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30 ans après le professionnalisme, le modèle français des clubs au sommet

30 ans après le professionnalisme, le modèle français des clubs au sommet
30 ans après le professionnalisme, le modèle français des clubs au sommetPhoto par DAMIEN KILANI / DK Prod / DPPI via AFP

Des champions d'Europe français depuis cinq ans, un public en hausse, quelques stars dépassant le cadre du rugby: 30 ans après le passage au professionnalisme, le modèle français, basé sur les clubs, compte de nombreuses réussites, au détriment parfois de la sélection nationale.

A une semaine de la reprise du Top 14, nombre défini en 2005 dans une logique de resserrement de l'élite impulsée par le passage au professionnalisme, bien différente est la vie d'un rugbyman par rapport à 1995, et souvent pour le meilleur.

"Aujourd'hui, tout ce qui est fait pour l'accompagnement du joueur, c'est formidable. J'aimerais être joueur pro aujourd'hui", relate l'entraîneur de Castres Xavier Sadourny, ancien ouvreur passé notamment par Clermont ou Lyon.

"La pression" sur les joueurs sur les compétitions "existait déjà à l'époque. Sauf qu'aujourd'hui, on mange au stade, on est suivi par un nutritionniste. Il y a trois préparateurs physiques. Il y a trois analyses vidéo. Il y a trois kinés. Tout est fait pour que le joueur soit performant", explique-t-il à l'AFP.

Longtemps amateur et fier de l'être, le rugby opère son changement drastique en août 1995, avec l'autorisation de la fédération internationale, pour répondre aux menaces de créations de nouvelles compétitions promues par des mécènes voulant attirer les meilleurs joueurs.

Mais les pays ont pris des chemins différents, entre le système de province dans l'hémisphère sud ou en Irlande, avec des prérogatives élargies pour les fédérations, et celui dominé par les clubs en France.

Trente ans après, les clubs français sont les plus puissants du monde: Toulouse, La Rochelle et Bordeaux-Bègles se sont partagés les cinq dernières Coupe d'Europe, l'affluence au stade et télévisuelle progresse, le championnat génère beaucoup de revenus et les propriétaires sont encore là pour éponger les pertes. Même des clubs de Pro D2, la deuxième division, arrivent à attirer des gloires vieillissantes pour une dernière expérience.

Ce qui n'est pas sans poser des problèmes au XV de France: la difficulté pour les joueurs de disputer tous les matches d'une saison sans séquelles physiques crée un débat récurrent sur leur mise à disposition entre la Ligue et la Fédération, financièrement plus en difficulté. "Le principal danger que je vois à long terme c'est la cadence des matches", détaille Xavier Sadourny.

Hiérarchie

"Aujourd'hui il y a une grande intelligence entre la fédération, les partenaires sociaux et la ligue sur la gestion" des internationaux, estime Malik Hamadache, ancien pilier aujourd'hui à la tête du syndicat des joueurs, Provale, et qui estime aussi le "suivi des joueurs" bien meilleur désormais.

Si le sélectionneur Fabien Galthié peut compter sur 42 joueurs lors des rassemblements des Bleus, il doit se passer de la plupart de ses cadres pour les matches de l'été, ce qui a suscité l'incompréhension en Nouvelle-Zélande, lieu de la dernière tournée en juillet.

Mais être rugbyman professionnel ne signifie pas la même chose qu'on soit international, joueur de Top 14 ou de Pro D2, également professionnelle. "Aujourd'hui, le niveau de rémunération" en deuxième division, bien qu'en progrès, "ne permet pas aux joueurs d'envisager sereinement l'après-carrière sportive si elle n'est pas préparée de manière rigoureuse", souligne Jérôme Chabran, agent sportif.

Et même au sein des internationaux, "on sent une différence entre des joueurs qui sont au top en matière de visibilité", avec seulement quelques noms comme Antoine Dupont ou Louis Bielle-Biarrey, et "d'autres qui n'ont pas la même aisance en terme d'accompagnement et de recherches de partenariats", souligne-t-il.

Au rugby, la professionnalisation s'est accompagnée de l'essor de la profession d'agent. Officiellement mandatés par les clubs qui les payent pour négocier les contrats avec des joueurs, ils sont parfois dans les faits un rouage essentiel dans l'entourage des joueurs pour la gestion de carrière.

"La qualité de la formation des jeunes joueurs fait que dans les prochaines années, on pourrait voir apparaître de nombreux talents", dont une plus grande proportion pourrait être reconnue du grand public, estime Jérôme Chabran. À condition que les clubs français maintiennent leur santé... et que le XV de France gagne.