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Interview Flashscore - Didier Cuche : "Le ski ne peut pas se réinventer constamment"

Didier Cuche n'est pas avare de bons mots.
Didier Cuche n'est pas avare de bons mots.Klaus Pressberger / APA-PictureDesk / APA-PictureDesk via AFP
Avant un des rendez-vous de la saison, le weekend de Coupe du monde de Kitzbühel, entretien avec Didier Cuche, légende du ski alpin suisse et mondial. Toujours impliqué dans le milieu de la montagne, l'ancien champion du monde revient sur ses activités, la réussite du ski suisse et l'évolution de sa discipline.

Depuis sa retraite en 2012, Didier Cuche n'est jamais vraiment éloigné des domaines skiables. Avant même de raccrocher, il avait rejoint le Giron Jurassien des clubs de sports de neige. Il en est aujourd'hui le président. Une structure qui regroupe pas moins de 26 clubs suisses.

Objectif : "structurer l'encadrement et l'accompagnement des skieurs débutants, puis des jeunes. Les initier au plaisir de la neige". Puis, entre 11 et 16 ans, préparer les jeunes prometteurs en vue d'une intégration dans les 3 Centres Nationaux dont dispose la Suisse. L'ancien champion du monde ne tarira jamais d'éloges sur les structures dont dispose le ski helvète, la base de toute la réussite. 

Mais le ski alpin a fatalement de la concurrence d'autres sports, comme c'est le cas partout. Inquiétant ? "On réussit toujours à attirer des jeunes vers le ski. La tradition est très forte en Suisse, et on dispose d'un très bon réservoir de jeunes". Malgré tout, ce n'est pas suffisant pour demeurer au top. Mais Didier Cuche insiste, "les structures sont solides et saines en Suisse. Le problème reste l'accompagnement, qui demeure cher, à fortiori entre 11 et 20 ans. Logique, puisque tout devient plus professionnalisé, pointu, sans compter le coût des déplacements. Mais ce sont ces structures qui font la base du succès. La pyramide fonctionne bien de haut en bas".

Le haut, c'est bien évidemment les nombreux succès en Coupe du monde. Mais il ne s'agit pas que de Marco Odermatt. Si ce dernier est sans nul doute le meilleur du monde, "beaucoup d'athlètes sont en train d'éclore au plus haut niveau, et pas seulement en Coupe du monde. En Coupe d'Europe, les Suisses sont au sommet, et les sélections sont de plus en plus ardues à tous les niveaux" (Janine Schmitt 3e de la Coupe d'Europe chez les femmes, NDLR). 

Déjà 12 victoires pour la Suisse en Coupe du monde cette saison, de quoi aborder les Mondiaux autrichiens (du 4 au 19 février à Saalbach, NDLR) avec des ambitions. La nouveauté, c'est la disparition du combiné individuel au profit d'une épreuve par équipes, hommes et femmes. "Le ski ne peut pas se réinventer constamment. Il était logique que le combiné individuel disparaisse".

Il en profite pour constater l'avancée de ce qui fut son sport. "Aujourd'hui, chaque discipline est devenue super pointue. Les progrès technologiques sont incroyables. Et il est de plus en plus difficile de devenir performant dans plusieurs disciplines à la fois. Du coup, pour le combiné, sa disparition est logique". Il n'était plus pratiqué en Coupe du monde "par manque de place dans le calendrier." Néanmoins, si le Suisse voit l'intérêt d'un combiné par équipes aux Mondiaux, "cela n'a probablement pas sa place sur la Coupe du monde".

Aujourd'hui, Didier Cuche est également conférencier. "Je retrace le fil de ma carrière qui est atypique depuis mon enfance. Mes parents avaient un restaurant et une ferme, ils n'avaient pas le temps de me pousser vers le ski". Néanmoins, il habitait au pied des pistes, comme ça, "quand j'étais parti, ils savaient où j'étais" rigole-t-il. Mais même si ses parents n'étaient pas axés sur le ski, il a gravi les échelons rapidement. 

Néanmoins, freiné par les blessures, il n'a acquis son premier succès en Coupe du monde qu'à 23 ans. À Kitzbühel, justement, lors d'une descente, l'épreuve reine, en 1998. Et le tout devant trois Français (Nicolas Burtin, Jean-Luc Crétier et Adrien Duvillard, NDLR). "Ce jour-là, j'avais été le rabat-joie de service pour vous !" se souvient-il, hilare. 

Mais en ce qui concerne ses conférences, elles parlent donc de cette carrière, de la résilience dont il a fait preuve après ses différentes blessures, et des enseignements qu'il a pu en tirer. "J'interviens notamment en entreprises, ces valeurs de résilience y sont importantes". Cherche-t-il à inspirer les gens ? "D'une certaine façon, pour encourager les personnes à rester motivés, même quand le succès n'est pas au rendez-vous".

"J'ai appris beaucoup plus de mes défaites que de mes victoires", relance-t-il. Quand vous gagnez, tout est facile, tout le monde vient à vous. C'est dans les défaites qu'on se construit". Un message qu'il veut transmettre aux jeunes. "Si les jeunes pleins de rêves n'arrivent pas à les réaliser dans le sport, ils doivent au moins apprendre le reste, qui leur sera utile ensuite" Un parallèle évident avec le monde de l'entreprise. Et une suite logique pour lui. .

"Je n'ai pas vraiment eu à faire le deuil de ma carrière sportive. J'ai skié jusqu'à 38 ans, j'ai connu énormément de succès. J'ai eu une carrière longue et riche, et c'est cette longévité et ce succès qui a inspiré la suite". Après, et même pendant, puisque Audi l'a accompagné durant presque toute sa carrière, tout comme Head, marque de ski et de sportswear. Aujourd'hui, Didier Cuche est logiquement ambassadeur de ces deux marques, jouant un rôle d'expert entre autres choses. 

Mais il garde un oeil sur le circuit Coupe du monde. Il est d'ailleurs à Kitzbühel pour les épreuves du weekend, pour son rôle d'ambassadeur certes, mais il reste un observateur auguisé. Et reconnaît que "les Français ont quelques sacrés bons skieurs. Quand Steven Amiez sera constant sur les deux manches, ça va faire mal. Avec lui et Clément Noël, la valeur sûre, vous êtes armés en slalom"

Ayant connu la blessure, il espère que Cyprien Sarrazin (gravement blessé en décembre après une chute, NDLR) se remettra d'aplomb, en ce qui concerne la vie de tous les jours dans un premier temps avant de penser à la compétition. Avant de finir par un petit clin d'oeil pour Victor Muffat-Jeandet

"Je suis vraiment impressionné par sa résilience, après toutes les blessures qu'il a subi. L'autre jour, il a fait le meilleur temps de la deuxième manche lors du slalom d'Adelboden. J'aimerai beaucoup qu'il claque un bon résultat avant la fin de la saison". À 50 ans, Didier Cuche n'est pas prêt de quitter le bord des pistes de ski.