Voilà où nous en sommes arrivés. À expulser un joueur qui rend hommage à un grand dirigeant récemment décédé. La Liga n'en a jamais assez des polémiques chaque semaine. Pour cette 11e journée, cela aurait pu être le penalty accordé à Majorque contre Valencia avec assistance de la VAR alors qu'il n'y a pas eu de contact entre Nico González et Amath Ndiaye. Finalement, il s'agira d'une chose encore plus anecdotique. Elle confine à l'absurde.
Au Ciutat de València où s'est exilé Villarreal le temps des travaux à l'Estadio de la Cerámica, Alex Baena a marqué et a soulevé son maillot pour rendre hommage à José Manuel Llaneza, vice-président du sous-marin jaune, décédé jeudi dernier des suites d'une leucémie. L'arbitre, Ricardo de Burgos Bengoetxea a appliqué le règlement à la lettre : carton jaune. C'est le deuxième pour Baena : rouge. Exclu pour rendre honneur à l'un des plus grands dirigeants du football espagnol des 30 dernières années, celui qui a convaincu, en 1997, Francisco Roig de croire en l'avenir de Villarreal, petit club de la Communauté Valencienne, si petit qu'il n'était même pas le rival de Castellón, l'équipe majeure de la province de la Plana. De rien ou presque à une paire de demi-finales Ligue des Champions en 2006 et 2022, sans oublier la victoire en Ligue Europa en 2021 contre un mastodonte financier : Manchester United.
Les arbitres se condamnent eux-mêmes
Voilà où nous en sommes arrivés. A suivre un règlement parce que c'est un règlement. Sans recul, sans empathie, sans réfléchir. Inique jusqu'au kafkaïen. Il est grand temps que le milieu de l'arbitrage se remette en question, cesse de vivre dans une bulle où eux seuls auraient raison et les autres nécessairement tort. Le football a besoin de juges pour exister, ils sont indissociables du jeu et les attroupements de joueurs sont insupportables. Mais les arbitres et leurs représentants sont-ils aveugles au point de ne pas voir la tendance qui se dessine : leur disparition pure et simple à brève échéance ?
Dans une volonté ridicule d'établir la "vérité", la VAR est venue rajouter de la polémique à la polémique. C'était inévitable, sauf pour les naïfs. Arrêts de jeu interminables, décisions toujours aussi contestables (une interprétation reste une interprétation, peu importe le moyen) qui vont de la main dans la surface au hors-jeu millimétré, si loin de la promesse de corriger les "erreurs manifestes". Un arbitrage robotisé, pas toujours bien calibré mais devenu la norme car la technologique serait infaillible.
Bientôt, le hors-jeu semi-automatisé sera normalisé. Les arbitres assistants feront bientôt partis des images défraîchies et des livres d'histoire. Car à mesure de ne pas vouloir se réformer, l'arbitrage humain est voué à disparaître. De nouvelles technologies, sur les maillots, les ballons, les chaussures, les caméras établiront des normes qui valideront ou non les fautes. En manquant de recul, de sensibilité, de discernement, Ricardo de Burgos Bengoetxea a illustré, à son corps défendant car il est soumis à un système de notes qui ne prend pas en compte l'intelligence et l'empathie, la faillite de l'arbitrage en Espagne. Mais cet acte est symptômatique et il concerne l'ensemble du football. Aucune semaine ne se passe sans une polémique, non pas sur le jeu en lui-même, mais sur les réactions des arbitres eux-mêmes. Il est temps que les professionnels de l'arbitrage se mettent sérieusement à réfléchir à leur emploi et à leur rôle. Car si c'est pour avoir des décisions prises sans affect, alors oui, peut-être vaut-il mieux tout de suite avoir recours à des machines. Leur sang ne sera pas plus froid.