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Lundi Olympique #4 : le patinage de vitesse a son héros, il s'appelle Thimothy Loubineaud

On n'avait pas vu venir Thimothy Loubineaud
On n'avait pas vu venir Thimothy LoubineaudKaname Muto / Yomiuri / The Yomiuri Shimbun via AFP / Flashscore
Le patinage de vitesse français n'a quasiment aucun historique au niveau mondial, mais tout cela pourrait changer. Depuis le début de saison, Thimothy Loubineaud ne cesse de surprendre en Coupe du monde, et s'est imposé ce weekend au Canada. De quoi voir grand pour 2026.

Le patinage de vitesse, ce n'est clairement pas une spécialité française. Pour plusieurs raisons, mais en premier lieu une très simple : il n'existe aucun anneau de 400 mètres (donc aux normes mondiales) dans l'Hexagone. Une fois cette phrase prononcée, on comprend mieux l'ampleur du chantier.

Ainsi, alors que les Jeux Olympiques d'Hiver 2030 ont été attribués à la France, ce n'est pas une raison suffisante pour construire une patinoire adaptée. Les compétitions de patinage de vitesse de JO organisés en France devraient donc avoir lieu... en Italie, sur l'ovale de Turin

Dans ces conditions, la stupéfaction a été totale le 24 novembre dernier quand, lors de l'ouverture de la Coupe du monde de patinage de vitesse à Nagano, la Marseillaise a retenti. Thimothy Loubineaud, 28 ans, a remporté l'épreuve de la Mass Start, en partant de loin en solitaire, et en écoeurant le peloton qui ne sera jamais rentré sur le fuyard.

Une onde de choc : jusqu'ici, la seule référence française dans la discipline se nommait Alexis Contin, vainqueur en Coupe du monde en 2015, et triple médaillé mondial, le tout... sur la Mass Start. Ce dernier a rangé les patins et s'occupe d'un groupe d'athlètes que rejoint parfois son successeur, qui n'est pourtant pas de base un homme de glace, mais de bitume.

Nourri au roller, vice-champion du monde dans cette discipline en 2019 (sur le 10 km), il a basculé vers les patinoires de par la collusion entre deux fédérations, la FFRS (Roller Skatebord) et la FFSG (Sports de Glace), dont il dépend désormais. Même si la porte reste ouverte pour chaque discipline. Et c'est d'ailleurs son cas. Cependant, c'est bien en patinage de vitesse désormais qu'il fait parler de lui.

Et cela a été le cas hier soir à Calgary. La Mass Start est devenue sa spécialité, et il a de nouveau frappé fort avec une attaque que l'on pouvait qualifier de suicidaire. Après 4 des 16 tours, il a placé son accélération et embarqué deux concurrents avec lui, les tançant quand ils ne prenaient pas les relais. Une attitude de patron. 

Et quand il fallu porter l'estocade, il a pris ses responsabilités et accéléré dans les derniers tours, lessivant ses partenaires de fuite, écoeurant le peloton qui a renoncé à le poursuivre. Avant de conclure au sprint pour une magnifique victoire, la deuxième donc, et confirmer que ce succès japonais n'était pas un accident. 

De quoi voir plus grand ? Les Championnats du monde auront lieu du 13 au 16 mars en Norvège, et forcément, on se met à rêver d'un destin doré. Jamais la France n'a remporté de titre aux Mondiaux (2 médailles d'argent, 2 de bronze), et aux Jeux Olympiques, il n'y a même pas l'ombre d'une médaille, et lors de la dernière édition en 2022, il n'y avait pas le moindre patineur tricolore engagé ! 

Du coup, les ambitions sont revues à la hausse. Avec ces deux succès, Thimothy Loubineaud sera forcément parmi les prétendants au podium aux Mondiaux. Mais quid des JO ? La préparation se fera donc forcément à l'étranger, dans des conditions peu optimales, sur un fil, et donc logiquement, rien ne sera certain.

Mais l'objectif sera sans doute plus lointain. En 2030, Loubineaud aura 34 ans, et sera donc plus proche de la fin que du début. Néanmoins, il suffit parfois d'un grand titre pour lancer une mode, une dynamique, créer des vocations, qui se briseront irrémédiablement sur le fait qu'il n'y a pas d'anneau de vitesse en France. La quadrature du cercle.

Seul un titre olympique changera cet état de fait. Mais au jour d'aujourd'hui, on peut déjà dire que Thimothy Loubineaud est le deuxième plus grand patineur de vitesse français de l'histoire. C'est dire l'état d'un sport pourtant olympique, qui vient de se trouver un nouveau héros. En espérant qu'il ne soit pas éphémère...