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Pablo Longoria, première remise en question globale pour le président de l'OM

Pablo Longoria connaît sa première crise majeure comme président de l'OM.
Pablo Longoria connaît sa première crise majeure comme président de l'OM.Profimedia
C'est l'heure des comptes aussi pour Pablo Longoria. Président de l'Olympique de Marseille depuis févier 2021, adepte de la rotation des effectifs sur le terrain comme dans les bureaux de la Commanderie, l'Espagnol a vu une partie de son crédit s'évaporer avec l'élimination de la Ligue des Champions et un mois d'octobre catastrophique en Ligue 1, mettant en péril la suite des événements, voire de son mandat.

Si près, mais si loin, l'Olympique de Marseille a été sorti de la Ligue des Champions après une défaite à la dernière seconde contre Tottenham, la 4e en 6 matches. Dans un groupe homogène, les Phocéens avaient décroché la timbale alors qu'ils figuraient dans le chapeau 4. L'occasion de revenir dans le Top 16 pour la première fois depuis 2011 était inespérée. Peine perdue : l'OM n'a pas été au niveau escompté.

Outre les joueurs et Igor Tudor, c'est aussi au tour de Pablo Longoria d'être sur le grill, alors que les Marseillais ont deux rencontres cruciales à aborder avant la trêve, contre Lyon puis Monaco, et que les résultats sont en berne depuis un mois. L'Espagnol sent qu'il peut être très vite remis en question et ce n'est pas hasard s'il a accordé des entretiens dans la presse, Marca et Foot Mercato par exemple. 

Une politique de recrutement confuse

Longtemps à l'abri des critiques, l'Asturien jouissait d'une réputation flatteuse, notamment dans le scouting, à son arrivée comme "head of football". Mais être recruteur et président sont deux rôles différents. Dans sa feuille de route, Longoria avait l'obligation de réduire le déficit du club, de réaliser des ventes substantielles et économiser de la masse salariale. Sur l'ensemble du club (sportif et administratif), il doit économiser 19M€ sur demande de Frank McCourt.

Longoria a hérité d'une situation économique complexe à la suite du départ de Jacques-Henri Eyraud dont les transferts, réalisés avec Rudi Garcia notamment, ont été dispendieux et inconsidérés. Le retour, puis la prolongation du "Marseillais à vie" Dimitri Payet, ainsi que l'arrivée ubuesque de Kevin Strootman (rémunéré 500.000€ bruts mensuels) ont contribué à plomber les comptes olympiens. Ce n'est pas un hasard si l'Espagnol a poussé Steve Mandanda vers la sortie et agit de la même manière avec le Réunionnais.

Néanmoins, cette volonté d'écarter une partie vieillissante de l'effectif s'accompagne de certains choix de recrutement qui ont fait grimper la masse salariale de manière parfois inconsidérée. Cédric Bakambu, parti gratuitement à l'Olympiakos, touchait 400.000€ bruts mensuels, Luis Suárez a été recruté à Grenade pour 10M€, Eric Bailly et ses 5M€ annuels, Alexis Sánchez (4M€) ou Jordan Veretout, recruté 11M€ à la Roma, avec une rémunération dans la partie haute de la grille ont fait grimper la facture. 

Pour réduire le déficit et amortir les options d'achat activées (Pau López, Mattéo Guendouzi, Cengiz Ünder, Arkadiusz Milik) pour une somme d'environ 40M€, il fallait aussi réaliser des ventes. Soit elles ne sont pas venues, soit elles ont été a minima. Duje Caleta Car (8M€), Luan Peres (5,5M€) et Lucas Perrin (1,5M€) ont été transférés quand le prêt de Milik à la Juventus a rapporté 750.000€. Soit un peu moins de 16M€. Les grosses rentrées espérées ne sont pas venues, soit parce que Boubacar Kamara est parti en fin de contrat à Aston Villa, soit parce que Bamba Dieng a été recalé à la visite médicale par Nice, alors que l'OM a tout fait pour se débarrasser de lui, au point de l'écarter de la liste de joueurs qualifiés pour disputer la Ligue des Champions. Même pour Gerson, acheté 18M€ à Flamengo, n'a pas reçu la moindre offre digne de ce nom. Et ce ne sont pas les prêts de Pol Lirola (Elche), Jordan Amavi (Getafe), Konrad de la Fuente (Olympiakos), Luis Henrique (Botafogo) et Nemanja Radonjic (Torino), tous en échec sauf le Serbe, qui permettront d'opérer des bascules positives.

Depuis qu'il est arrivé à l'OM, d'abord comme successeur d'Andoni Zubizarreta, en juillet 2020, la plus grosse vente de Longoria remonte au mercato hivernal en 2021 avec le départ de Morgan Sanson à Aston Villa pour 10M€. C'est loin des attentes. 

Mercato : un effectif insuffisamment équilibré ?

L'été fut agité, avec le départ de Jorge Sampaoli atteint par la folie des grandeurs au moment d'exprimer ses vœux de recrutements estivaux. Longoria a fait le pari d'appeler Igor Tudor, auteur d'une belle saison avec l'Hellas Vérone, mais dont le style de jeu n'assurait pas de continuité avec son prédécesseur argentin. Le Croate s'est immédiatement créé de solides inimitiés, à commencer par Gerson qui, à l'inverse de Mattéo Guendouzi, voire dans une moindre mesure, Dimitri Payet, n'a pas pu être récupéré. Pour le président, la venue du Tudor lui permettait d'appliquer ses choix sans une véritable opposition. Intraitable avec ses joueurs, le Croate est davantage malléable avec Longoria et forcément moins exigeant que Sampaoli. 

Pour aborder la Ligue des Champions et éviter une nouvelle campagne désastreuse, il fallait doubler les postes, si possible qualitativement. Avec la défense à trois intouchables de Tudor, cela implique de renforcer la présence chez les pistons. Cela n'a pas été fait. Si Nuno Tavares, prêté par Arsenal, a marché sur l'eau pendant un mois, il est rentré dans le rang et n'a aucun concurrent, hormis Jonathan Clauss, son pendant à droite, qui peut basculer à gauche si Issa Kaboré est aligné. Trois hommes seulement pour des postes aussi exigeants, cela fait très court. Le secteur défensif laisse à désirer dans son ensemble, car, hormis Chancel Mbemba, assurément le coup de maître de Longoria lors du mercato estival, voire Bailly quand il n'est pas blessé ou au repos, Leo Balerdi, Samuel Gigot et Sead Kolasinac n'ont pas la régularité nécessaire pour évoluer dans un tel club. Le cas d'Isaak Touré, acheté 5.5M€ au Havre, reste en suspens vu la jeunesse du joueur (19 ans), le mieux serait qu'il ait du temps de jeu en prêt dès cet hiver. 

D'une manière générale, le système de jeu énergivore de Tudor a entamé le physique de ses joueurs dès octobre. Le dernier mois de compétition a été catastrophique et, après l'heure de jeu, l'équipe plonge. Le milieu de terrain s'essouffle très vite et les joueurs exposent leurs limites et leur fatigue. Un jus qui a manqué contre l'Eintracht Francfort et contre Tottenham, c'est-à-dire quand une grande partie de la saison se jouait sportivement et financièrement. 

Pas assez de Marseillais ?

L'Olympique de Marseille est un microcosme avec beaucoup de satellites qui gravitent autour. La recomposition d'une partie du secteur sportif et de l'administratif avec de nombreux Espagnols a tranché avec le côté américain d'Eyraud. Mais le club est-il adapté à de tels changements ? Javier Ribalta (directeur du football), Pedro Iriondo (manager général), Marco Otero (directeur du centre de formation) ont hispanisé le club, au détriment du contingent français, hormis Stéphane Tessier (directeur général adjoint).

Présente au club depuis près de deux décennies, Élodie Malatrait (directrice ­adjointe de la communication et responsable du protocole), toujours en contact avec Jorge Sampaoli, au même titre que Véronique Lopez (conciergerie) et Cécilia Barontini (DRH), ne serait plus en odeur de sainteté, alors qu'elle faisait l'intermédiaire entre les joueurs, le staff et Longoria lorsque les débuts de Tudor faisaient grincer des dents.

Nathalie Nénon-Zimmermann, arrivée il y a un an comme directrice générale adjointe chargée du marketing et des revenus est déjà repartie. Ancien grand reporter et journaliste sur le service public, Jacques Cardoze (directeur de la communication) et Alexandre Mialhe (directeur juridique et secrétaire général) sont pressentis pour quitter leurs fonctions. Après la chaotique campagne de Youth League, David Friio (directeur sportif) serait aussi proche de la porte.

Peut-être est-ce pour franciser de nouveau le club que Jean-Pierre Papin est attendu pour devenir conseiller stratégique, dans un rôle qu'il n'a jamais occupé et qui nécessite une explicitation de ses prérogatives qui devraient être plus importantes et efficientes que celles d'ambassadeur du club.

En revanche, les supporters, eux, restent, avec leur lot de personnages influents au sein des groupes. Jusqu'à présent, Longoria s'entend avec eux, mais c'était aussi le cas pour Eyraud, jusqu'à ce que les résultats déraillent et aboutissent à une protestation à la Commanderie, vite surnommée à Marseille "la révolution des cyprès" en référence à des fumigènes qui ont fini leur course dans les arbres du centre d'entraînement olympien. Quand le Vélodrome est avec son équipe et ses dirigeants, tout va bien. Mais si cela s'envenime, c'est comme la métaphore du dentifrice et tout peut très vite basculer. 

Même si son parcours a été précoce, Pablo Longoria est encore en phase d'apprentissage dans un rôle si exposé. Pour le président phocéen, cette première période de turbulences sera révélatrice de sa sérénité, de sa capacité à encaisser les coups et sur sa faculté à répondre aux attentes de Frank McCourt et du peuple marseillais.