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L'affaire Sinner a révélé "une mauvaise compréhension" des règles antidopage

Sinner à Wimbledon en 2024.
Sinner à Wimbledon en 2024.TAKUYA MATSUMOTO/The Yomiuri Shimbun via AFP
Un an après le contrôle positif à un anabolisant de l'actuel N°1 mondial Jannik Sinner, la directrice générale de l'Agence internationale pour l'intégrité du tennis (Itia) Karen Moorhouse assure auprès de l'AFP être "très à l'aise" avec la gestion de cette affaire, malgré les critiques.

Question : Les délais de plusieurs mois entre les contrôles positifs de Jannik Sinner et Iga Swiatek et leur révélation par l'Itia ont été critiqués par plusieurs joueurs. Allez-vous changer votre manière de communiquer ?

Réponse : "Nous essayons toujours d'être aussi transparents que nous le pouvons tout en respectant les règles. Les questions de communication autour de l'affaire Sinner ont peut-être révélé une mauvaise compréhension de nos règles sur les annonces de tests positifs et de suspensions provisoires : les gens ont cru à tort que nous annoncions des contrôles positifs, alors qu'en réalité, il s'agissait d'annoncer des suspensions provisoires. Dans les deux cas, les règles ont été respectées : les joueurs ont fait appel de leur suspension provisoire dans le délai de dix jours prévu par nos textes. Et comme leur appel a été couronné de succès, les suspensions provisoires n'ont pas été rendues publiques. Si nous avions procédé autrement, nous aurions enfreint nos propres règles."

Q : Vos règles pourraient-elles évoluer à la suite des deux affaires ?

R : "Ces affaires ont provoqué de saines discussions. Et c'est complexe (...) de trouver le bon équilibre entre l'intérêt de divulguer un test positif et l'intérêt de le garder secret jusqu'à ce qu'une enquête approfondie ait pu avoir lieu. Certains sports décident d'annoncer immédiatement les suspensions provisoires, comme l'athlétisme. D'autres, en particulier les sports collectifs, ne les annoncent jamais. Ils attendent que (le sportif incriminé) ait été auditionné. Le tennis a essayé de trouver un juste équilibre avec cette règle des dix jours: si quelqu'un fait appel (de sa suspension) sous dix jours et qu'il obtient gain de cause, ça n'est pas rendu public. C'est une règle qui pourrait être modifiée."

Q : Est-ce que vous y travaillez actuellement ?

R : "C'est une chose à laquelle nous nous attellerons avec le monde du tennis. Il y a des arguments pour et des arguments contre. Mais quand nous examinons un cas, nous appliquons toujours les règles en vigueur à ce moment-là. Donc, je suis très à l'aise et confiante par rapport à la façon dont nous avons géré ce cas (l'affaire Sinner, NDLR). Et c'est bien que ce cas ait mené à des discussions pour savoir si les règles sont toujours appropriées ou si elles doivent être changées."

Q : L'Itia a accepté les explications de Jannik Sinner, qui plaide que sa contamination au clostebol est due à un massage prodigué par un membre de son entourage. Envisagez-vous de sanctionner les membres de l'entourage des joueurs à l'avenir ?

R : "Nos règles sont basées sur le Code mondial antidopage, qui liste plusieurs infractions pouvant être commises par l'entourage d'un joueur: médecin, entraîneur, agent… Mais la plupart des infractions en question supposent une intention (de dopage, NDLR). Dans l'affaire Sinner, selon l'expertise juridique dont nous avons bénéficié, il n'était pas justifié de poursuivre qui que ce soit dans son entourage. Il n'y avait aucune infraction aux règles du programme antidopage du tennis, qui est basé sur le Code mondial antidopage. Dans le cadre de l'évolution de nos formations (aux règles antidopage, NDLR), nous nous efforçons vraiment de rendre celles-ci accessibles à l'entourage des joueurs."

Q : Iga Swiatek et Simona Halep, deux anciennes N°1 mondiales, ont toutes les deux été contrôlées positives à une substance interdite à deux ans d'intervalle, mais ont écopé de sanctions radicalement différentes (1 mois de suspension pour Swiatek, 4 ans ramenés en appel à 9 mois pour Halep). Comment expliquer cette "différence de traitement", pour reprendre l'expression d'Halep ?

R : "Dans le cas d'Iga Swiatek, le test positif était dû à un médicament contaminé. Pour nous, son degré de responsabilité (...) était donc très limité. C'est ce qui explique qu'elle a écopé d'un mois de suspension."

"Le cas Halep est extrêmement complexe, mais en définitive, le Tribunal arbitral du sport (TAS) a admis que son contrôle positif était dû à un complément contaminé. Pour déterminer son degré de responsabilité, ils ont pris en compte la nature du produit incriminé – ce n'était pas un médicament – et les précautions que la joueuse avait prises pour tenter de limiter le risque de contamination. Après avoir soupesé ces différents facteurs, le TAS a infligé une suspension de neuf mois. Toutes les décisions (des autorités antidopage, NDLR) sont basées sur la nature du produit en cause et les précautions prises par le joueur pour limiter le risque de contamination."