Voici l'histoire d'un passionné, qui a décidé de donner au football une partie de sa vie. Du côté du Val-de-Marne, Keveen Talleux (34 ans) se réveille football, mange football, dort football et, surtout, consacre une grande partie de son temps au football, en entraînant l'équipe première des U20 de l'US Lusitanos de Saint-Maur. Cette mission, il l'accepte lors de la saison 2022-2023, lorsque le groupe se trouvait dans la catégorie R2 de la Ligue de Paris Île-de-France. Une opportunité en or pour cet amoureux du ballon rond, qui ne rêve – déjà – que d'une chose : de faire du football bien plus qu'un passe-temps.
Car Talleux le sait, mais "ne sait pas comment le décrire". Ce "flair", comme il nous le définit, lui permet d'enchaîner les succès en tant que coach, et de cerner les jeunes pépites franciliennes qui ont un talent spécial : "je me trompe rarement. Beaucoup de joueurs qui m'ont tapé dans l'œil et que j'ai ensuite proposé à des structures pros, sont aujourd'hui là où ils doivent être".
À l'instar du roi Midas, cet entraîneur français, d'origine italienne, change – seulement et heureusement – en or tout ce qui se rapporte au ballon rond, et plus précisément à la tactique et au management. Sa passion pour Football Manager a peut-être quelque chose à voir là-dedans. Baignant dans le milieu du football depuis petit, son père, Pascal, très actif dans le football amateur en région parisienne, a aussi joué son rôle. Depuis qu'il a décidé de se lancer en tant qu'éducateur, Keveen Talleux n'a connu que des montées partout où il est passé (niveau district, puis régional).
La gestion de l'humain comme fondement
Dans le monde des entraîneurs du ballon rond, deux styles de management s'opposent depuis la nuit des temps : les adeptes de tactique et les inconditionnels aux relations humaines. Pour Keveen Talleux, la psychologie, les échanges et la parole sont les bases de son management. "C'est mon état d'esprit, raconte-t-il à Flashscore News France. Je suis comme ça avec tous mes joueurs. J'essaye d'être le plus possible en contact avec les parents, pour connaître leur vie professionnel et personnel. On peut dire que je suis une sorte de "grand-frère". Il m'est déjà arrivé d'acheter des paires de crampons à l'un d'eux. Savoir gérer un groupe, c'est connaître avant tout qui sont tes joueurs en dehors du terrain. C'est comme ça que tu arrives à construire une équipe."
La gestion de l'humain avant d'être un psychorigide de tactique, voilà la clé pour cet homme de 34 ans pour atteindre les sommets. Du Perreux-sur-Marne à l'US Lusitanos de Saint-Maur, en cinq ans, Talleux n'a connu que des montées. Il reprendra d'abord la 1 des U15 du premier club val-de-Marnais et les fait monter de la D3 à la D2. On lui confiera ensuite la 1 U18 et Talleux enchaîne de la D3 à la D1 en deux saisons. C'est alors que Saint-Maur tape à la porte et lui propose de diriger l'équipe première U20 en Régional 2. Une magnifique opportunité pour lui de franchir un cap dans sa jeune carrière d'éducateur.
"Ça été un véritable honneur quand ils m'ont appelé. Ils s'étaient renseignés sur mes années au Perreux-sur-Marne, ce qui veut dire, qu'à leurs yeux, j'avais fait du bon travail. Quand ils m'ont proposé de reprendre le projet et qu'ils m'ont donné comme objectif de monter en R1, j'ai tout de suite accepté le challenge. C'était un très beau défi et dans la continuité de mon projet personnel. Je pense avoir fait le meilleur choix : je suis entré dans un club familial, bien structuré, qui avait sa catégorie sénior en N2, ce qui m'était bénéfique."
Comme il a été spécifié dans le contrat, la montée promise a été obtenue par Talleux dès sa première saison. Il emmènera les siens en finale de la Coupe du Val-de-Marne, mais la perdra contre Créteil – comme quoi, on ne peut pas toujours gagner. Aujourd'hui, l'équipe, qui évolue en R1, est deuxième du championnat à six points du leader, Montfermeil FC : "mon directeur technique a toujours eu confiance en moi et m'a poussé dès le premier jour. Et, pour l'instant, tout se passe parfaitement bien. Nous sommes deuxièmes, la saison est encore longue, mais pour une première année en R1, c'est très bien. J'avais ramené mon staff aussi, qui est avec moi, et tant que celui-ci est heureux, tout comme moi, tout roule".
Le football par le beau jeu
"La gagne doit passer par le beau football, car j'aime le football offensif." Voilà le deuxième mot d'ordre ce passionné. Évoluant principalement en 4-2-3-1, Talleux veut que son équipe soit l'acteur principal de ses rencontres. Les latéraux ont les caractéristiques pour effectuer les efforts offensifs et défensifs, l'un des milieux du double pivot assure l'équilibre, l'autre a les attributs du box-to-box, le 10 comme cerveau, et les trois offensifs ont les capacités pour finaliser les actions. Voici la formule magique du coach français pour permettre à son équipe d'avoir marqué 35 buts cette saison, soit la deuxième meilleure attaque du championnat (Montfermeil en a inscrit 41).
"Alain Mboma est l'un des coaches que j'ai eus qui m'a le plus marqué lorsque j'étais joueur. Ce dernier m'a ouvert les yeux sur le côté tactique et sur l'intensité, savoir travailler le physique avec ballon. Aujourd'hui, il y a beaucoup de choses au quotidien que j'applique et qui m'ont été transmises par lui."
Le beau football, donc, en deuxième principe fondamental. Perfectionniste dans l'âme, Talleux est en constante recherche du mieux et de la progression. Une victoire acquise un dimanche après-midi n'a pas le temps d'être savourée, il faut tout de suite préparer le match suivant. Le choix de son groupe passe également par l'implication de ses joueurs. Si le rendez-vous est prévu à 20h30 sur le terrain, ses gars doivent être présents entre 20h25 et l'heure du début de la séance : "j'ai déjà déprogrammé une séance, car mes joueurs étaient arrivés, tout sourire, à 35 sur la pelouse. Et ce n'était pas sérieux. Je les ai laissés en plan, puis je suis parti les observer en retrait, sans me montrer. Certains étaient partis, d'autres avaient pris des plots et avaient lancé une séance libre. C'étaient mes titulaires et, forcément, à ce moment-là, j'ai pris note."
Car rien ne peut être laissé au hasard. Si Keveen Talleux a autant de succès, c'est parce qu'il sait choisir ses hommes. Le talent est important, mais en Régional, lorsque vous jouez les premiers rôles, la détermination a tout autant de l'importance.
L'âme d'un scout
Si le coaching apparaît comme inné, celui de reconnaitre les jeunes talents de demain l'est tout autant. Région peu étendue (12 000 km²) mais d'une richesse exceptionnelle, l'Ile-de-France regorge de talents et ça, Talleux le sait et s'appuie dessus pour éteindre ses compétences : "finalement, le football, c'est quelque chose qui est en moi. Lorsque j'observe un jeune, je le remarque tout de suite s'il a quelque chose de spécial. Est-ce qu'il est rapide ? Est-ce qu'il se déplace bien ? N'est-il pas statique ? Il est important aussi de savoir quel genre de personne il est : s'il est posé, quel est son entourage, quelle est son attitude avec ses coéquipiers… Tout ceci est important à l'heure de cerner un jeune talent".
L'exemple le plus marquant, le Français va le connaître avec Bamo Meïté, actuellement défenseur central à l'Olympique de Marseille. Talleux le rencontre pour la première fois lorsqu'il entraîne les U15 au Perreux-sur-Marne. À l'époque, le jeune est en pleine adolescence et a ses qualités, mais ne dégage pas ce supplément qui permet de dire qu'il sera un joueur professionnel. Néanmoins, les années passent, et le jeune Bamo a besoin d'un stage pour valider son année de Terminale. La première personne qu'il décide d'appeler, c'est son ancien coach. Ce dernier le lui dégote et le retrouve métamorphosé : "il est l'exemple du travail et de la détermination. Comme quoi, dans ce sport, le talent ne fait pas tout. J'ai tout de suite vu un garçon sûr de lui et qui savait ce qu'il voulait faire. C'est une autre donnée très importante à prendre en compte".
Les deux hommes feront alors huit heures de route pour aller passer un test dans un club R1 senior. Et c'est alors que tout basculera pour le jeune Bamo Mëité. Viendront ensuite Laval, Lorient et Marseille.
Aujourd'hui, le Français ne s'en cache pas. Si le coaching le passionne, ce dernier tend plus à se projeter vers la gestion d'un club, le scouting et le recrutement. C'est l'une des prochaines étapes qui le tient en haleine : "pourquoi pas commencer par être recruteur pour des clubs niveaux L1/L2, c'est ce qui m'intéresse. C'est un chemin qui m'intéresse, car je suis un passionné, une personne déterminée, que je sais que je suis bon dans ça et que j'apporterai ma pierre à l'édifice du club qui m'ouvrira ses portes."
