C'est un paradoxe qui a été maintes fois constaté : avec 10 médailles, on peut dire que les Jeux Olympiques ont été réussis par l'équipe de France de judo. Mais 6 d'entre elles ont été en bronze, tandis que les deux titres ont pour point commun un certain Teddy Riner, proclamé sauveur de la nation au vu du scénario de ses victoires.
Le plus grand judoka français de l'histoire sera absent de ces Mondiaux, tout comme son pendant Clarisse Agbégnénou. Mais les sept autres médaillés individuels aux Jeux seront présents au sein d'une délégation homogène, qui peut avoir de très grandes ambitions.
Et pour cause : ils sont sept, rien que cette saison, à avoir gagné en Grand Slam, plus haut niveau de compétition sur le circuit mondial IJF. Et gagner, c'est bien ce qu'on demande aux Bleus. Car si la France est établie de longue date au sein des nations fortes du judo mondial, les titres commencent quelque peu à montrer.
Lors des Mondiaux 2024, seule Margaux Pinot a pu goûter à l'or (en écartant Marie-Ève Gahié, qui lui avait subtilisé la place aux JO). Les deux titres en 2023 étaient le fruit de... Agbégnénou et Riner. Romane Dicko avait été la seule à triompher en 2022, tout comme Agbégnénou, encore, en 2021, que ce soit aux Mondiaux ou aux Jeux. Depuis quatre ans, le bilan est souvent excellent en termes de médailles, comme à Paris ou aux Mondiaux 2023, mais il manque clairement d'or.
Alors qui pour mettre fin à cette "disette" ? Honneur a la tenante du titre d'abord. Margaux Pinot n'est pas la plus connue des engagés, mais elle avait sorti un parcours d'une extrême solidité l'an dernier pour rafler le titre. De quoi envisager un doublé ? Difficile à croire, mais si tel était le cas, ce serait sans doute l'un des plus grands exploits du judo français : seules cinq Bleues ont réussi à conserver leur titre mondial.
La relève existe, avec notamment la double championne du monde juniors, Melkia Auchecorne. Lauréate pour la première fois en Grand Slam cette saison, elle a une carte importante à jouer, et c'est également le cas de Romain Valadier-Picard et Martha Fawaz, qui ont, eux aussi, triomphé en Grand Slam. La preuve qu'année après année, le judo français continue de former des champions.
Mais ceux qu'on attend le plus, ce sont les "leaders". Ceux qui ont échoué dans leur quête d'or olympique, et qui ont donc une belle soif de revanche sur le papier. Que ce soit Shirine Boukli, Amandine Buchard ou Sarah-Léonie Cysique chez les femmes, on tient là trois chances de médaille sur le papier, et trois déceptions possibles si le podium n'était pas au rendez-vous.
Mais surtout, on tient trois championnes à la recherche d'un réel couronnement. Car si l'or européen pullule dans leur palmarès, au même titre que les victoires en Grand Slam, rien ne remplace l'or olympique ou mondial. C'est raté pour le premier, au moins jusqu'à Los Angeles, alors l'occasion est là de magnifier enfin une carrière de haut niveau.
La remarque vaut également pour Luka Mkheidze, bardé de places d'honneur au très haut niveau, ou encore pour Walide Khyar. Néanmoins, la meilleure chance de médaille reste Romane Dicko. Très peu vue cette saison, elle a triomphé sans coup férir en Grand Slam à Tbilisi, et surtout aux Championnats d'Europe, et a fait de cette compétition un objectif majeur. Pour rentrer dans la caste des doubles championnes du monde ?
Quid des hommes ? Les poids légers ont une belle carte à jouer, tout comme Joan-Benjamin Gaba et Maxime-Gaël Ngayap Hambou, tous deux médailles olympiques et clairement enthousiasmants dans un judo masculin français qui, sorti de son colosse, est clairement dans la panade : seuls Frédéric Demontfaucon (2001) et Loïc Piétri (2013) ont été champions du monde au XXIe siècle en dehors de Teddy Riner !
Les catégories des lourds sont sinistrées, aucun judoka aligné en -100 kg, ni en +100 kg, de quoi montrer la faiblesse française dans certains domaines. Qu'importe au final, les Bleus ont largement assez d'armes pour rivaliser, avec le titre par équipes en ligne de mire. Mais c'est au poids d'or ramené de Hongrie qu'on jugera le millésime : la France a énormément de talent, il faut le transformer en titre.