La saison de tennis n'a pas été avare en surprises et révélations en tout genre. L'éclosion totale de Mirra Andreeva, double lauréate en WTA 1000. Les triomphes inattendus de Jack Draper et Jakub Mensik sur les Masters 1000 américains du printemps. L'inoubliable parcours de Lois Boisson jusqu'aux demi-finales à Roland-Garros. La renaissance d'Amanda Anisimova, finaliste à Wimbledon. Et, bien évidemment, le titre incroyable de Victoria Mboko à Montréal. Et on en oublie.
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Le Masters / WTA 1000 de Cincinnati n'a pas fait exception. Et cette fois, c'est dans le tableau masculin que ça se passe. Pourtant, les têtes de série ont fait dans la majorité le job : 6 Top 10 en quarts de finale. Mais au milieu, un nouveau venu totalement inconnu voilà quelques jours encore : Terence Atmane. Un joueur qui avait principalement brillé sur le circuit Challenger, y amassant quatre titres.
Mais sa découverte (relative) datait de l'Open d'Australie 2024. Sorti des qualifications, il avait pris le premier set contre Daniil Medvedev, faisant mieux que de résister à l'ancien n°1 mondial, avant d'abandonner, perclus de crampes. On découvrait alors ce joueur de 1.93 m, au grand service et au coup droit puissant.
Les éloges de Richard Gasquet
Un coup droit devenu le centre des attentions. Ivan Ljubičić, responsable du haut niveau à la Fédération, a fait connaître à L'Équipe ce que lui avait dit un certain Richard Gasquet à propos du Nordiste : "Richard m'a dit : Il y a eu Rafa (Nadal), mais après, personne d'autre que Terence n'a ce coup droit lourd comme ça. Mais il n'arrive pas encore à gérer sa dépense énergétique mentale. Terence a beaucoup de boulot devant lui."
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Il faut savoir que Richard Gasquet a croisé le chemin de Terence Atmane pas plus tard que lors du dernier Roland-Garros. Au premier tour. Cela aurait pu être le dernier match en carrière de "Richie", qui devait raccrocher. Mais l'attitude exécrable de son jeune compatriote a précipité une défaite qui a permis à Gasquet de s'offrir un dernier frisson contre Jannik Sinner. Atmane, lui, a été convoqué par la Fédération (dont Ljubičić) pour une remontée de bretelle en bonne et due forme.
Mais il n'empêche, cette performance reste difficilement explicable. Car après ce coup de trafalgar à Roland-Garros, Atmane a perdu 8 de ses 11 matchs suivants avant d'arriver à Cincinnati. Et même après être sorti des qualifications, impossible de prévoir un tel ras-de-marée. Mais parfois, il suffit de pas grand-chose...
Comme un patron
Après avoir logiquement battu Yoshihito Nishioka, son chemin était supposé s'achever au deuxième tour contre Flavio Cobolli, une des révélations de la saison, désormais ancré dans le Top 30. Sans doute la victoire qui a tout changé. Gagner 7-5 au tiebreak du troisième contre un joueur en pleine ascension, qui avait tenu tête à Novak Djokovic lors du dernier Wimbledon, cela en disait long sur le potentiel du Français. Mais ce n'est pas pour autant qu'on l'imaginait sortir ensuite Taylor Fritz et Holger Rune.
Il y avait toutefois le souvenir d'avoir accroché Fritz, qui sortait tout juste d'une finale à l'US Open, lors du Masters 1000 de Shanghai en octobre dernier. Un match que l'Américain avait remporté en deux tiebreaks, en serrant le jeu au maximum pour éviter une déconvenue. Ce qu'il n'a pas réussi à faire cette fois, secoué par la puissance au service du Français.
Atmane a fait un match de Top 5... contre un Top 5. 13 aces, 34 coups gagnants (autant de fautes directes cependant) et plus de 80% de points gagnés derrière sa première balle. Et il a même conclu en patron sur sa mise en jeu. Une fois le n°4 mondial abattu, le n°11, Holger Rune, ne paraissait pas si impressionnant. Et le Danois n'aura gagné que cinq jeux, pris de bout en bout par la puissance du Français.
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Le défi impossible
Inconnu du grand public voilà dix jours autrement que pour ce match contre Gasquet (et encore), le voilà dans le dernier carré d'un Masters 1000. Pour trouver trace d'un demi-finaliste aussi mal classé (Atmane était 136e mondial au début du tournoi) à ce niveau, il faut remonter à... Cincinnati 2022, quand Borna Ćorić (alors 152e) avait surgi de nulle part pour remporter le titre. C'est tout le mal qu'on souhaite au Français, mais il y a un "mais" : pour aller en finale, il faut vaincre Jannik Sinner, rien de moins.
Une chose est sûre : le Français n'a pas peur d'affronter des adversaires de calibre supérieur. En 16 affrontements avec des Top 50 en carrière, il a pris au moins un set à 12 reprises (source : Jeu, Set et Maths). Et de toute façon, son tournoi est plus que réussi, puisqu'il a accompli sa meilleure performance en carrière sur le circuit ATP, et qu'il sera normalement Top 70 lundi. De plus, il est le seul Français, ATP et WTA confondus, à avoir atteint le dernier carré d'un Masters / WTA 1000 cette saison.

Mais fort logiquement, son tournoi parfaitement abouti devrait se fracasser sur le n°1 mondial. Jannik Sinner est sur une série de 25 victoires d'affilée sur surface dure, et a remporté 42 de ses 43 derniers matchs sur le ciment. Le seul à l'avoir battu sur cette surface ? Carlos Alcaraz, of course (en finale à Pékin l'an dernier). Inutile d'essayer d'expliquer la domination actuelle du meilleur joueur du monde, le voir jouer suffit.
Non, sauf blessure ou problème physique, Terence Atmane ne battra pas Jannik Sinner, qui n'a pas perdu contre un adversaire aussi mal classé depuis... on ne sait même plus, tant l'Italien est implacable. Ce qui ne veut pas dire que ce match est sans enjeu. Car au vu de sa forme actuelle, et au vu de sa confiance emmagasinée à Cincinnati, il n'y a rien de mieux pour le Français que de se frotter au meilleur joueur du monde pour avoir un aperçu des sommets de son sport.
Sans nul doute formateur avant un US Open où il devra... passer par les qualifications, ce qui lui a réussi ici. Et ce sera sans doute la dernière fois avant un petit moment. À moins qu'il ne gagne le tournoi, ce qui entraînera une situation cocasse où il ne pourra probablement pas s'aligner à New York. Mais il se contentera des points de classement, des plus de 300.000 accumulés, et surtout, de la satisfaction d'avoir enfin lancé sa carrière. On connaît pire comme bilan.
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