Malgré des succès répétés sur la scène internationale, les équipes féminines sportives nigérianes sont confrontées à des conditions précaires dans leur pays, entre mauvaise gestion, inégalités salariales et représailles à l’encontre de celles qui osent dénoncer les abus.
Le Nigeria vient de remporter la finale de l'AfroBasket féminin, son cinquième titre continental consécutif. Le mois dernier, les Super Falcons ont remporté leur dixième Coupe d'Afrique des nations féminine de football (WAFCON).
Alors qu'elles sont les meilleures d'Afrique, les équipes féminines de basket et de football pâtissent pourtant depuis des années de disparités salariales par rapport à leurs homologues masculins, qui comprennent des primes de match tardives ou impayées.
Mais lorsque les Super Falcons ont atterri à Abuja fin juillet après leur sacre au WAFCON face au Maroc (3-2), aucune joueuse n’a répondu face à la presse aux questions visant à savoir si elles allaient demander au président nigérian, qui les a accueillies dans sa villa, d’être payées comme ceux de l’équipe masculine.
"Si vous vous opposez à ce qui se passe, vous perdez la possibilité d'obtenir ce à quoi vous avez droit, vous pourriez même être mis sur liste noire", explique à l'AFP Solace Chukwu, rédacteur en chef d'Afrik-Foot Nigeria.
Retards de paiement
En 2021, les basketteuses ont, elles, interpellé les autorités, protestant contre le non-paiement des primes de match. À l'époque, la Fédération nigériane de basket-ball a nié toute faute, imputant le problème à des erreurs administratives.
À l'instar de l'équipe de basket-ball, l'équipe de football féminine a bénéficié d'investissements précoces à une époque où d'autres pays africains se sont concentrés sur les équipes masculines, souligne M. Chukwu. Ce qui a permis aux Super Falcons de remporter les sept premières éditions du WAFCON, de 1991 à 2006.
"Les joueuses qui prennent l'initiative ou osent protester risquent toujours de ne pas être convoquées ou d'être carrément mis à l'écart", affirme Harrison Jalla, un responsable du syndicat des joueuses.
Desire Oparanozie, aujourd'hui commentatrice, a été déchue de son titre de capitaine des Super Falcons et n'a pas été sélectionnée pour disputer le WAFCON en 2022, après avoir dénoncé les salaires impayés lors de la Coupe du monde féminine 2019. À l'époque, la Fédération nigériane de football a nié l'avoir écartée à la suite de cette affaire.
L'ancien sélectionneur de l'équipe masculine, Sunday Oliseh, qui a lui-même été mis à l'écart de l'équipe nationale au début des années 2000 à la suite de protestations concernant les arriérés de salaire, a qualifié cette situation de représailles "criminelles".
"Le ciel est la limite"
Contactés par l’AFP, la Fédération nigériane de football et les Super Falcons n’ont pas répondu aux allégations selon lesquelles les joueuses ont peur de s'exprimer en public sur leurs préjudices. Elles nourrissent en revanche toujours l’espoir d’un changement dans la gestion du football féminin au Nigeria.
"Je pense que tout est possible", a déclaré à l’AFP la joueuse Promise Amukamara juste après la victoire de son équipe à l'AfroBasket, appelant à construire "davantage d'infrastructures au Nigeria" et en suggérant que son pays "accueille" l'épreuve continentale "une année".
Même son de cloche chez Aisha Falode, une responsable de la Fédération nigériane de football, qui a appelé le gouvernement à "investir dans les équipements, dans les ligues et dans les joueuses, car le football féminin ne peut plus être pris à la légère".
En dépit de ces difficultés structurelles, le sport féminin continue à attirer les jeunes. Justina Oche, 16 ans, joueuse dans une académie de football à Abuja, dit à l'AFP que les exploits de l'équipe l'avaient incitée à tenter une carrière dans ce sport.
"On dit que ce qu'un homme peut faire, une femme peut le faire encore mieux", a ajouté la jeune fille, qui admire Asisat Oshoala, élue six fois élue footballeuse africaine de l'année. "Les Super Falcons l'ont encore prouvé."