondial pour la deuxième fois seulement de son histoire.

Pour les compétitions par équipes, cela sent le sapin d'entrée de jeu. Et si l'on passe en individuel, la situation est claire obscure. Chez les femmes, on peut ranger les cotillons, puisque Caroline Garcia, toujours la Française la mieux classée malgré deux saisons ratées, est en dehors du Top 50. Aucune éclaircie, les grands espoirs Diane Parry et Clara Burel ne confirment pas réellement, la relève (Léolia Jeanjean, Elsa Jacquemot...) ne parvient pas à décoller, et si Ksenia Efremova représente l'avenir, à 15 ans, il va falloir encore patienter avant qu'elle ne tente de sauver le tennis féminin français. 

Tous les espoirs se concentrent donc chez les hommes. Logique, puisqu'avec Ugo Humbert et Arthur Fils, la France compte deux éminents représentants dans le Top 20. Sans compter donc Giovanni Mpetshi Perricard, qui entame à peine son ascension et promet énormément. Ces joueurs ont prouvé leur valeur aux niveaux 250 et 500, mais comment imaginer qu'ils prennent un Masters 1000 ou un Grand Chelem ?

C'est pourtant ce qu'a failli faire Ugo Humbert lors du dernier Masters 1000 de la saison, à Bercy. Et en y mettant la manière, puisque sur son parcours vers la finale, il s'est tout simplement payé Carlos Alcaraz. Avant d'assumer son statut de favori sur les deux matchs suivants pour devenir le premier Français finaliste en Masters 1000 depuis Gaël Monfils à Monte-Carlo en 2015. Une éternité. Et il est passé à côté de l'évènement, mangé par l'enjeu, n'inscrivant que quatre jeux contre Alexander Zverev

Deux lectures possibles : le fait que les Bleus aient vu que ce genre de parcours soit envisageable dans le cadre d'un one shot, ou alors le fait que l'on sache que ce Masters 1000, avec la fatigue de fin de saison, les forfaits, la surface dure qui nivelle les matchs en faveur des gros serveurs, offre une ouverture à ces derniers, ouverture saisie à moitié donc par le Français. Chacun choisira son camp, mais trois finales de Masters 1000 sur les dix dernières années (Tsonga en 2015 à Shanghaï pour la troisième), c'est maigre.

Et quand on parle de Grand Chelem, le bilan est famélique sur les dix dernières saisons. Tsonga à Roland-Garros et Richard Gasquet à Wimbledon en 2015, Monfils à l'US Open en 2016, et Lucas Pouille à l'Open d'Australie 2019. Quatre demi-finales seulement, toutes perdues, la finale de Tsonga en Australie en 2008 restant la dernière d'un Français en Grand Chelem. Famélique pour un pays de tennis. 

On peut avancer les excuses que l'on veut, notamment le Big Three qui a trusté tous les titres. Mais au moment de prendre la suite des trois légendes, aucun Bleu n'était dans la file. Le circuit appartient désormais à Alcaraz et Jannik Sinner, qui ont raflé tous les Grands Chelems la saison passée. Mais ces excuses ont-elles un sens au niveau Masters 1000, quand on sait que des joueurs comme Jack Sock, Fabio Fognini, Pablo Carreño Busta, Borna Ćorić, Alexei Popyrin ou Cameron Norrie en ont inscrit un à leur palmarès ? Sachant qu'aucun d'entre eux n'a été mieux classé que 8e mondial, un rang souvent atteint après le titre susmentionné ?

Chez les femmes, le tableau est encore plus sombre. Avant les titres de Caroline Garcia, le dernier en WTA 1000 (Tier I à l'époque) remontait à Mary Pierce en octobre 2005. Et "Caro", à l'US Open 2022, a signé la première demi-finale d'une Française en Grand Chelem depuis Marion Bartoli, en route vers son inoubliable sacre à Wimbledon en 2013. Les dix dernières années ont dépendu d'une seule joueuse, ce qui promet un futur bien incertain. 

L'Open d'Australie servira donc de premier révélateur en ce qui concerne les chances françaises. L'an dernier, Adrian Mannarino, Arthur Cazaux et Océane Dodin avaient atteint les 8e de finale, tombant tous à la renverse à ce stade. Des épiphénomènes alors qu'on espère bien mieux, comme un premier Français en quart de finale ici depuis Monfils et Alizé Cornet en 2022. Mais une grosse performance d'entrée de jeu, voilà qui confirmerait la performance d'Humbert à Bercy, et qui jetterait les bases d'une saison réussie. Le tennis français en a besoin, histoire de prouver qu'il n'est pas qu'un organisateur de tournois prestigieux, mais qu'il peut encore fabriquer des champions.