L’équipe a parcouru un long chemin depuis sa disparition entre 2014 et 2017, attirant de plus en plus l’attention à mesure de son développement, même si elle ne bénéficie pas encore de l’engouement populaire réservé à l’équipe masculine.
Sous la houlette de l’entraîneur Swys de Bruin, les Springbok Women affrontent la France dimanche lors de leur dernier match de poule, après avoir déjà validé une qualification historique pour les quarts de finale grâce à leur victoire acharnée 29-24 contre l’Italie, mieux classée, lors de la deuxième journée.
"Nous sommes assis sur une mine d’or qui peut exploser si on s’y investit vraiment" a déclaré l’ancien sélectionneur Stanley Raubenheimer, qui a relancé l’équipe entre 2018 et 2022.
Ce succès trouve son origine en 2019, lorsque, en tant que directeur du rugby à la Fédération sud-africaine, l’actuel sélectionneur des Springboks, Rassie Erasmus, a fait de l’équipe féminine une priorité.
Le pari a porté ses fruits. Entre 2021 et 2024, le nombre de joueuses licenciées a presque doublé, passant de 3 900 à 6 800, et la première franchise féminine professionnelle – les Bulls Daisies – a vu le jour en 2023.
"Beaucoup de projets sont prévus pour l’an prochain" a confié De Bruin à l’AFP. "Il y aura d’autres franchises professionnelles, pas seulement les Bulls."
De Bruin, qui a été entraîneur des arrières des Springboks de 2018 à 2019, a également contribué à la reconstruction de l’équipe masculine avant de démissionner pour cause d’épuisement.
Il existe des parallèles entre les équipes masculine et féminine, mais "l’écart reste immense", a-t-il souligné.
Les Boks Women ont lancé leur campagne de Coupe du monde cette année par une victoire écrasante 66-6 contre le Brésil le 24 août, leur premier succès en phase de poules de Coupe du monde depuis 2010.
Ce fut un moment fort pour l’équipe, mais il est passé inaperçu pour beaucoup en Afrique du Sud.
Dans les bars sportifs populaires de Johannesburg, le match était diffusé à la télévision, mais peu de personnes le suivaient. "Le dimanche, les gens se reposent" a expliqué un agent de sécurité au Benchwarmers.
Rien à voir avec la liesse de la veille, lorsque les supporters, vêtus de maillots or et vert, ont envahi les bars de la ville pour assister à la revanche des Springboks, vainqueurs 30-22 de l’Australie.
Avec cette qualification historique, la pilier des Springbok Women, Yonela Ngxingolo, estime que ce parcours en Coupe du monde pourrait changer la donne pour le rugby féminin.
"Absolument, car même les chiffres ont augmenté en termes de visibilité et de personnes qui nous regardent" a-t-elle confié à l’AFP.
Cela signifie que "davantage de jeunes filles vont être inspirées", a-t-elle ajouté.
Comme chez les hommes, les femmes privilégient un banc composé de six avants et seulement deux arrières. "Nous sommes fières de notre puissance physique" a déclaré l’entraîneur des avants, Franzel September. "Nous savons que nous pouvons vous dominer devant. C’est dans notre ADN."
Cette puissance brute est incarnée par Aseza Hele, une troisième ligne inarrêtable (172 cm, 91 kg) et l’une des joueuses noires qui font de l’équipe féminine un reflet plus fidèle de la société sud-africaine que l’équipe masculine, majoritairement blanche.
La composition des équipes sportives nationales est scrutée de près depuis la fin de l’apartheid, et les Springboks ont été critiqués pour n’avoir aligné qu’un seul joueur noir lors de leur victoire contre l’Australie.
Ce risque est bien moindre dans le rugby féminin, car il est "plus présent dans la culture noire", selon Raubenheimer.
"Les filles veulent vraiment jouer au rugby, donc il n’y a pas ces freins et barrières que l’on retrouve dans d’autres pays où les filles hésitent à pratiquer un sport de contact" a expliqué à l’AFP l’ancienne internationale irlandaise Lynne Cantwell, manageuse de la haute performance de l’équipe jusqu’en 2024.
Le "système scolaire sud-africain est un vivier incroyablement fertile pour révéler des talents exceptionnels", a-t-elle ajouté, espérant que "dans les prochaines années, cela va se renforcer, avec plus d’écoles impliquées et une compétition accrue dans le rugby féminin".