Flashscore : On est une semaine après votre maintien en Première Ligue avec Strasbourg, est-ce que vous réalisez ?
Mégane Hoeltzel : Je commence à réaliser là. On sent que c'est déjà la fin de saison, que les matchs sont finis. La pression retombe aussi parce qu'on savait que le maintien allait se jouer vraiment au dernier instant. Même durant le match, on a senti que c'était vraiment sur les dernières minutes que ça allait se jouer et j’avais vraiment à coeur de nous maintenir. Maintenant c'est fait et on se concentre déjà sur bien se reposer pour la saison prochaine. On sait où on sera la saison prochaine, on n'a pas la pression de se demander si on sera en deuxième ou en première division.
Racontez nous un peu le match, le carton rouge d’Elise Bonnet, le but de Liana Joseph au bout du suspense…
On savait qu'il fallait marquer en premier, dans le sens où Reims avait un plan de jeu (le match nul suffisait à Reims pour se maintenir, ndlr). Je pense que leur plan changerait si on ouvrait le score. Au départ, elles n'avaient pas l'obligation de pousser et peut-être laisser plus d’espaces. Elles pouvaient vraiment rester en bloc et jouer le match nul. Ça a changé avec le but de Maeline Mendy. Et après ça, on a essayé de pousser, pousser, mais on n'a pas réussi à mettre les actions au fond.
En deuxième période, on savait qu'on allait être plus en danger que durant première, qu'elles allaient vouloir marquer car elles n'avaient vraiment plus le choix. Et après, il y a eu cette faute d’Élise (Bonnet, exclue à la 56e minute, ndlr). On savait que, sur les derniers matchs, on marquait tout le temps en première et par la suite, on prenait des buts. Il fallait mentalement être prêtes à ce qu'on se prenne un but, pour savoir réagir derrière. On s'est toutes regroupées après le but, on a dit qu'on allait le faire et les supporters nous ont poussés aussi donc on n'a pas lâché du début à la fin. Tout le monde était concerné, même à 10 contre 11. On savait qu'on avait des qualités et du monde derrière nous pour inverser la tendance.
On a vu Elise Bonnet très touchée après avoir pris un carton rouge aussi tôt : ça vous a aussi motivé à gagner pour elle ?
Oui, bien sûr, ça nous a poussé encore plus parce qu'on savait que déjà elle était très touchée. Elle avait très à cœur de jouer ce match et était très déterminée. Donc on savait qu'on allait aussi le faire pour elle et pour les filles qui n'étaient pas retenues ce week-end et qui se sont battues toute la saison pour cet objectif du maintien. Donc on l'a fait pour tout le monde, mais bien sûr pour Elise aussi. C’était dur pour elle de prendre un carton rouge à ce moment-là du match, parce qu'elle voulait vraiment aider l’équipe.
Cette saison vous avez beaucoup perdu dans les derniers instants des rencontres, mais vous avez fait l’inverse sur ce match-là. Que s'est-il passé ?
Le fait qu’il y ait de jeunes joueuses, de l’insouciance… Ça nous a fait du bien dans le sens où il n'y avait pas la pression. Et puis, ce sont des filles déterminées, qui ont soif de gagner et d'apporter leur pierre à l’édifice. Que ce soit Maeline Mendy ou Liana Joseph, elles ont pu marquer et nous apporter un plus à ce moment-là. Et puis, toute la semaine, on s'est préparé à tous les scénarios : être menée, mener ou marquer dans les derniers instants. On savait qu'on était prête à tout et qu'on allait le faire. On était très confiantes, que ce soit le staff, les joueuses et le club. On avait tout le monde derrière nous, un sentiment et une atmosphère où, oui, on avait de la pression mais c'était de la bonne pression. On avait seulement hâte de clôturer ce maintien.
Jouer son maintien sur la dernière journée, c’est un peu cruel ?
Oui c'est cruel mais depuis le début de la saison on a vu le calendrier on s’était dit qu’à tout moment le maintien allait se jouer à la dernière journée, contre Reims. Ça n'a pas loupé. C'est cruel mais après c'est plus beau de pousser jusqu'à la fin. On n'en pouvait plus. On était toutes très fatiguées de cette saison, notre première en première division. Elle était dure, intense. C'en est d'autant plus beau. Le club était là, on a joué à la Meinau. On avait les supporters qui étaient là, le club, les garçons, on a tous fêté ensemble. Ça devait se passer comme ça, sur la dernière journée pour que ce soit plus beau et pour que l'avenir soit plus beau.
Quels mots a eu votre entraîneur Vincent Nogueira avant la rencontre ?
Il était très confiant. Je pense qu'il avait aussi énormément de pression, mais il a essayé vraiment de rester calme et de montrer que tout le monde croit en nous et qu'on a les qualités pour le faire, qu'on doit être prête à tout, qu'on ne doit pas lâcher du début à la fin. C'était vraiment une atmosphère où il était serein. Lui et le staff ont essayé de ne pas nous transmettre la pression qu’ils avaient pour qu'on joue libérées. Ils nous ont dit qu’on avait tout à gagner.
Au coup de sifflet final, quelles ont été vos premières pensées ?
À ce moment-là, j'étais très soulagée. Je suis dans le club de ma région. Moi, je n'ai qu'un but, c'est amener le club le plus haut possible, rester dans l'élite. Maintenant, j'avais vraiment à cœur de me maintenir. Je pensais à ma famille, au fait que je peux rester en première division dans le club de ma région… C'était vraiment l'objectif. J’étais très rassurée parce que franchement, j'avais énormément de pression avant ce match. C'était à nous vraiment de mettre les choses en place pour remporter ce match. On l'a fait. Donc j'étais très rassurée, très contente et très fière de pouvoir rester dans mon club.
L’avantage de jouer son maintien sur la dernière journée c’est que vous pouvez fêter ça !
On a fêté ça comme il se doit, avec le staff, toutes les joueuses, et d'autres personnes du club également. On a pu relâcher la pression aussi, sans penser à un dernier match parce que vu que c'était une finale. On savait que c'était la fin de la saison et on l'a clôturé comme il se doit. Notre objectif était atteint.
On a vu que l’équipe masculine était venue vous voir sur le dernier match. Ils ont célébréavec vous aussi dans le vestiaire. Vous avez quel lien avec les garçons ?
C'est vraiment tout au long de la saison. On savait qu’on n'était pas seulement les féminines. Le club du Racing, c'est vraiment toute une famille. On est vraiment tous ensemble. Ce n'est pas les garçons ou les filles, c’est vraiment le club du Racing Club de Strasbourg et on va tous dans le même sens. On a tous un objectif commun : être au plus haut et y rester.
Vous disiez la saison passée que vous aviez vécu la meilleure saison de votre carrière, vous le pensez toujours ?
Franchement, je ne sais pas laquelle est la plus belle. Celle-ci était vraiment plus dure, plus intense, dans le sens où le scénario était dingue, ça s'est joué vraiment à la dernière journée, à la dernière minute. Il y avait énormément, énormément de pression. Et le scénario de marquer à la 96e minute… Ce sont vraiment des émotions, on y a cru jusqu'au bout. À partir du 1-1, inconsciemment, on a eu un peu peur et le but à la 96e minute nous a libéré Là, ça fait deux saisons où les émotions sont vraiment dingues. Les deux étaient très belles mais différentes.
C’est quoi le plus beau : faire monter son club de coeur en D1 ou le maintenir ?
Je dirais faire monter, dans le sens où on fait accéder l'équipe dans le plus haut niveau. Mais c'est tout aussi beau de faire rester le club en Première Ligue. On savait aussi que c'était une saison de transition. Maintenant le plus beau est à venir. C’était vraiment la saison la plus compliquée. Émotionnellement, je pense quand même que cette année a été très dure et donc les émotions en fin de saison sont encore plus fortes.
Comment vous avez vécu vous cette saison en Première Ligue physiquement ?
C’était un petit peu plus dur physiquement que la saison passée, dans le sens où les joueuses en face n'ont rien à voir avec la Seconde Ligue. Athlétiquement, les filles sont développées, c'est leur métier. Elles font ça toute leur vie, toutes les semaines. Donc oui, c'est plus dur parce qu'il faut travailler énormément pour être prête. J'ai eu des petits soucis de santé en début de saison, donc j'ai dû travailler durant la prépa hors groupe. Je suis un peu repartie de zéro donc j'ai dû travailler encore plus. Elle était vraiment plus dure que la saison dernière, dans le sens où j’ai dû travailler individuellement. Et travailler seule ou collectivement c’est différent, parce qu’on doit se pousser mentalement seule alors que collectivement on a l’équipe derrière nous.
Pour autant vous avez réussi à vous imposer, alors que vous n’étiez pas titulaire en début de saison…
Je n’étais pas prête à temps les 3 premiers matchs et je n’étais pas dans le groupe. Mais au fur et à mesure, j'ai intégré le groupe. J'ai eu de plus en plus de temps de jeu, je faisais des entrées. Et à partir de la fin de la première partie de saison, j'ai commencé à être titulaire. Et c'est vraiment dans la deuxième partie de saison où j'ai commencé à être à 100% physiquement.

Vous avez pris du plaisir à jouer malgré tout cette saison ?
Franchement dans ce club, je prends vraiment tout le temps du plaisir, que ce soit aux entraînements ou en match. J’aime ce que je fais et je suis dans un club où ils mettent vraiment tout en place pour qu'on se sente bien ici. Le fait que le club nous donne aussi l'opportunité de jouer au stade de la Meinau, c'est vraiment un rêve depuis toute petite. Donc c'est vraiment une fierté. Chaque matin, je me lève et j'ai juste envie de faire ce que j'aime.
C’est difficile de jouer pour se maintenir, quand la saison passée vous avez passé votre temps en haut du classement, avec de l’avance ?
Non, parce qu’on savait que ça allait être une saison compliquée, qu'on allait jouer le maintien. On ne savait pas que ça allait vraiment se jouer jusqu'au dernier instant. Maintenant, on était préparé à perdre. C'est dur de se préparer à perdre, sachant qu'avant ça, on gagnait énormément. Mais on savait qu'on était au plus haut niveau et qu’on voulait y rester. Donc, il fallait en passer par là. Mentalement, on y était préparé. Le staff nous a préparés aussi. On avait vraiment un groupe qui n'a pas lâché du début à la fin. Tout le monde était concerné, même les filles qui n'étaient pas dans le groupe ou qui jouaient moins. Le staff a permis aux filles de rester concernées et nous a gardées dans le droit chemin du début à la fin.
Cette saison vous avez gagné trois fois et ce sont trois victoires à Strasbourg.
C'est une forteresse de jouer à Strasbourg. On sent qu’il y a tout le monde derrière nous, que c’est le club de la région. On se sent chez nous. On est invaincus hormis Lyon et le PSG, au stade de la Meinau (2 940 spectateurs de moyenne à domicile, avec un record contre le PSG à 13 613, ndlr). C’est une bonne ambiance et on sent que les garçons nous mettent sur de bons rails, vu qu'ils font une très belle saison. On avait à coeur nous aussi de donner la même ambiance.
Qu’est-ce qui a changé entre votre saison en Seconde Ligue l’année dernière et cette saison en Première Ligue ?
En termes de joueuses, il y a des filles d'expérience qui sont arrivées, des jeunes. Le groupe s'est un peu étoffé, le niveau aux entraînements a aussi évolué, ça va beaucoup plus vite, musculairement ce n’est pas la même chose. En termes du staff, au niveau du club, j'ai l'impression que c’était plus ou moins la même chose. On a été mis à la même enseigne que l'an dernier. Le club était plus derrière nous, à nous garder vraiment concernées, à nous dire qu'on croyait en nous et qu'il ne fallait pas lâcher.
La saison passée, certaines travaillaient au sein de l’effectif, aujourd’hui vous êtes toutes concentrées uniquement sur le foot ?
Tout le monde non, il y a des filles qui étudient, mais ce sont des études en ligne. Il y a une fille qui fait des études et qui se rend à l'école un peu tous les jours et une fille qui travaille mais sinon la plupart de l'équipe est concentrée vraiment sur le foot. Par rapport à la saison passée, il y a moins de filles qui travaillent. Plus le niveau augmente et moins on peut se permettre de travailler, de faire des études à côté. Les études en ligne permettent de s’arranger et de faire le travail en fonction des horaires d’entrainement, alors que le travail rajoute quand même une charge physiquement. On a une fille qui travaille et on voit que, parfois, elle est quand même plus fatiguée que d'autres filles qui à côté peuvent se reposer quand il faut.
La saison dernière vous chantiez "À l’international" de Tal après chaque victoire. C’était quoi la chanson de victoire cette saison ?
Après les matchs, on n'avait pas vraiment de chanson de victoire, mais avant les matchs on mettait "Piano" (de Naza feat Keblack). C'était vraiment la musique qu'on mettait avant de sortir.
Votre mère vous écrit un SMS avant chaque match, c’était quoi le message avant le match du maintien ?
Avant le maintien, je l’ai eu au téléphone. Franchement, elle avait énormément de pression. C’est comme si elle avait plus de pression que moi, dans le sens où elle ne pouvait rien faire de plus qu’être là et nous encourager. C'est plutôt moi qui l’ai rassurée. Je lui ai dit que dans tous les cas, on allait le faire et qu’elle n’avait pas à stresser parce que j'étais confiante. Le fait de voir les entraînements la semaine, on était toutes en confiance. Je pense qu’on n’avait jamais fait une semaine d’entraînement à ce niveau-là. Donc j’ai rassuré ma mère, elle m’a dit qu'elle m'aimait fort et qu'elle avait hâte de nous voir nous maintenir.

Et votre père était aussi confiant que lors du match pour la montée ?
Oui, il était très confiant. Il m’a dit qu’on a vraiment un groupe de qualité et qu’on aurait dû se maintenir avant vu la qualité de jeu qu’on proposait. Maintenant, ça se joue sur des détails. Donc le fait de voir nos derniers matchs, il était confiant et il savait qu'on allait le faire.
Strasbourg fait partie des rares clubs de Première Ligue à avoir une vraie ambition avec ses féminines, à ne pas vouloir vendre la section féminine et à avoir un projet pour elle. C’est rassurant ?
Oui, c'est rassurant parce que, déjà, je suis bien ici. C'est le club de ma région et il se développe. Moi, mon rêve depuis toute petite, c'est de jouer au plus haut niveau, et de pouvoir jouer au plus haut niveau dans ce club, dans un club qui met les moyens pour les filles… J'ai vraiment tout ici pour prendre du plaisir et pour faire ce que j'aime. Je n’ai pas d'intérêt à voir dans les autres clubs, parce que notre dynamique est bonne, que le club se développe… On est monté, maintenant le club met les conditions pour qu'on y reste. Chaque année, le club met de plus en plus les filles dans de bonnes conditions donc je suis très contente d'être d'être ici et de pouvoir rester ici.
Quelles sont vos ambitions pour la saison prochaine ?
Déjà, que la saison soit moins difficile que cette année en termes de maintien, de faire mieux, d'amener le club au maintien le plus rapidement possible et qu'on puisse continuer à montrer du beau foot, de montrer les valeurs du club. Mon objectif personnel, c'était vraiment la première division. Donc maintenant, il faut y rester. J'avais l'objectif de la sélection aussi dans un autre coin de ma tête. Après, il y a des faits qui sont arrivés, donc je me suis vraiment concentrée sur reprendre, récupérer et avoir ma place dans ce groupe.