L'événement de ce dimanche pour le microcosme footballistique hexagonal n'était pas la fin de la 14e journée de Ligue 1 mais la première prise de parole de Kylian Mbappé depuis son arrivée au Real Madrid.
Révélateur, il ne s'est pas exprimé dans la presse sportive mais au micro de Mouloud Achour dans l'émission Clique. Habituellement, un nouveau Merengue se livre d'abord dans Marca ou AS et cette décision pourrait avoir des conséquences sur la perception de performances si elles ne s'améliorent pas, malgré son but à Girona qui aurait pu ne jamais exister et noircir considérablement le tableau s'il avait reçu un deuxième avertissement pour une main volontaire en deuxième période.
Ainsi, pendant 45 minutes, celui qui est toujours capitaine des Bleus a répondu aux questions d'un journaliste connu pour sa bienveillance. L'entreprise de communication était est apparue très simple très rapidement : l'humaniser.
Le problème, c'est que Mbappé a souvent versé dans l'ego trip, utilisant régulièrement la troisième personne du singulier pour se désigner, ce qui n'aura échappé à personne. Fidèle à sa réputation, il a été offensif, quitte à passer pour arrogant et il n'est pas certain que son image soit restaurée après cette interview. Elle pourrait même avoir l'effet inverse car Mbappé a souvent été maladroit dans ses explications, maniant la douceur pour mieux finir par des propos offensifs et cinglants.
"Ce n'est pas qu'on ne t'écoute pas, mais on m'a décrit comme super mature, donc à chaque fois, on essaie de chercher un message subliminal. Les gens nous voient comme des robots, c'est un éternel recommencement". Précisément, la perception du public a été abordée par la suite . "Depuis que j'ai 14 ans, à Monaco, tout le monde me disait que je serai grand. Parfois tu es grand, parfois tu es petit, il faut accepter car ça fait partie de la vie d'un grand. Le public est très versatile, c'est l'instant présent, ça va avec le monde du foot. Ça marche comme ça (...). Quand tu es connu tu es pris au piège : tu parles, c'est mal, tu ne dis rien c'est mal. On est aussi des citoyens. Je suis ouvert au dialogue, je réponds avec des choses qui me touchent. La manière a pu déranger mais on ne pourra pas me reprocher de ne pas m'engager. Il y a des moments difficiles mais il ne faut pas se renier. Il y a des choses que j'ai revendiqué".
"Une dépression ?"
La première question fut d'ailleurs hors football et basique : "es-tu heureux". "Très heureux, a-t-il répondu. Je commence une nouvelle étape de ma vie, ma première expérience à l'étranger, dans un pays très accueillant, un pays cool, avec le soleil". Par la suite, il a également été question de sa vie amoureuse et la difficulté d'en avoir une vu sa médiatisation.
À deux reprises, sa santé mentale a été abordée. "J'étais dans un état d'esprit ou je voulais découvrir quelque chose ici, j'ai mis beaucoup de ma concentration. Une culture, ça s'apprend. J'avais insisté lors de ma présentation sur l'adaptation". Il a battu en brêche l'hypothèse d'un burn-out : "une dépression ? J'ai eu des moments où j'étais fatigué. Il y a des gens qui sont déprimés et qu'il faut aider. J'ai eu des déceptions sportives. C'est parler pour parler, ça donne du travail à des gens. Si tu mets Kylian en une, les gens vont l'acheter (...) Quand tu es une star, si tu ne parles pas, on parle pour toi. Il faut que les gens t'écoutent. Il y a tous les jours quelque chose alors que je n'ai pas donné une interview depuis que je suis à Madrid. Il faut parler de Kylian à tout prix".
Plus tard, il a donné son opinion sur les cadences actuelles dans le football : "vous voulez qu'on joue, on va jouer, pas de souci. Masi on n'a pas de tranche de récuperation, c'est vous, instances du foot qui décidez. Moi je veux toujours jouer mais tu ne peux pas finir l'Euro mi-juillet et reprendre deux semaines après en tournée. Donnez-nous des plages de récupération. En NBA, il y a 4 mois de pause alors que la saison régulière dure 82 matches ! Dans les deux semaines, tu dois te préparer parce qu'on t'analyse au scalpel quand tu reviens. Alors tu coupes en deux, une semaines tu fais la fête, l'autre tu te prépares déjà. Je ne dis pas qu'on ne veut pas jouer mais laissez nous nous reposer. Tu ne recharges pas les batteries". Un avis qu'il pourra partager avec son président, Florentino Pérez, partisan du nouveau Mondial des clubs les années impaires et qui a également contribué à développer les tournées aux États-Unis ou en Asie en pré-saison...
Le brassard des Bleus : "Ça ne changerait pas ma vie"
Mbappé est également revenu sur les derniers mois avec les Bleus : "rien n'est plus important que la sélection, mon amour de l'Équipe de France n'a pas bougé. Ça fait longtemps que je n'y ai pas été. Ça a commencé en septembre, j'ai eu une discussion avec le sélectionneur pour ne pas y aller, je venais d'arriver à Madrid. J'ai toujours dit que l'Équipe de France n'appartient à personne et je n'étais pas à 100%. Je n'ai pas que 15 jours de vacances. Le sélectionneur a insisté pour que je vienne et ça ne s'est pas bien passé. En octobre, j'étais blessé mais je n'étais pas au centre des dicsucssion, c'était entre staffs. C'était pour me rétablir pendant la trêve. En novembre, c'est une décision du coach et je me range à ce qu'il a dit en conférence de presse. C'est lui le patron, c'est lui le boss. Je voulais y aller, mais je ne peux pas dire pourquoi".
Ce fut aussi l'occasion de revenir sur son Euro : "je me suis pété le nez. J'étais fatigué, je voulais rester car on donne tout pour l'Équipe de France. Même quand tu n'as rien, tu donnes ce que tu as. Après l'Euro, j'ai été 4-5 jours caché sur demande du club avant la présentation. Après, je suis parti, ça m'a gratté 8-9 jours de vacances".
Sur la virée à Stockholm pendant la trêve internationale d'octobre où il n'avait pas rejoint les Bleus car il était prétendument blessé, Mbappé a expliqué qu'il a choisi la capitale suédoise sur conseil de... Carlo Ancelotti : "le coach m'a dit : va dans un lieu où il y a peu de monde. Mais je suis Kylian, on me reconnaît un peu partout". Il a aussi parlé de l'affaire d'une supposée agression sexuelle dont il pourrait être l'autre selon la presse locale : "je suis toujours surpris, ce sont des choses qui débarquent sans prévenir, ça en fait partie Je n'ai pas reçu de convocation du juge, le gouvernement suédois n'a rien dit. C'est juste de l'incompréhension. Ça n'a pas pesé car je ne me sens pas concerné. Il y a eu beaucoup de bruit mais j'ai toujours eu la même intention. J'irai tout naturellement (si le juge le convoquait). Je n'ai aucune idée de qui est la plaignante".
Quant au capitanat, il a estimé qu'Antoine Griezmann aurait été "parfaitement légitime" avant d'étayer sur le contexte de sa prise du brassard. "J'ai eu une discussion avec le coach qui m'a dit :"ça te ferait quoi d'être capitaine ?". J'ai dit que ça ne changerait pas ma vie mais si tu me le donnes c'est un grand honneur".
Si tel est le cas, Didier Deschamps qui fut capitaine de toutes les équipes dans lesquelles il a joué depuis les catégories de jeunes jusqu'à l'Équipe de France championne du monde, aurait transmis ce symbole à un joueur qui n'aurait pas exprimé un enthousiasme débordant... Un aveu qui risque de déplaire fortement, et pas uniquement auprès de l'opinion publique.
Il s'est ensuite fait très cinglant quant à sa capacité d'accepter certaines choses avec la tunique nationale : "en Équipe de France, j'ai tout pardonné. Lors de l'Euro 2021, on m'a traité de singe, on n'a mis des échecs sur le dos. J'ai toujours mis l'Equipe de France tout en haut pour représenter du mieux possible. J'ai même donné mon nez ! Oui je me concentre sur le Real Madrid, mais je n'ai jamais abandonné l'Equipe de France. En dehors du terrain, j'ai donné aussi":
Il a néanmoins eu une analyse surprenante sur son capitanat : "je n'ai pas même brassard qu'Hugo (Lloris) mais on ne me demande pas les mêmes choses. Hugo, très bon capitaine, très bon gars; mais j'ai l'impression qu'on me demande un autre métier quand c'est moi !".
Et de conclure avec une phrase qui fait fi du collectif à propos d'un potentiel nouveau titre mondial en 2026 : "si j'arrive à ramener 2 étoiles sur 3..."
"Ce n'est pas Kylian contre le Qatar"
Très attendu sur le thème du PSG, Mbappé a confié sa passion pour son ancien club : "le club a énormément compté pour moi, j'ai profité des 7 ans, c'était intense dans le bien comme le pas bien. Peu importe ce qui s'est passé à la fin : au Parc des Princes, j'ai été applaudi du premier au dernier jour, comme au Campus PSG".
Il a aussi évoqué les conditions de son départ et l'image qu'il a pu refléter auprès des supporters parisiens : "j'étais en conflit, c'était naturel, je défendais mes droits. Je n'ai jamais tout mélangé car je connaissais la situation". Il a ainsi esquissé un mea culpa : "j'aurais pu être plus expressif avec les supporters. Ils ne savent pas tout ce qui se passe, ils le prennent pour eux. Certains se disent que le PSG était un passe-temps avant d'aller à Madrid. Je regarde tous les matches du PSG. C'est le PSG qui donne à manger à tout le monde en France".
Et s'il n'a pas évoqué Nasser Al-Khelaïfi, malgré la perche tendue par Mouloud Achour, il a été locace quant à sa relation avec l'émir du Qatar, notamment lors d'un dîner en grande pompe : "ce n'était pas pour me faire rester. J'avais eu des offres que j'avais déjà refusées. L'émir m'a dit à l'oreille : "tout le monde pense que je vais faire une offre et je ne le ferai pas parce que tu réalises ton rêve en allant à Madrid. Il m'a dit "merci pour toute ce que tu as fait pour nous, quand tu as polongé avant la Coupe du Monde chez nous au Qatar". Mes relations avec l'émir ont toujours été au top. Ce n'est pas Kylian contre le Qatar".
La situation avec Al-Khelaïfi a semble-t-il pesé sur lui mais aussi sur son petit frère Ethan, parti à Lille l'été dernier : "mon petit frère a été connu à 7 ans, à 10 ans il signait des autographes, il n'avait pas de signature ! Son Real Madrid à lui, c'était le PSG". Dans une volonté de défendre son cadet, il a maladroitement indiqué que s'il était là, c'était grâce à lui car son départ à Madrid l'a poussé vers la sortie lui aussi : "indirectement, je lui ai enlevé ça. Je lui dit : "si vraiment ça te pèse, je prolonge et on reste ici". Il m'a dit "jamais de la vie, après ce qu'ils t'ont fait, et ce qu'ils m'ont fait". Tu ferais quoi pour ton pretit frère ? Ethan ça se touche pas. À quoi ça sert d'être le plus grand si tu tues la carrière de ton frère ?".
Le Real Madrid : "le panthéon du football"
Évidemment, le Real Madrid a été un sujet important, même s'il n'a à aucun parlé de son jeu actuellement, ce qui serait arrivé s'il avait accordé une interview avec un journaliste de sport. "Tu es au panthéon du football. Ma devise c'est : "sois le meilleur avec les meilleurs". C'est l'étape d'après, il n'y a rien au-dessus". Il a aussi effectué une comparaison avec son passage dans la capitale : "au PSG, j'ai donné à manger, j'ai donné des titres. Les Espagnols sont dans le partage. A Paris, il faut montrer qu'on doit t'aimer, il faut faire tes preuves. A Madrid, c'est : "viens, tu fais partie de la famille... mais il faut gagner". Il a tout de même concédé que "ce n'est pas le meilleur des débuts collectifs et personnels. Mais on a un match en moins en championnat, si on le gagne on passe premier. On a gagné un trophée en début de saison. On t'attend dans la 2e partie de saison, c'est là où tu seras jugé".
Il a aussi confié qu'il plaçait les titres collectifs au-dessus des titres individuels... jusqu'à un certain point et en a profité pour évoquer sa relation avec Lionel Messi : "le Ballon d'Or ? Je sais ce qu'il faut faire pour le gagner, sur le terrain comme en dehors. La finale de Mondial, je l'ai perdue, c'est Messi qui l'a prise. Tu respectes Messi mais tu as la rage. Tu apprends tout d'un gars ocmme ça, plus à l'entraînement qu'en match. J'avais beau être Kylian, lui c'est Messi".
Son analyse n'est pas exactement la même par rapport au vestiaire du Real Madrid et il n'a cité aucun nom de joueurs qui pourraient l'inspirer : "ce n'est pas que tu apprends mais tu découvres, tu ouvres tous les sens pour voir comment ça se passe. C'est plus dans l'observation parce que j'ai toujours savoir où j'étais, avec qui, quand, comment. Je veux réussir ici".
Et pour 2025 ? "La santé et le reste... On va aller le chercher, sur le terrain comme en dehors".