Au micro de RMC ce mercredi, Mehdi Benatia, directeur du football de l'OM, est revenu sur la situation chaotique du club après les échanges de coups entre Adrien Rabiot et Jonathan Rowe.
"Il n'y a pas eu d'excuses"
"Depuis le départ, il y a eu notre volonté de préserver le vestiaire, a-t-il entamé. Quiconque a joué au football ou a les codes du football, sait que c’est quelque chose de très important. Donc je ne vais pas changer aujourd’hui ma façon de penser".
Il a ensuite attaqué, par voie de presse, ceux qui se sont exprimés... dans la presse : "visiblement, certaines personnes ont préféré aller dans la presse pour expliquer les problèmes. Ce ne sera pas mon cas, pour la simple et bonne raison que même si ce qui s'est passé est grave, très grave, je pense que sortir dans la presse et raconter ce qui se passe dans les vestiaires, ça fait passer un petit peu comme si on n'a pas de codes". Pour les caméras immersives de Ligue 1+, ça risque de devenir très compliqué...
Manifestement, Benatia a regretté la divulgation de détails de l'affaire par un dirigeant du club, sans que l'on ne connaisse son identité : "on a aussi des joueurs à gérer et moi, si j'étais un joueur de foot dans cette équipe, ça ne me plairait pas de savoir qu'un dirigeant de mon club est capable d'aller relayer ce qui se passe dans notre vestiaire. Le vestiaire, c'est sacré et c'est pourquoi on a essayé avec toute notre force… Sur les 24-48 heures qui ont succédé à cet épisode malheureux, on a essayé de calmer un petit peu les choses, d'expliquer qu'il y a eu des débordements, des échauffourées, mais qu'il ne fallait pas non plus en faire une affaire d'État".
Pas une affaire d'État mais pas loin néanmoins. Et les deux jours de repos accordés n'ont manifestement pas apaisés les esprits : "on espérait fortement que cela permettrait aux joueurs concernés de réfléchir un petit peu par rapport à ce qui s'est passé. Et de peut-être tout simplement demander pardon, pardon au club, pardon au coach et pardon, surtout, pour l'image et pour tout ce qu'on a dû endurer sur ces 48 heures. Il n'y a pas eu d'excuses de ce côté-là aussi bien le samedi que le dimanche et on a convoqué les deux joueurs avec Pablo Longoria le lundi dans l'après-midi avant qu'on explique dans une réunion avec la présence du coach, de tous les joueurs, de Pablo et moi-même, les sanctions qu'on avait décidé de prendre à l'encontre de ces deux joueurs-là".
Benatia n'a pas voulu entrer dans le détail et a affirmé se borner aux grandes lignes : "c'est une dispute de vestiaire, des joueurs frustrés d'un match que si tu joues dix fois, tu le gagnes neuf fois. Malheureusement, celui-là, on l'a perdu. Donc forcément avec un but à la fin, on connaît un petit peu toute la frustration que peut engendrer ce genre de matchs et ce genre de résultats. Ça a été au contact physique, à l'agression physique. Dans un vestiaire de football, en tout cas à l’Olympique de Marseille, on considère que ça ne peut pas arriver. C'est un acte qui est malheureux".
Un vestiaire pas dans l'esprit
Pour autant, il a lâché quelques informations étonnantes au vu des déclarations d'avant-saison : "ça te donne un petit peu la continuité si on peut dire de ce mois qu'on a passé où, effectivement, on a fait plusieurs rappels. On connaît un petit peu le foot avec le président et le coach, on a vu certains comportements. Depuis un mois il y avait pas mal d'amendes à payer, pas mal de choses un petit peu qui étaient un petit peu nouvelles, peut-être que c'est dû aussi à la qualification (en Ligue des Champions, ndlr). Vous savez comment c'est, surtout à Marseille : tu te qualifies en Ligue des champions et t'as l'impression que t'as sauvé le club, c'est quelque chose d'extraordinaire. Oui mais c'est fini, il faut repartir. Sauf qu'ici il y a tellement de passion, tellement d'amour que peut-être que certains joueurs ont pensé qu'on pouvait se permettre d'arriver un petit peu en retard, de faire ci, de faire ça, et nous on a combattu ça depuis le début, depuis la reprise, depuis juillet. Et ça, ce n'est pas que pour Rabiot ou Rowe, pas du tout, je parle de manière assez générale".
La situation ne s'est, semble-t-il, pas estompée et il a fallu convoquer les joueurs le 5 août pour leur expliquer certaines choses : "on a expliqué : 'les gars, c'est bien ce qui a été fait, maintenant il faut tourner la page, on repart avec sérieux. Le championnat va commencer et c'est important de remettre de l'ordre, de remettre des règles. Il y a un système d'amende que vous avez mis entre vous les joueurs, c'est important de s'y tenir pour le respect aussi du groupe, du vestiaire et ça n'a pas été fait'". Cette histoire d'amendes à payer auprès de Leonardo Balerdi avant de s'envoler pour Rennes n'a pas été réglé...
Des cadres qui se défaussent ?
Benatia l'a assuré, le contexte au moment de l'arrivée à Rennes était "très favorable, avec un mercato positif, tu avais gardé tes meilleurs joueurs et tout était bien. Et tu arrives à ce genre de bagarre, parce qu'en réalité c'est une bagarre".
Doux euphémisme : Rowe et Rabiot sont priés d'aller voir ailleurs. Benatia s'en est expliqué : "on a décidé de prendre des sanctions qui étaient certes fortes, mais je pense que les premiers punis c'est nous, c'est le club. Parce qu'aujourd'hui, tu perds deux joueurs". Sur Rowe, il a concédé que les rumeurs de départ n'ont pas aidé l'Anglais, "un jeune espoir qui était certes un petit peu pressenti sur le marché des transferts par rapport à l'arrivée d'Igor Paixao. On en a déjà parlé mais forcément ça a accéléré les choses". Quant à Rabiot, "tu perds peut-être ton meilleur joueur ou en tout cas le meilleur joueur de la saison dernière. Quelqu'un qui, personnellement si je dois être honnête comme j'ai toujours été, que j'adore. Je l'adorais et je l'adore aujourd'hui, que ce soit bien clair, comme homme, comme joueur de foot. Mais quand il y a des comportements comme ça, tu ne peux pas laisser passer". Un brin alambiqué...
Benatia a ensuite évoqué les réactions des cadres qui, apparemment, se sont défaussés sur certains coéquipiers, à croire qu'ils n'étaient pas avec eux sur le terrain alors que leur expérience aurait dû prévenir de la défaite : "il y a des joueurs cadres qui sont rentrés frustrés, qui ont commencé forcément à faire des réflexions aussi un petit peu à l'ensemble de l'équipe, sur la défaite, sur le comportement, qu'on doit faire plus, qu'on est à l'Olympique de Marseille, que tu ne peux pas te permettre d'aller perdre comme ça contre une équipe à 10 contre 11 depuis une heure".
La suite a totalement dérapé : "jusque là, c'étaient des mots et après, ça a commencé à monter un petit peu dans les tours, ça s'est levé… Vous savez comment ça se passe dans un vestiaire. Il y a toujours normalement deux, trois mecs qui viennent, qui séparent. C'est ce que certains ont essayé de faire. Le coach est arrivé, moi j'étais présent. Normalement tu reprends le calme, le coach prend la parole. Et puis voilà, il reste encore des matchs et la saison vient de démarrer. Là non. On est parti sur des affrontements physiques, des coups de poing. On a un petit malheureusement qui en plus, à ce moment-là, a fait une sorte de malaise vagal, le petit Bakola, qui est tombé par terre. Une scène de chaos, moi je n'ai jamais vu ça".
"Pourquoi cette méchanceté"
Alors que la love story entre Rabiot et l'OM semblait plus belle que jamais, sa réaction violente a témoigné d'une situation bien moins idyllique que prévu. "Je sais très bien le poids qu'a eu Adrien Rabiot sur notre saison, je l'ai dit et répété, a expliqué Benatia. Au-delà de l'homme extraordinaire qu'il est, il y a aussi le joueur qui est fabuleux et qui nous a porté l'année dernière et ça, je ne l'oublierai jamais, ça n'empêche d'ailleurs en rien ce que je pense de lui, même moi humainement". Avant de tempérer : "à un moment donné, je pense que tous les êtres humains peuvent être amenés à se tromper, à avoir des agissements parfois où tu vas en faute. Mais là, la faute est beaucoup trop grave. Moi, je vois les joueurs, je voyais la tête des joueurs, ils étaient choqués. Il y avait des joueurs qui étaient choqués. J'ai des agents qui m'ont rappelé depuis trois jours. Les joueurs disent qu'ils n'ont jamais vu ça. Quand tu veux être une institution forte, quand tu veux êtreun club fort, il faut savoir que si tu dois prendre des décisions qui vont peut-être t'affaiblir sportivement, certes, mais te renforcer en tant que groupe, en tant qu'équipe et en tant qu'institution. Il faut savoir les prendre".
Le directeur du football olympien semble toujours abasourdi par la scène : "je n’ai jamais vu ça moi, quelqu'un qui vient, paf, coup de poing dans la… Je n’ai jamais vu ça. Si tu veux que je te dise que c'est normal, non ce n’est pas normal. Maintenant, si pour vous c'est normal, peut-être que je me suis trompé d'endroit et qu'en fait on est chez les fous. Mais moi j'estime que ce n’est pas normal".
Roberto de Zerbi aussi a semble-t-il lui aussi accusé le coup : "il a été choqué ! On s'est appelé tout le week-end. On a passé le samedi-dimanche au téléphone jusqu'à 3-4 heures du matin avec le coach. Il a été choqué et déçu: 'Mais pourquoi Medhi? Pourquoi cette rage? Pourquoi cette méchanceté?' Ce n'est pas qu'ils se sont poussés ou pris par le col un peu. Donc pourquoi, on en est arrivé là? On a fait une super prépa, on est content de ce qu'on est en train de faire. On avait gardé tous nos meilleurs joueurs, notamment Adrien, avec qui on était en train de discuter d'une prolongation de trois ans, et on sait très bien - il l'a répété maintes fois - qu'il avait plaisir à continuer. Donc, tu fais des bons matchs de prépa, le stade est plein, les supporters sont contents. Pourquoi, après la première défaite, on en est arrivé là ? Je ne comprends pas. Ils n'ont jamais eu un problème entre eux avant, il n'y a jamais eu le moindre souci parce que je connais très bien les deux joueurs et je sais qu'ils étaient parfaitement intégrés dans ce groupe et il n'y avait aucun souci entre eux. Pour moi, c'est incompréhensible".
Laisser aller collectif ?
Pour autant, la situation dépeinte par Benatia n'est guère reluisante, à la fois pour les joueurs, mais aussi par extension pour le staff et les dirigeants, donc lui-même : "c'est clair qu'il y a un contexte depuis un mois, un mois et demi, on est partis avec beaucoup de… Comment on appelle ça ? Pas de laisser aller parce qu’on ne laisse rien aller... On est derrière tous les jours".
Il l'a illustré sa pensée avec la mise en place de checks médicaux : "quotidiennement les joueurs viennent se faire checker avant la séance. Mais tu as des joueurs qui viennent et te disent : 'pourquoi des checks, on n'a pas envie nous'. Cette année, on a l'impression que, parce qu'on s'est qualifiés en Ligue des champions, tout est discuté. Tout ! Pourquoi la réunion c'est ça ? Pourquoi c'est pas ça? Pourquoi le voyage c'est comme ça? Pourquoi le check médical ?". Et de revenir peu après sur la fameuse histoire des amendes impayées qui concernerait "sept ou huit joueurs".
Après avoir évoqué la situation de Rabiot, la proposition de prolongation à des tarifs jamais atteints dans toute l'Histoire l'OM et l'impossibilité de lui trouver un remplaçant aussi coté en à peine 10 jours, Benatia a espéré que cette affaire "va rebooster tout le monde, redonner du poids à l'institution, que les joueurs vont comprendre que c'est eux qui vont sur le terrain, c'est eux les personnes les plus importantes mais qu'ils doivent quand même aussi rendre des comptes à l'intérieur et respecter aussi le cadre qu'on donne tous les jours pour la récupération, le travail. Parce que sans ça tu ne peux pas performer, sans ça tu ne peux pas aller haut, sans ça tu ne peux pas jouer 45 matchs dans la saison".