On allait voir ce qu'on allait voir, foi de Loco de Waco ! Michael Johnson l'avait assuré : le Grand Slam Track allait révolutionner l'athlétisme et relancer l'attractivité de la discipline. Comment ? En se consacrant uniquement à la piste et en balayant d'un revers de main les concours de sauts et de lancers. Mauvais calcul.
Usine à gaz
Ce tout nouveau circuit, richement doté, s'articulait autour de 4 meetings s'étalant initialement sur 3 jours à Kingston, Miami, Philadelphie et Los Angeles. Dans l'esprit fatigué des dirigeants du GST, il fallait que les spectateurs voient les stars courir au moins deux fois dans des courses à enjeux. L'idée était louable, mais pas vraiment viable. Alors pour dynamiser tout ça, des catégories ont été inventées (sprint court, sprint long, haies hautes, haies basse, demi-fond courte distance, demi-fond longue distance), avec des athlètes poussé(e)s à s'aligner sur des disciplines qui ne sont pas nécessairement les leurs et au risque de multiplier les risques de blessure pour rien. Mais qui peut bien avoir envie de voir un spécialiste de 110m haies réaliser un 100m plat sans intérêt au niveau chronométrique ? Réponse : personne.
Malgré une couverture médiatique étonnante (La chaîne L'Equipe et Eurosport ont co-diffusé en France par exemple), le GST n'a pas pris. Déjà, parce qu'il était placé juste après la fin de la saison en salle et encore très loin des Mondiaux de septembre. Pas l'idéal pour les athlètes, même les plus connus comme Sydney McLaughlin-Levrone et Gabby Thomas, qui sont venus ramasser la monnaie (100.000$ pour le vainqueur de l'étape, 10.000$ pour le 8e) devant des tribunes désespéremment vides, notamment à Kingston, premier meeting qui aurait dû servir d'appel d'air pour la suite. Après Miami, le programme a été raboté d'une journée à Philadelphie. Et à L.A... il n'y aura rien puisque, pour des raisons économiques sur fond d'imbroglio avec UCLA qui devait être l'hôte et de contexte politique difficile en Californie, la compétition a été annulée. Les organisateurs l'assurent : c'est tout de même une réussite et ils se focalisent déjà sur 2026.
Semaine parfaite pour la Diamond League
L'annonce a été faite au moment où, à Oslo, se tenait le prestigieux meeting de Diamond League. Et alors que le GST allait tout dépoussiérer, le mythique Bislett faisait le plein avec en vedette Mondo Duplantis (6.15m) et le local Karsten Warholm qui a battu le record du monde d'une distance anecdotique, le 300m haies, mais avec un plateau ultra relevé composé avec Rai Benjamin, Alison dos Santos et Abderrahman Samba. Chez les femmes, la championne olympique Julien Alfred s'est imposée sur 100m... avant de célébrer avec Usain Bolt qui avait fait le déplacement. Et dimanche à Stockholm, Duplantis a signé un nouveau record du monde (6.28m), Alfred a claqué un chrono maousse sur 100m en coupant son effort (10''75) et Benjamin a débordé Warholm pour signer la meilleure performance de l'année sur 400m haies. Le tout dans un stade complet.
En athlétisme, avoir des performances et un plateau relevé, c'est la quadrature du cercle et, à l'heure actuelle, c'est la Diamond League qui y parvient. Mais si on ajoute des catégories obscures ("Grand Slam Racers" pour les engagés aux 4 meetings c'est-à-dire la première division, "Grand Slam Challengers" pour des athlètes invités qui pourront monter en fonction de leurs résultats), un système de points identique à la Diamond League, censée être le modèle à déboulonner, l'ensemble devient vite indigeste.
Peu de billetterie, un placement dans la saison sans grand intérêt sportif, des meetings disputés uniquement pour le rare public américain qui ne se passionne pour l'athlétisme en masse qu'au moment des JO et un oubli volontaire des concours de sauts et de lancers : le Grand Slam Track devait révolutionner l'athlétisme mais il a été l'occasion de montrer à ses dépens qu'il est un ensemble de disciplines qui, malgré toutes les critiques, a fait voler en éclats les certitudes de MJ, déjà peu connu pour son sens de la modestie. Les États-Unis ont beau être une Nation dominante de l'athlétisme, l'Europe reste plus que jamais au centre du jeu et des intérêts.