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Lundi Olympique #13 - Victor Crouin : "2028, c'est peut-être la chance de notre vie"

Victor Crouin en route pour les Jeux.
Victor Crouin en route pour les Jeux.Hasta La Vista Squash / Flashscore
Tous les lundis, focus sur un athlète, une équipe de France ou une compétition en rapport avec les Jeux Olympiques en vue de Milan - Cortina 2026 et Los Angeles 2028. Les Bleus du squash ont ramené deux médailles des Championnats d'Europe par équipes, avec en point d'orgue la performance de Victor Crouin. N°1 français, double champion d'Europe individuel, sa victoire samedi sur Mohamed El Shorbagy le conforte en vue des Mondiaux et surtout des JO 2028.

Bonjour Victor. Les Championnats d'Europe par équipes se sont achevés par une défaite contre l'Angleterre en finale, pour la quatrième fois d'affilée...

Oui, ça fait depuis 2018 qu'on l'attend, ce titre. Pourtant, on revenait dans le club de squash où on avait été sacrés en 2018 (rires) ! C'était ma première sélection et mon premier titre à l'époque, mais depuis, certains de nos meilleurs joueurs ont pris leur retraite, et on a du mal à créer cette atmosphère où tout le monde arrive à performer en même temps. 

J'ai été pendant longtemps aux États-Unis (Victor Crouin est diplômé d'Harvard, NDLR). Les Championnats d'Europe n'ont pas toujours été ma priorité. Je venais parce que c'était un devoir de répondre à une sélection, mais je disais toujours que ce n'était pas mon objectif principal, et je n'étais pas toujours à mon meilleur niveau, comme en 2019 quand on fait 4èmes. 

Là, depuis trois ans, je suis arrivé comme n°1 de l'équipe, mais j'ai eu du mal à performer. Il y a beaucoup d'équipes nationales qui n'ont pas de densité, mais qui ont un numéro 1 assez fort. Et enchaîner 5 matchs contre des Top 50 en 4 jours, ça fait mal (rires). Et quand il faut le faire pour l'équipe, il y a une certaine tension. Et jusqu'à cette année, je n'étais pas assez régulier comme n°1. Mais là, j'ai fait la semaine parfaite du point de vue individuel, avec 5 matchs, 5 victoires, et en prime ma première victoire sur Mohamed El Shorbagy (ancien n°1 mondial et ancien champion du monde, NDLR). Je n'ai pas pu m'empêcher de verser une larme après le match (rires). C'était vraiment un moment fort pour moi.

Du coup, c'est dommage qu'elle ne permette pas de gagner la rencontre. C'était une semaine compliquée par équipes, à cause des blessures, des petits bobos. On a fait le choix d'aligner Auguste Dussourd en 4 plutôt que Toufik Mekhalfi, qui manquait d'expérience à ce niveau. Ça n'a pas marché puisqu'il perd en 4, même s'il passe proche d'aller chercher le cinquième. Ma victoire à relancé l'équipe, mais Baptiste Masotti a eu du mal mentalement et n'a pas réussi à se concentrer sur le jeu. C'est dommage.

L'an dernier, tu avais également rencontré Mohamed El Shorbagy, qui t'avais largement dominé. Tu avais abordé la rencontre alors que la France menait 1-0, contrairement à cette année. Cela a changé ton approche du match ?

Globalement, outre le match, je n'ai pas abordé la semaine de la même manière. Les Championnats du monde démarrent bientôt, et ça reste notre compétition de référence. Je savais que certains coéquipiers étaient un peu blessés, avec quelques bobos. L'objectif est toujours de représenter la France du mieux possible, et faire mieux que l'année dernière, où je n'étais vraiment pas fier de mes performances. C'était une période compliquée, j'étais en manque de confiance, c'était la fin de saison et j'avais vraiment envie qu'elle s'arrête pour passer à la suivante. J'avais vraiment pour but de "faire le boulot" en tant que n°1 de l'équipe, et perdre le moins de jeux possibles pour garder la fraîcheur. Le reste, c'était dans les mains du staff, des coachs, des coéquipiers.

C'est une dissociation difficile à comprendre, mais même dans une compétition par équipes, chaque joueur doit réaliser une performance individuelle. Quand on rentre sur le terrain, on reste seul. On doit faire le boulot, personne à qui passer le ballon. On a le besoin d'avoir un collectif soudé, mais les individualités doivent rester au dessus. Les routines individuelles, c'est ce qui nous rend performant, et on voulait éviter d'être trop "en équipe" pour garder cet aspect individuel. C'est une subtilité et un équilibre pas faciles à trouver. 

Tu penses avoir réussi à ne pas trop puiser dans tes réserves physiques ?

Oui, c'était vraiment mon objectif de ne pas taper dans les réserves physiques, mais surtout émotionnelles. Physiquement, je suis en forme et j'ai fait des semaines d'entraînement bien plus dures que celle-là. J'ai réussi à caler mes entraînements pour pouvoir arriver en pleine forme les compétitions. Depuis septembre, j'ai remis en question ma façon d'aborder l'entraînement et les compétitions, avec Los Angeles en ligne de mire. L'objectif, c'est de baisser mon nombre de tournois, caler des plages d'entraînement de trois, ou quatre, ou cinq semaines, pour travailler en profondeur et ne pas se contenter de corriger quelques trucs en surface. Le tout avec un objectif long terme.

Les Championnats du monde approchent donc (du 9 au 17 mai, NDLR). Cette victoire sur Mohamed El Shorbagy change ton approche ? Le tableau devrait t'envoyer vers Paul Coll (ancien n°1 mondial) en 8èmes...

Déjà, il y a deux matchs à gagner, dont normalement Baptiste Masotti en 16èmes. Et puis ça faisait un moment que je titillais les meilleurs joueurs sans avoir la victoire. Voilà deux semaines, à la Grasshopper Cup, je suis passé à un point de battre Diego Elias (champion du monde en titre, NDLR). Le piège, cela aurait été de se focaliser sur cette fin de match manquée - même si lui a été très très fort - et d'oublier les progrès qui ont été réalisés sur les quatre semaines précédentes. Les progrès, je les avais ressentis, et je suis venu aux Championnats d'Europe pour mettre tout en place.

Donc oui, cette victoire a beaucoup de valeur, même si elle ne compte pas pour mon classement (rires). Mais le fait que ce soit fait avec le maillot de l'équipe de France lui donne une valeur assez spéciale. Ça me booste, ça me motive, et ça confirme les progrès effectués et ma capacité à battre Paul Coll par exemple. Mais ce ne serait pas un exploit, parce que je l'ai déjà battu. 

L'objectif reste de réintégrer le Top 10 (Victor Crouin a été au mieux 7ème mondial en mars 2023, NDLR). Qu'est ce qu'il te manque pour cela ?

Rien qu'un quart de finale aux Mondiaux pourrait suffire. Je suis 15ème, et entre la 10ème et la 16ème place, les écarts sont infimes. Un bon résultat puis un deuxième au British Open en juin, et je pourrai y retourner. Mais il n'y a pas de secrets, pour y être et surtout pour y rester, il faut battre des Top 8 régulièrement. Le classement ne ment pas.

Le squash est olympique, il sera à Los Angeles en 2028. Tu es vraiment lancé avec cet objectif long terme ?

Déjà, on a aucune certitude sur le fait que le squash sera toujours au programme en 2032. Il est important de ne pas aller à Los Angeles en mode découverte, ou prise de sensations, en se disant "je vais voir, et l'objectif c'est 2032". On n'a pas ce luxe. Il faut directement se projeter sur 2028, c'est peut-être la chance de notre vie. La Fédération a changé sa manière de voir sa performance au long terme sur le projet fédéral des joueurs professionnels, et moi, j'ai fait un gros virage pour mettre les JO au centre du projet, pour arriver en pic de forme à ce moment-là.

D'autant que le format est particulier et peut jouer à ton avantage (les tournois seront des tableaux de 16 avec un seul représentant par pays, NDLR)...

C'est tout de même une triste nouvelle pour notre sport, puisqu'au final, on ne sera donc que 32 sur place. Mais individuellement, ce n'est pas une si mauvaise chose (rires). Ça veut dire qu'il n'y a que quatre matchs à gagner pour l'or. De plus, ceux qui sont proches de la retraite et qui pensait y aller un peu "en touristes" vont peut-être s'en aller plus tôt s'ils ne peuvent pas viser une place. En tout cas, ça va rendre la qualification plus excitante ! 


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