Plus

Plus cannibale que le Cannibale : en 2024, Pogacar s'est hissé au niveau de Merckx

Tadej Pogacar
Tadej PogacarMarco BERTORELLO/AFP
Quand Eddy Merckx explique que Tadej Pogacar est à son niveau, c'est qu'il a quelques arguments à faire valoir. En 2024, le Slovène a cumulé les exploits, avec un style caractéristique fait de grands raids dingues en apparence, mais trop bien réfléchis pour laisser croire qu'ils sont dus simplement à des circonstances de course.

L'année 2024 de Tadej Pogacar s'est achevée comme elle avait commencé : par un raid en solitaire, un coup de force lancé très loin de l'arrivée et une nouvelle victoire sans partage. Des Strade Bianche au Tour de Lombardie, le Slovène a survolé la saison et n'a laissé que des miettes aux autres, quoiqu'elles fussent dorées pour Remco Evenepoel, grand triomphateur des JO sur le chrono et l'épreuve en ligne, tout heureux que son rival se soit fâché avec sa fédération en raison de la non-participation de sa compagne. 

En 2024, Pogacar n'a jamais fini plus loin que… la 7ᵉ place. C'était au GP de Québec, sa course de reprise après son triomphe sur le Tour de France. Deux jours plus tard, il a remporté le GP de Montréal, antipasto de son chef-d'œuvre aux championnats du monde deux semaines plus tard. En Suisse, "Pogi" a signé son chef-d'œuvre ultime, une folie pure. À 100 bornes de l'arrivée, il met une sacoche dans le Wikiton. Ses rivaux pensent qu'il joue. Erreur ! Il est tout à fait sérieux et, avec l'appui de Jan Tratnik, il fond sur l'échappée matinale avant de déployer ses ailes et de s'envoler pendant que Mathieu van der Poel et Evenepoel s'enterrent. Phénoménal !

Pogacar a agi de la même manière tout au long de la saison. Si Milan-San Remo lui a échappé avec une 3ᵉ place, il n'a rien laissé : quand il est au départ, il est imbattable ou presque, au point qu'Eddy Merckx estime à présent que le Slovène est plus cannibale que le Cannibale. Le doublé Giro-Tour, qui n'avait plus été fait depuis Marco Pantani en 1998 dans les conditions baroques que l'on connaît, deux Monuments (Liège-Bastogne-Liège et le Lombardia) et le maillot irisé : rien ne lui a échappé. 

Sa découverte du Tour d'Italie s'est transformée en leçon, bien aidé par des éléments peu déchaînés, comme si la météo elle-même n'osait s'interposer face au boulimique. Son dauphin, Daniel Felipe Martínez, est rejeté à 9'56. 

Et maintenant ? 

Plusieurs défis se posent tout de même à lui pour 2025 : enfin remporter Milan-San Remo en ayant tous les favoris contre lui dans le Poggio et la Cipressa, battre Jonas Vingegaard sur la Grande Boucle dans des conditions plus favorables au Danois, revenu in extremis d'une lourde chute sur le Tour du Pays Basque, signer un quintuplé inédit sur le Tour de Lombardie et conserver son titre de champion du monde au Rwanda pour une édition aussi difficile qu'inédite. Et pourquoi pas tenter de signer le triplé sur les Ardennaises, lui qui en fut tout proche si une chute au début de la Doyenne ne l'avait pas privé d'une bataille au sommet avec Evenepoel ? 

Pour ce qui est de Paris-Roubaix, il faudra encore attendre. Pogacar n'est pas pressé de s'y aligner alors qu'il devrait être présent sur l'E3 et Gand-Wevelgem en mars. La notion de participer pour découvrir n'est pas dans le vocabulaire du bonhomme et il ne viendra sur la Reine des Classiques uniquement s'il a une chance de l'emporter, ce qui ne semble pas le cas, tant qu'il ambitionnera de jouer le général des Grands Tours. Avec à peine 66 kg sur la balance, il lui faudra prendre davantage d'épaisseur pour dominer les pavés, mais nul ne peut doute que, s'il se met en tête de gagner sur le vélodrome, il sera très difficile de l'en empêcher. Cela pourrait être sa quête ultime pour rejoindre Merckx, Rik van Looy et Roger De Vlaeminck, uniques vainqueurs des 5 Monuments. 

D'ici là, Pogacar aurait déjà amassé suffisamment de bouquets pour envisager une reconversion comme fleuriste !