Cet hiver, l'AFP a demandé à des dizaines de coureurs si le Slovène allait dominer autant en 2025. La plupart ont répondu oui, avant d'ajouter : "j'en ai peur".
"Ce n'est pas juste le talent d'une génération, c'est le talent qu'on ne voit qu'une fois dans sa vie. Je ne m'attends pas à ce qu'il ralentisse", expose le vétéran américain Larry Warbasse.
"Je m'y attends et je le crains. Je ne vois aucune raison pourquoi il serait moins fort. Il a toujours faim", ajoute le Belge Dylan Teuns.
"Un coureur comme lui, il n'y en a qu'un tous les 30 ou 40 ans. Je pense qu'il a vraiment un don exceptionnel. C'est Dieu sur un vélo", estime même Warren Barguil, interrogé pour savoir s'il avait parfois des doutes sur les performances du Slovène.
"J'ai toujours pensé que c'est à l'âge de 26 ou 27 ans qu'il serait à son meilleur. Il arrive dans la force de l'âge (le Slovène a eu 26 ans en septembre). C'est dommage pour les suiveurs, mais je pense qu'il va encore dominer", abonde Valentin Madouas. La perspective en effraye plus d'un, à commencer par les commentateurs TV.
"Comme Michael Jordan"
"Comment est-ce qu'on va continuer à relater les exploits presque hebdomadaires de Pogacar ? En mars, lorsqu'il a gagné (les Strade Bianche) en attaquant à 80 kilomètres de l'arrivée, j'avais dit qu'on ne reverrait plus jamais ça. Comme j'avais tort ! On a une histoire à raconter et on ne veut pas que ce soit toutes les semaines la même", résume Rob Hatch, qui commente les courses pour Eurosport.
En 2024, Pogacar a frappé les esprits non seulement par ses résultats (25 succès dont le triplé Giro-Tour de France-Mondiaux) mais aussi par la manière, avec de longs raids solitaires (81 km aux Strade Bianche, 51 km en solo aux Mondiaux après avoir attaqué à 100 km de l'arrivée, 48 km au Tour de Lombardie,...).
"C'est incroyable ce qu'il fait sur le vélo. Du jamais vu. Mais j'espère voir d'autres coureurs gagner cette année. Ce serait mieux pour le spectacle", insiste Rémi Cavagna.
"La saison dernière, on suivait ses exploits en se disant : wow, c'est incroyable, personne n'avait jamais fait ça", développe Luke Rowe, directeur sportif chez Décathlon-AG2R après une longue carrière de coureur chez Ineos. "Si la course en soi n'était pas excitante, on se consolait en assistant à quelque chose d'historique. Mais si ça continue, d'un point de vue de spectateur, ce sera un peu merdique", ajoute-t-il.
Pour Warbasse, c'est le lot de tous les champions qui dominent : "On peut considérer ça ennuyeux mais d'autres diront que c'est cool d'être témoin d'une sorte de grandeur, comme lorsqu'on regardait Michael Jordan jouer au basket."
Des parcours plus faciles ?
Son coéquipier chez Tudor, le Luxembourgeois Luc Wirtgen y voit même un avantage : "Les équipes doivent trouver un moyen de le battre et pour moi ça rend le vélo plus attractif. On l'a vu au Tour de Lombardie en octobre avec une échappée de trente coureurs, que des costauds, pour tenter de le piéger."
Cela n'avait pas fonctionné et les équipes doivent en tirer de nouveaux enseignements, souligne Benjamin Thomas, un des rares à penser que Pogacar fera moins bien en 2025.
"On va voir sortir des tactiques anti-Pogacar. Au Tour de Lombardie, les mecs ont fait le jeu de Pogacar avec un début de course tellement dur que tous les équipiers étaient morts. Moi, au bout de 60 km, j'étais dans la bagnole. Après, c'est difficile parce que des fois, Pogacar est tellement fort qu'il n'y a pas grand-chose à faire", relate Thomas.
"Plus c'est dur, mieux c'est pour lui", estime aussi Julian Alaphilippe, fan de Pogacar "un phénomène qui est un champion du monde magnifique pour le cyclisme".
"La tendance depuis quelques années est de rendre la course de plus en plus dure. Mais on se rend compte que cela favorise des coureurs dominants comme Pogacar, constate Warbasse. Alors peut-être faudrait-il revenir à des parcours plus faciles pour donner leur chance à un plus grand nombre de coureurs."